Le chant des oiseaux ou le sifflement des éoliennes? (tribune libre)

Le chant des oiseaux ou le sifflement des éoliennes? (tribune libre)
Yvan Beauchemin, un résident du Centre-du-Québec, déplore le manque d’études visant à connaître l’impact des projets d’éoliennes sur les espèces d’oiseaux qui occupent le territoire. (Photo : archives, Ghyslain Bergeron)

TRIBUNE LIBRE. Malgré l’engouement majeur de nombreux élus pour le développement éolien, je ne peux, en tant qu’agriculteur et ornithologue, que déplorer le manque apparent d’intérêt de la part de ces mêmes élus de réfléchir aux conséquences de ce développement sur la faune aviaire.

Quand on évoque l’impact qu’auraient ces machines industrielles sur les oiseaux, on nous sert toujours le même argument : «les chats tuent plus d’oiseaux que les éoliennes». Cet argument simpliste ignore que bien que les chats soient de redoutables chasseurs, leurs principales victimes se limitent majoritairement aux espèces familières qui cohabitent avec nous et dont les populations ne sont pas menacées. Pensons, par exemple, aux moineaux domestiques, merles d’Amérique, quiscales bronzés, carouges à épaulettes, chardonnerets jaunes et bruants chanteurs qui se sont admirablement bien acclimatés aux activités humaines.

Mais la réalité est tout autre, car nous sommes entourés d’une incroyable diversité d’espèces venues de loin pour se reproduire chez nous et nous rendre des services écologiques formidables.

Avant de penser à perturber leur milieu de vie, ne faudrait-il pas se poser quelques questions? Commander quelques études?

Un moqueur roux photographié dans la région de Drummond. (Photo : Sébastien Deak)

Commençons par le début, en les identifiant. Quand je parle d’oiseaux migrateurs, en me basant seulement sur ce que j’observe sur mes terres, je trouve d’abord la grande famille des palmipèdes, soit l’oie des neiges et la bernache du Canada, présentes par millions d’individus des mois durant. Leur arrêt migratoire leur permet de se reposer et s’alimenter avant de reprendre leur voyage vers le Nord pour s’y reproduire. Rappelons-nous que ces espèces ont une importance cruciale pour les populations autochtones du grand Nord qui bénéficient à chaque année de cette manne venue du ciel, tout comme d’ailleurs bien d’autres membres de la faune arctique.

D’autres espèces de palmipèdes nichent aussi chez nous : canard colvert, canard noir, canard branchu, sarcelles d’hiver et à ailes bleues pour ne nommer que celles-là. J’ajoute aussi deux membres de la grande famille des limicoles : la bécasse d’Amérique et la bécassine de Wilson. Rappelons-nous que ces espèces sont soumises à une pression de chasse régie par la loi sur les oiseaux migrateurs et font le bonheur de bien des chasseurs l’automne venu.

En provenance du cercle arctique, d’autres grands migrateurs de la famille des limicoles s’observent aussi dans nos champs, principalement en août et septembre : le pluvier bronzé, le pluvier argenté, le bécasseau minuscule et, à l’occasion, le bécasseau sanderling se signalent à tous les jours. Je n’oublie surtout pas le pluvier kildir, qui nous fait l’honneur de nicher autour de nous et parfois même dans nos cours.

Cinq variétés d’hirondelles, toutes à statut précaire, s’ajoutent au menu. L’hirondelle bicolore, rustique, à front blanc, noire et à ailes hérissées se partagent le territoire, dévorant en vol des milliers d’insectes nuisibles aux cultures, sans oublier le martinet-ramoneur dont les effectifs baissent malheureusement à vue d’œil.

Parmi les bruants qui nichent abondamment dans nos champs, j’observe régulièrement le bruant familier, chanteur, des prés et le vespéral, et parfois même d’autres espèces moins fréquentes. Le goglu des prés, espèce protégée, niche aussi chez nous. La maubèche des champs et la sturnelle des prés, oiseaux champêtres autrefois très présents dans nos champs, se font de plus en plus rares.

La pie-grièche grise nous visite de l’automne au printemps, prédateur sans serres qui capture petits rongeurs et petits oiseaux et les dévore après les avoir empalés sur une branche.

Et j’en arrive maintenant aux maîtres du ciel : les oiseaux de proie, ceux-là dont la vue seule de l’ombre suffit à terroriser le petit monde aviaire. Qu’ils soient nocturnes ou diurnes, qu’ils se nourrissent de mammifères, d’oiseaux, de poissons, de batraciens et reptiles et parfois même d’insectes, leur vie n’est pas nécessairement facile, car ils ne réussissent généralement leur capture qu’une fois sur dix et doivent enseigner à leur progéniture cet art subtil de la chasse en vol qu’ils perfectionnent avec les années.

Parmi les espèces nocturnes, j’aperçois au printemps et à l’automne de chaque année le rare et obscur hibou des marais. Le petit-duc maculé, le hibou moyen- duc et le grand-duc sont aussi très présents. La chouette rayée est très bien établie et niche partout dans les bois. Quant à la petite nyctale, la chouette lapone et le harfang des neiges, leur présence demeure cyclique. Entendre leur hululement me transporte au pays des mystères de la nuit.

Plus facilement observables, les espèces diurnes nichent partout autour de nous. Si le busard des marais établit son nid avec régularité dans nos champs de foin, la buse à queue rousse préfère la forêt.

Un pygargue à tête blanche photographié près de la rivière Saint-François. (Photo : Michel Auger)

Le faucon pèlerin passe régulièrement chasser les pigeons près des centres de grains, et de façon éloquente avec ses piqués à près de 250 km/h. L’épervier de Cooper, l’épervier brun, le faucon émerillon et la crécerelle d’Amérique nichent aussi parmi nous.

Sans aucun battement d’ailes et dans le silence le plus total, l’urubu à tête rouge plane majestueusement au-dessus du territoire, à la recherche de cadavres à dévorer. Cet éboueur sans pareil nettoie les restes et depuis peu, un nouveau venu est parfois aperçu dans nos régions pour lui prêter main-forte : l’urubu noir.

Si le pygargue à tête blanche sait très bien chasser et pêcher, il peut aussi s’accommoder d’une charogne à l’occasion; en toutes saisons, la carcasse d’un chevreuil le fera descendre au sol. Tout comme le balbuzard pêcheur qui circule et niche près de nos rivières, le pygargue conserve toujours le même nid qu’il rafistole chaque année. Pour sa part, l’aigle royal ne passe qu’en période de migration. La grande majorité de ces dernières espèces ont un statut de protection.

Moucherolles, moqueurs, parulines, viréos, corneilles et grands corbeaux complètent le décor, le tout dans le garde-manger de la réserve mondiale de la biosphère du lac Saint-Pierre.

Avec toute cette diversité de faune aviaire qui risque d’être sévèrement malmenée par le développement éolien, comment expliquer l’absence d’études sur l’impact de projets majeurs pour cette précieuse nature qui nous assure d’un parfait équilibre de la biodiversité?

Comment expliquer l’absence de réaction des clubs d’ornithologie alors qu’on joue si impunément dans leur champ d’activités?

Et, surtout, comment expliquer le silence et l’inaction de nos élus?

Yvan Beauchemin, Grand-Saint-Esprit

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