CULTURE. L’artiste Mikaël Lepage planche sur une toute première exposition solo. Celui qui est en voie de professionnalisation s’installera pendant tout l’été dans l’un des conteneurs culturels au parc des Voltigeurs.
Depuis les dernières semaines, Mikaël Lepage a une nouvelle routine. À raison de quelques jours par semaine, il se rend à vélo au parc des Voltigeurs. Dès son arrivée, il ouvre la porte du conteneur. L’artiste s’installe dans l’atelier à son rythme. Il met de la musique. Lorsqu’il est prêt, il amorce la création.
À chaque coup de pinceau, Mikaël Lepage s’approche un peu plus de son objectif, celui de créer un corpus d’œuvres en vue d’une première exposition solo. «Une carrière en art n’est pas un sprint. C’est un marathon. Il faut positionner ses jalons. Continuer lentement mais sûrement. Le milieu de l’art au Québec est petit. Les centres d’artistes et les galeries s’appuient sur la crédibilité qu’on a et ça prend du temps avant de l’avoir», fait valoir celui qui gravite dans le monde artistique depuis quatre ans.
«Je suis rendu à un stade où j’ai fait assez de trucs professionnels. Je n’ai pas lâché. J’ai quelque chose à dire. Je suis encore dans mon propos. Ça murit avec le temps», complète-t-il.
Mikaël Lepage a complété son baccalauréat en arts visuels à l’Université du Québec à Montréal en 2020. La crise sanitaire a bouleversé la fin de son parcours académique. Il n’a pas eu la chance de présenter ses œuvres dans une exposition finale. Pendant plusieurs mois, l’artiste n’a pas eu accès à son matériel de peinture puisqu’il était confiné à l’université. Rien n’allait comme prévu.
«Au début, j’étais frustré. Je voyais mes amis. Ils créaient. Ils peignaient. J’ai décidé de me nourrir de quelque chose. J’ai commencé à travailler sur le concept, le propos et sur ce qui allumait ma pratique et ma démarche en soi», raconte-t-il.
Par son travail, l’artiste remet en question les différentes représentations du genre, particulièrement dans l’histoire de l’art. De quelle façon l’homme et la femme ont été représentés à travers les époques? Quels sont les impacts sur notre identité? Ce sont les questionnements qui habitent Mikaël Lepage.
«Il y a un tableau qui m’a beaucoup marqué durant mon bac, Le serment des Horaces. C’est une œuvre où il y a trois chevaliers qui brandissent leur épée. À côté, il y a trois jeunes filles pleureuses au sol. Il y a quelque chose de fort dans ce message-là. La femme reste à la maison. Elle pleure son mari qui part au combat. Ça s’est inscrit dans la façon dont on voit les choses aujourd’hui», indique-t-il.
À travers ses œuvres, l’artiste défie les normes du genre. Il interroge les différents codes vestimentaires, en tentant de détourner leur charge idéologique.
Le diptyque sur lequel il travaille actuellement est un bon exemple. «Sur l’un, je suis debout en robe de mariée et sur l’autre, je porte un pantalon et une camisole, avec un voile. Je suis assis.» Historiquement, la femme est représentée dans des positions passives et de l’autre, tandis que l’homme est plutôt dans l’action. Cette fois, l’artiste inverse les rôles.
L’autoreprésentation est au cœur de la pratique de Mikaël Lepage, et ce, depuis ses débuts. «J’étais extrêmement gêné quand j’étais jeune. Ma masculinité était différente de celle des autres. Ça créait un malaise ou une distance qui m’ont enfermé dans ma tête. J’étais vraiment timide. J’ai commencé à parler par mes œuvres, avant de parler moi-même.»
Dans le cadre de la résidence, Mikaël Lepage planche sur des œuvres situées dans un contexte domestique, que ce soit en intégrant des éléments de tapisserie ou des rideaux. Par la peinture, il explore différents formats de tableaux.
Cet été, les passants sont invités à aller à la rencontre de l’artiste. Ces interactions sont enrichissantes.
«C’est une belle opportunité pour moi d’avoir le retour de gens qui ne viennent pas du monde de l’art, qui ne connaissent pas nécessairement ça. Ils parlent dans leurs mots et ils ont leurs propres référents. C’est vraiment intéressant. Ça me fait grandir dans mon travail», soutient-il.
Rappelons qu’une reproduction d’œuvre de Mikaël Lepage fait partie du Musée à ciel ouvert au centre-ville de Drummondville. En 2021, l’artiste a remporté la bourse Huguette-Dubois du programme Propulsion artistique.