Marielle Tremblay : la petite histoire d’une grande dame

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Par Lise Tremblay
Marielle Tremblay : la petite histoire d’une grande dame
Même si elle soufflera bientôt 80 chandelles, Marielle Tremblay de la Bijouterie Lampron travaille toujours 35 heures par semaine. (Photo : Ghyslain Bergeron)

PORTRAIT. On dit que derrière chaque grand homme se cache une grande femme. Marielle Tremblay, de la Bijouterie Lampron, fait partie de celles qui ont su être à la fois le roc, la bougie d’allumage, une mère puis une véritable alliée en affaires, comme en amour.

Aussi élégante que les pierres qu’elle porte, Marielle Tremblay soulignera son 80e anniversaire l’été prochain et incarne inéluctablement les femmes de sa génération qui se sont données corps et âme, tant pour leur famille que pour les gens placés sur leur route.

Elle était déjà mère de trois enfants, dont des jumeaux, lorsque son conjoint Pierre Tremblay s’est mis à rêver d’avoir sa propre entreprise et travailler manuellement.

«Quand je l’ai rencontré, il voulait être sculpteur. Il a toujours été habile de ses mains», exprime son épouse au cours d’un entretien avec L’Express Magazine.

Depuis plus de 40 ans, Mme Tremblay est le sourire de ce commerce certainement mythique de Drummondville. Son aventure entrepreneuriale a débuté au début des années 1970.

«Pierre voulait avoir son commerce, mais à ce moment-là, on avait de jeunes enfants. C’était un risque; il ne voulait pas mettre la famille en danger. À cette époque, j’avais un travail assuré. Je travaillais pour le gouvernement du Québec, aux services sociaux. J’ai encouragé Pierre à faire le saut. Je lui ai dit que j’allais prendre en charge les besoins de la famille. Puis la petite bijouterie Brunelle a été mise à vendre sur la rue Saint-Jean. Il l’a achetée. Elle était à la portée des moyens qu’on avait», raconte la dame.

Marielle Tremblay a débuté sa carrière en travaillant dans les services sociaux. Elle a par la suite suivi une formation en gemmologie. (Photo Ghyslain Bergeron)

Loin d’être dans l’ombre, Marielle Tremblay réussissait à organiser son temps pour aller travailler quelques jours à l’entreprise familiale.

«Ça permettait à mon mari de sauver un salaire. Je faisais la petite comptabilité», dit-elle. Quelques années plus tard, en 1979, une affiche «à vendre» est apparue devant la Bijouterie Lampron. L’occasion était irrésistible. Le couple s’en est porté acquéreur, avec l’idée «d’éliminer un compétiteur» à Drummondville.

«À cette époque, je ne peux pas dire que j’aimais vraiment le secteur de la bijouterie. Par un concours de circonstances, j’ai été obligée de mener une grosse vente de liquidation d’inventaire pour essayer d’aller chercher des liquidités. Après, j’ai commencé à voir ça autrement. J’étais mal à l’aise de travailler avec des personnes démunies en semaine et avec les mieux nantis les fins de semaine. J’avais comme un conflit intérieur. J’ai dû faire un choix», raconte-t-elle.

La décision, bien qu’évidente, n’est pas venue seule. Tant qu’à choisir et évoluer dans le milieu des pierres précieuses, de l’or et des perles, Mme Tremblay a décidé de retourner sur les bancs d’école pour étudier la gemmologie. Elle voulait y aller à fond.

«Ce n’était pas facile, car les cours se donnaient uniquement en anglais et… à Los Angeles. Avec les enfants, il n’était pas question que je parte là-bas trois ans. On a donc créé l’Association québécoise de gemmologie. On s’est organisé pour faire traduire les cours en français et qu’ils soient donnés à Drummondville. Au total, ça nous a pris huit ans pour tout mettre ça sur les rails et que j’obtienne mon diplôme. Je l’ai même eu avant Pierre!», lance-t-elle avec fierté.

Aujourd’hui grand-maman de sept enfants et arrière-grand-mère d’un nourrisson, Marielle Tremblay travaille toujours à la bijouterie, mais commence peu à peu à rêvasser à la retraite.

«Rendue à presque 80 ans, il faut bien que je commence à y penser! Au moins maintenant, on ne travaille que 35 heures par semaine. On se sent en vacances.»

Il faut dire qu’elle œuvre dans un milieu captivant. Au fil des ans, elle a eu le bonheur de travailler avec des pierres remarquables et des bijoux renversants. Elle est également aux premières loges des nouvelles tendances.

«Je suis privilégiée de travailler avec autant de belles choses ‒ j’aimerais tellement que les bijoux soient considérés comme des œuvres d’art ‒ mais un moment donné, on se sature. Je m’aperçois que j’aime encore plus travailler avec les gens et répondre à leurs besoins. Parfois, des clients nous font des confidences et nous partagent leurs raisons d’acheter un nouveau bijou. Parfois, c’est pour se souvenir d’une mère ou d’un proche. D’autre fois, c’est pour se souvenir du jour où ils ont décidé de faire table rase de leur vie. C’est important d’avoir une bonne écoute», fait-elle observer.

(Photo : Ghyslain Bergeron)

Au fil de sa carrière, Marielle Tremblay a également accordé une importance capitale au bénévolat. Elle s’investit au Club Rotary depuis 1989 (elle a déjà assumé le rôle de présidente) puis à la cellule de mentorat de Drummond économique.

«Je suis toujours partie du principe que quand on a beaucoup reçu de la vie, il faut redonner. Travailler et supporter de nouveaux entrepreneurs me garde jeune. J’essaie de les aider et, surtout, de leur éviter les écueils qu’on a eus», soutient-elle.

Il y a quelques années, Marielle Tremblay a obtenu une certification Diamant pour ses quinze années investies auprès des jeunes entrepreneurs de la région. Un prix qui, à ses yeux, brille presque autant que les bijoux de ses présentoirs.

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