EXPLOIT. Rares sont les alpinistes qui ont accompli l’exploit de Charles Page. En moins de 24 heures, il a atteint le sommet de l’Everest en plus de gravir la quatrième plus haute montagne au monde, le mont Lhotse. Retour sur une expédition aussi périlleuse que merveilleuse.
La poussière retombait à peine lorsque l’autrice de ces lignes a discuté avec le Drummondvillois. Charles Page était au Népal, plus précisément à Katmandou. «En ce moment, je ne réalise pas pleinement ce que j’ai accompli», lance l’homme de 36 ans, en précisant qu’il était au sommet de l’Everest quatre jours auparavant.
L’expédition a duré environ deux mois. Avant son départ, Charles Page était confiant à la fois sur le plan physique et mental. Le Drummondvillois a mené un entraînement intensif. Il se sentait prêt.
Une fois en Asie, Charles Page a affronté un imprévu majeur. Son compagnon Gabriel Filippi (celui qui a gravi le mont Everest à quatre reprises) lui annonce qu’il se retire de l’aventure.
La nouvelle tombe comme une tonne de briques. «J’étais à Katmandou devant le fait accompli. J’ai décidé de commencer quand même le trek pour aller au camp de base avec un groupe de randonneurs québécois. J’ai pris la décision à ce moment-là que j’allais trouver les solutions en chemin.»
«Je pense que c’est une belle leçon. Pour moi, tous les défis se surmontent. Il suffit de toujours y croire et de rester positif. Le fait d’avoir gardé une bonne attitude m’a permis de passer au travers de cette épreuve qui était complètement inattendue», mentionne-t-il.
Le Drummondvillois pouvait compter sur l’appui de son sherpa Rinji. «Ma confiance reposait sur lui. Je me suis accroché à ça. Du moment où je savais qu’il montait avec moi, il y avait quelque chose de rassurant là-dedans. Je croyais en mes capacités. Dès le départ, j’étais convaincu à l’intérieur de moi que j’allais réussir à la condition d’être patient.»
Un lien unique s’est tissé entre les deux hommes. L’automne dernier, le duo a gravi le mont Manaslu au Népal. Il s’agit de la huitième plus haute montagne au monde avec ses quelque 8 163 mètres.
Patience et résilience
L’alpiniste s’est lancé dans une série d’allers-retours entre les camps successifs dans le but de s’acclimater.
«Mon corps a bien réagi. Par contre, on a été exposé à des vents de 128 km/h dans notre rotation quand on était au camp 2. Ça nous a freinés. On aurait aimé se rendre au camp 3. Finalement, on n’a pas pu le faire à cause des vents. On est revenu au camp de base. Encore une fois, j’ai vécu des émotions. Il y a des doutes qui se sont installés dans ma tête à savoir si j’étais assez acclimaté pour faire la poussée jusqu’au sommet», relate-t-il.
Charles Page a fait le choix de retourner au camp de base, dans l’attente de conditions favorables. Le circuit a été ouvert par des sherpas expérimentés, quelques jours plus tard.
«J’attendais la bonne fenêtre météo. Ça ne me prenait pas seulement une belle journée au sommet, mais plutôt deux. Je cachais un projet secret, soit de faire un doublé. Je voulais gravir le mont Everest, qui est la plus haute montagne au monde, et le mont Lhotse, qui est la quatrième plus haute montagne au monde.»
L’ascension vers le sommet s’est amorcée lorsque les astres se sont alignés.
Périls sur le toit du monde
La montée du mont Everest constitue une tâche ardue et potentiellement mortelle en raison de l’altitude extrême, des avalanches, des cascades de glace et de nombreux autres dangers.
Le glacier de Khumbu fait partie des étapes les plus risquées. «C’est ce que j’appréhendais le plus. C’est l’endroit qui m’intimidait le plus et auquel je n’avais pas beaucoup de plaisir à m’y trouver. Tu n’es pas maître de ta destinée. Il y a des séracs, c’est-à-dire des blocs de glace gros comme des immeubles. Ils t’entourent et ils peuvent te tomber dessus à tout moment», indique-t-il, en ajoutant qu’il a traversé les crevasses à l’aide d’échelles.
Le plan a changé en cours de route. L’alpiniste a fait un arrêt de deux jours au camp 2, situé à 6500 mètres d’altitude. «C’était un défi considérable. À cette altitude-là, ton corps est en manque d’oxygène. Tu peux être dans un état second et avoir des réflexions différentes. C’est facile de tomber malade. Tout nous affecte. Le corps ne récupère pas de la même façon qu’au niveau de la mer», fait-il savoir.
À l’issue de l’expédition, Charles Page a perdu 22 livres. «L’altitude mange ta masse musculaire. J’ai brûlé des calories en faisant de l’activité physique, mais j’en ai aussi perdu en attendant.»
En route vers le sommet
Le Drummondvillois a toujours eu les yeux rivés sur son objectif. Il a complété une étape à la fois, atteignant le camp 3 et puis le camp 4. Après quelques heures de repos, il était prêt à se rendre au sommet.
Un obstacle de taille se dressait devant lui : le ressaut Hillary. Il s’agit d’une paroi rocheuse presque verticale d’une hauteur d’environ 12 mètres. «Ce matin-là, il était arrivé un incident. Une partie du ressaut s’est effondré. Malheureusement, deux personnes sont décédées. C’était quelques heures avant que je passe», soutient celui qui a réussi à surmonter l’épreuve ultime.
21 mai. 8 h 05. Charles Page se trouvait au sommet. Cet instant sera à jamais gravé dans sa mémoire. «Ça faisait drôle de se dire qu’à ce moment-là, j’étais l’humain qui était le plus haut sur la planète», dit-il, avec un large sourire.
L’alpiniste est resté pendant 45 minutes sur le toit du monde. L’émotion était au rendez-vous. «J’ai eu une pensée pour tous mes proches, les gens qui m’ont encouragé, les enfants malades du Québec qui font face à la plus grande des montagnes, celle de la maladie, ainsi qu’à leurs familles qui subissent ces aléas de la vie.»
Pendant ce temps, un autre effondrement a eu lieu au ressaut Hillary, emportant trois personnes qui ont été secourues.
L’heure de la descente a sonné. Charles Page a pris son courage à deux mains. «Je n’ai jamais eu peur de même de toute ma vie», souffle celui qui s’en est sorti sain et sauf.
Repousser ses limites
Ce n’est pas tout. Charles Page avait un deuxième sommet à gravir. Il s’est retroussé les manches, en direction du mont Lhotse. L’exercice s’est révélé exigeant, alors que la montée était assez abrupte. «Je me sentais en forme. Je restais dans le moment présent. J’y allais un pas à la fois. Chaque pas était une victoire qui me menait tranquillement mais sûrement vers mon but.»
À destination, il a vécu le plus beau moment de sa vie. «J’étais en mesure d’admirer le mont Everest que j’avais gravi la veille. C’était exceptionnel», souligne-t-il.
Durant son périple, Charles Page a été propulsé par le soutien de la communauté. C’était important pour le Drummondvillois de s’associer avec une cause qui lui tient à cœur. Au final, il a amassé plus de 115 000 $ pour Opération Enfant Soleil, ce qui est au-delà de la cible de départ.
«En ce moment, j’ai beaucoup de reconnaissance envers tous les gens qui ont contribué à cette cause. C’est quelque chose qui ne peut pas se réaliser tout seul. J’ai senti que tous les gens qui avaient contribué m’ont en parallèle aidé à réaliser mon défi personnel.»
Dans le futur, il souhaite poursuivre son partenariat avec l’organisme en s’impliquant auprès des jeunes en réalisant des présentations sur le décrochage scolaire et le dépassement de soi.
Pour le moment, Charles Page a hâte de remettre les pieds à Drummondville pour passer du temps de qualité avec ses proches. Il salive également à l’idée de déguster un certain plat québécois.
«Je rêve de m’asseoir au Jucep pour manger une poutine authentique», termine-t-il.
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