DRUMMONDVILLE. Le message ne peut pas être plus clair : les agriculteurs du Québec ont besoin d’aide.
Près de 500 producteurs agricoles ‒ répartis dans 300 véhicules de ferme décorés par des affiches réclamant le soutien des gouvernements ‒ ont mis de côté leur travail dans les champs pour participer à une importante mobilisation organisée jeudi par l’Union des producteurs agricoles du Centre-du-Québec.
«Ça fait longtemps que la voix du Centre-du-Québec était attendue. Nous voilà enfin!», a lancé au micro le communicateur Pierre Rhéaume, ce qui a amené spontanément la foule à élever le niveau sonore derrière le Centrexpo Cogeco.
«Tout à l’heure, j’ai pris la tête du cortège sur le boulevard Saint-Joseph. J’ai vu que vous étiez tous là. C’était beau de vous voir dans mon rétroviseur. Cette année, ça fait 100 ans que l’UPA existe. On est actuellement dans un tournant et on doit écrire une nouvelle page d’histoire. C’est cette année que ça se passe», a exprimé avec conviction Daniel Habel, président de la Fédération des producteurs agricoles du Centre-du-Québec, représentant 3100 entreprises de la région.
Leurs préoccupations sont actuellement nombreuses; leurs attentes, très élevées.
L’augmentation fulgurante de la valeur des terres agricoles, l’inflation, les frais liés à la transition écologique, les changements climatiques et les programmes maintenant désuets liés à l’agriculture les étouffent. Et ils l’ont crié haut et fort.
«Tous les programmes devraient être carrément reformatés, s’est époumoné M. Habel. On a tous vécu la montée inflationniste. Les chiffres qui nous ont été révélés exposent qu’au cours de l’année 2022-2023, on a subi une augmentation de 36 % de nos dépenses. Ça n’a pas de sens! On additionne ça au coût des intérêts qu’on doit supporter. Juste au Centre-du-Québec, tous ensemble, c’est 125 M$ de plus que nous devrons diriger vers le service de la dette. On a besoin d’aide, bordel!»
Durant son discours d’une quinzaine de minutes, le président Habel a aussi abordé la question de l’aménagement du territoire. Il s’est dit très inquiet de l’empiètement sur les terres agricoles.
«Au cours des dernières années, on a perdu 5 millions d’hectares pour des usages non agricoles. C’est autant de superficies qui ne servent plus à nourrir notre monde. Cela s’ajoute aux 730 hectares déjà exclus. On en a assez de ça! Dans notre région, on subit des pressions. La filière batterie aura des conséquences sur nos terres de même que les énergies vertes. Il y a des endroits pour ça. Et la place n’est certainement pas sur les terres cultivées», a-t-il déclaré.
Soutenant être en contact avec André Lamontagne, le ministre de l’Agriculture du Québec, M. Habel a exigé ni plus ni moins un plan d’action rapide et concret pour aider «ceux qui nourrissent les Québécois».
«L’écoute est là avec M. Lamontagne. Mais ce n’est pas avec de l’écoute et de belles paroles que demain matin, on va être capable de faire les paiements de nos entreprises, payer nos fournisseurs et donner le goût aux jeunes de faire de l’agriculture sur des entreprises ancestrales comme les nôtres! Il faut que le gouvernement nous entende. On est fiers et on a du cœur au ventre. On veut faire le travail, mais on a besoin d’aide.»
Priorité nationale
Présent à la mobilisation, le président général de l’UPA, Martin Caron, a également pris la parole en décrétant qu’il y a urgence dans la demeure.
«Nourrir les gens au Québec est une priorité nationale, a-t-il affirmé. Le gouvernement ne met pas malheureusement ça au même niveau que la santé et l’éducation. C’est un non-sens. Actuellement, on retire de l’argent de nos poches. On ne peut plus s’endetter pour nourrir le monde. On croit tous à la transition écologique, mais ça n’a pas de sens qu’on paye des écofrais. On est les seuls en Amérique du Nord qui payons ça. L’an passé, on a envoyé 80 M$. Depuis 2015, on parle de 420 M$ alors qu’on demande aussi d’augmenter les budgets pour nous soutenir du côté de l’environnement. C’est inacceptable de payer des écofrais quand on se fait siphonner. Il faut que ces 420 M$ retournent dans nos entreprises agricoles, et ce, rapidement.»
M. Caron a donné l’exemple des frais pour le plastique. Les producteurs doivent payer une taxe lorsqu’ils se servent du plastique nécessaire pour enrouler les balles de foin.
Classe politique
Ayant écouté attentivement les prises de parole, le député de Drummond-Bois-Francs, Sébastien Schneeberger, a assuré aux agriculteurs présents qu’il connaît bien leur réalité et qu’il est conscient de leur apport à la communauté.
«Je vous entends et je vous ai toujours entendu, a-t-il dit. Je suis fils d’agriculteur. J’ai mes lignes du gouvernement et je pense que vous les savez. Il y a des choses qui bougent actuellement pour les programmes d’assurances. En moyenne, on avait 440 M$ qui sortaient par année pour vous. On est rendu à plus d’un milliard. Ça prouve que ça ne va pas bien, mais le programme, il marche. Bien sûr, il n’est pas parfait et comme vous, j’aimerais que les choses aillent plus vite.»
Rapidement, la foule a scandé le mot «Agir» en brandissant des pancartes.
Refusant notre demande d’entrevue, le ministre de l’Agriculture André Lamontagne, qui est aussi le ministre responsable de la région du Centre-du-Québec, a fait parvenir une déclaration écrite à L’Express.
«On parle ici d’une tempête parfaite. On comprend nos producteurs d’être inquiets. On invite les entreprises en difficulté à appeler dès maintenant la Financière agricole pour se prévaloir du Fonds d’urgence, créé l’année dernière, qui peut générer jusqu’à 167 M$ de liquidités. En parallèle, le Ministère a lancé, en collaboration avec l’UPA et les différentes filières, un chantier d’allègement réglementaire et administratif.»
Le cabinet ministériel fait référence au fonds d’urgence annoncé en novembre 2023. Il vise à soutenir les entreprises touchées par l’inflation et les aléas de la météo qui ont rendu la dernière saison agricole difficile.
À lire aussi : «Notre paye a été coupé de moitié »