COMMUNAUTÉ. Chantal et Mario incarnent l’amour inconditionnel, le sacrifice, le dévouement et la passion. Depuis 23 ans, au cœur de leur foyer, ils prodiguent sans relâche soins et tendresse à des adultes ayant une déficience physique et intellectuelle.
Chantal et Mario nous ont chaleureusement ouvert les portes de leur domicile situé à Wickham il y a quelques semaines. Ils sont onze à y habiter. Malgré leur nombre, une atmosphère paisible règne dans la maisonnée. Dans la salle de séjour, une dame fait un casse-tête et une jeune fille dans la vingtaine dort sur le divan. L’autre côté, dans la vaste salle à manger, les sept autres résidents s’y trouvent : certains regardent la télévision; d’autres sont concentrés à colorier ou à constituer un casse-tête. Quelques-uns nous accueillent avec des sourires et des «bonjours» tandis que d’autres demeurent absorbés dans leur monde intérieur.
«Ici, nous sommes tout le temps ensemble, comme une vraie famille. Pas question de les laisser dans leur chambre. Dès le réveil, tout le monde se réuni au rez-de-chaussée où on y passera la journée. Ceux qui sont capables peuvent choisir de faire de petites activités selon leurs envies. Pour les autres, il y a toujours la télévision ou de la musique. En les ayant proches de nous, on peut interagir avec eux, répondre plus rapidement à leurs besoins puis ça les stimule», explique Chantal.
L’aventure du couple a débuté au début des années 2000, lors de l’acquisition de leur maison qui était déjà désignée comme ressource de type familial.
«Mon mari a vécu toute sa vie dans des familles d’accueil. Il est demeuré trois ans dans une maison où il y avait 22 enfants déficients intellectuellement. Ç’a été sa meilleure place. Pour ma part, j’ai toujours eu le besoin d’aider, c’est viscéral. J’ai travaillé à la Maison Myosotis, avec les personnes atteintes d’Alzheimer, et j’ai également pris soin pendant un bon moment des enfants de mon beau-frère. Lorsqu’on a vu que la maison était à vendre, on a saisi notre chance. On s’est fait accréditer puis c’est parti comme ça», raconte-t-elle.
Au départ, le couple avait sous sa responsabilité quatre résidents, un petit noyau qui s’est agrandi au fil du temps avec l’accueil graduel d’autres personnes.
«J’essaie d’avoir une stabilité le plus que je peux. J’ai un homme qui habite ici depuis le début. Sinon, la majorité est avec nous depuis 10 ou 15 ans», indique Chantal.
Âgés de 27 à 69 ans, les résidents actuels éprouvent tous une perte d’autonomie en plus de leur déficience.
L’engagement de Chantal et Mario dépasse largement les heures et les jours qui s’écoulent. Oubliez le 9 h à 4 h, ici c’est 24 heures sur 24, sept jours sur sept. C’est une vie dévouée à offrir stabilité et amour à ceux qui en ont le plus besoin.
«Dans la nuit, si l’un d’entre eux est malade ou désorganisé, je me lève et en prends soin, donne en exemple la maman de cœur. Chaque personne est unique et chacune d’entre elles a des besoins spécifiques. Il faut souvent se mettre de côté pour être capable de combler un besoin. Être famille d’accueil, ça exige un don de soi; on donne son temps, son énergie, sa vie de couple et familiale sans compter. On ne le fait pas pour l’argent.»
D’ailleurs, Chantal et Mario ne comptent plus les fois que les gens leur ont demandé si s’occuper d’autant de personnes était payant.
«S’il y a bien une question que je ne suis plus capable d’entendre, c’est bien celle-là . Quand on a commencé ici, je ne savais absolument pas comment ça me donnerait par mois, je l’ai fait pour la bonne cause, avec le cœur», fait savoir Chantal.
Elle poursuit : «Je vis bien, mais n’empêche que chaque fois qu’on sort de la maison, que ce soit pour un rendez-vous, des commissions ou ne serait-ce que pour prendre un peu de temps pour nous, ça nous coûte des sous de nos poches, car ça prend une gardienne. C’est sans compter la rémunération des gens qui viennent nous aider pour certaines tâches au quotidien. Le gouvernement ne couvre pas les frais de nos « employés ». Ça, c’est un enjeu.»
Mais la relation qu’ils ont développée au fil du temps avec chaque résident vaut tout l’or du monde, à leurs dires.
«Une amie m’avait dit à l’époque lorsque je travaillais à la Maison Myosotis : « N’essaie pas de les guérir; donne-leur du bon temps ». Cette phrase-là résonne en moi constamment. Je ne peux pas guérir la déficience de mon monde ou leur redonner leur autonomie, la seule affaire dont je suis capable, c’est d’être auprès d’eux pour qu’ils soient bien et garder leur certain niveau qu’ils ont.»
L’organisation, la planification et la débrouillardise sont leurs alliées au quotidien. Ça demande également une bonne dose de tolérance, de bienveillance et bien évidemment, beaucoup d’amour.
«On porte différents chapeaux en étant famille d’accueil, c’est de faire tous les métiers : cuisinier, commissionnaire, infirmière, gestionnaire, femme de ménage, enseignant, etc.! lance Chantal en riant. Il faut savoir se virer sur un dix cennes bien souvent.»
Malgré ces sacrifices, le couple ne changerait rien au monde. Il aime ce qu’il fait.
«C’est tellement valorisant. On ne se verrait pas ailleurs. La personne qui veut s’investir en tant que famille d’accueil doit être prête à tout ça. Il faut aimer et respecter l’être humain et avoir le cœur à l’ouvrage», affirment les partenaires de vie.
Faire la différence
Chantal et Mario sont des «denrées rares», pour reprendre leurs termes. À leurs débuts, ils figuraient parmi les 400 familles d’accueil de la région; maintenant, elles sont 185.
D’ailleurs, le CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec est à la recherche de personnes désirant accueillir, dans leur foyer, des enfants ou des adultes ayant une déficience intellectuelle (DI) ou avec un trouble du spectre de l’autisme (TSA). «Faire la différence», voilà l’appel que lance l’établissement.
Parmi les 185 responsables de ce type de ressources dans la région, plus de la moitié sont âgés de 60 ans et plus. Plusieurs ont d’ailleurs déjà annoncé leur retraite dans les années à venir.
De leur côté, lorsqu’on leur demande «Quand prévoyez-vous prendre votre retraite?», Chantal et Mario n’ont pas de réponse.
«Je ne sais pas… c’est certain qu’avec la santé fragile de mon mari, ça nous dit qu’il faudrait prendre le temps pour nous maintenant. En même temps, ça me brise le cœur de savoir qu’il n’y a plus suffisamment de familles d’accueil, pour nous remplacer. Où iront-ils? Je pense que c’est ma santé qui va faire en sorte que je vais dire c’est assez, mais je ne veux pas me rendre là . En vérité, ça nous prend de la relève!» insiste en conclusion la sexagénaire.
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