DÉPENDANCES. Se butant à un bassin restreint d’intervenants en raison de règles d’embauche très précises dictées par le ministère de la Santé et des Services sociaux, la Maison Eurêka est forcée de fermer temporairement sa ressource d’hébergement en dépendance située à Saint-Guillaume, et ce, au moment où les surdoses sont en hausse au Québec. La directrice générale dénonce l’immobilisme du gouvernement.
La Maison Eurêka de Saint-Guillaume, anciennement le Pavillon de l’Assuétude, comme toutes les autres ressources communautaires et privées d’hébergement en dépendance, doit se limiter à un certain nombre de diplômés pour procéder aux embauches d’intervenants.
«La liste des diplômes autorisés par le ministère est très courte et ne tient même pas compte des nouveaux cursus apparus ces dernières années. C’est parce que nous ne pouvons pas engager des personnes expérimentées et diplômées d’autres certificats que nous fermons nos portes pour les trois prochains mois», déplore la directrice générale, France Bouffard, se désolant de devoir fermer 44 lits.
Prenons l’exemple d’un intervenant détenant un baccalauréat en sociologie et 20 ans d’expérience dans le milieu communautaire en dépendance, celui-ci ne peut pas être embauché par la Maison Eurêka.
«Ça n’a aucun sens! Le ministère ne tient pas compte de la reconnaissance des acquis. Je trouve ça gênant que le gouvernement ne fasse rien pendant qu’il y a plein d’enseignants non qualifiés dans nos écoles», laisse entendre Mme Bouffard.
Celle-ci est d’autant plus indignée de savoir que ce même intervenant peut toutefois travailler pour un centre intégré de santé et services sociaux, les règles étant moins strictes pour le réseau public.
Ce n’est pas d’hier que cette iniquité existe. Les ressources communautaires ont tenté à plusieurs reprises – et en vain – de faire changer la liste des prérequis. Elles réclament au ministre responsable des Services sociaux plus de flexibilité dans les critères.
«L’impasse règlementaire au sujet de la liste de diplômes ne peut se résoudre que par une demande claire de notre gouvernement, spécialement de monsieur Lionel Carmant, député de Taillon à l’Assemblée nationale, afin que cette liste puisse être revue», a écrit Mme Bouffard sur Facebook, en rappelant que le réseau communautaire est le seul à offrir de la thérapie long terme en dépendance au Québec.
Pour assurer le suivi de ses résidents, la Maison Eurêka de Saint-Guillaume a besoin de cinq intervenants supplémentaires, pour un total de dix.
«Avant la fermeture, j’ai dû demander à des employés occupant des postes de gestion et de support clinique de revenir comme intervenant pour être en mesure d’offrir les services»
Et ce n’est pas parce que la pile de curriculum vitae est mince.
«J’ai une trentaine de CV. On a mis énormément d’efforts ces dernières années pour attirer la main-d’œuvre et ç’a marché : les gens veulent venir travailler avec nous, mais nous ne pouvons pas les embaucher. C’est terriblement déplorable», soupire la gestionnaire.
Discussions et relocalisation
De son côté, bien qu’il se dise «conscient» de la réalité vécue et «sensible» aux défis rencontrés, le CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec rappelle qu’il a la responsabilité de certifier ces organismes selon les balises déterminées par le ministère de la Santé et des Services sociaux.
«Dans ce contexte, nous devons appliquer le règlement ministériel sur la certification dans lequel on y trouve des normes et critères à respecter et une liste de titres d’emplois préétablis pouvant être embauchés. Ce règlement doit être appliqué par l’ensemble des ressources certifiées, et ce, à travers le Québec, afin de respecter des standards de sécurité et de qualité dans l’offre de service à la population. Ces informations ont bien été expliquées à la direction de la ressource», souligne Julie Michaud, agente d’information au CIUSSS MCQ.
L’établissement fait savoir que des discussions avec la direction de la Maison Eurêka en vue de sa réouverture sont en cours. D’ici là, les 20 résidents de Saint-Guillaume ont pu être relocalisés au pavillon de Shawinigan en raison de places s’étant libérées à la dernière minute.
Durant les trois mois de fermeture, la Maison Eurêka évaluera la suite et verra comment elle peut parvenir à composer avec cet «enjeu incontournable».
«Dans le contexte des surdoses, dont neuf en fin de semaine dernière, la situation est inacceptable. Les services en dépendance doivent être soutenus avec sérieux», insiste France Bouffard, en guise de conclusion.
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