TÉMOIGNAGE. Gabriel* est au bout du rouleau. Sa mère souffre d’un trouble d’accumulation compulsive. L’état de sa maison se dégrade, malgré les ménages répétés. Chaque semaine, la nourriture périmée s’accumule à vue d’œil. Après huit ans, le Drummondvillois se sent à court de moyens, alors qu’il a cogné à plusieurs portes pour obtenir de l’aide, en vain.
L’Express a rencontré un couple de sexagénaires qui est propriétaire d’une maison en rangée dans un quartier de Drummondville, en février 2019. Il habitait à côté d’une résidence insalubre à l’extrême. Odeurs nauséabondes, mouches vertes, maux de tête, symptômes de rhume : l’homme qui a décidé de dénoncer la situation avec sa conjointe était grandement affecté par l’environnement nocif de la voisine. À l’époque, personne ne semblait être en mesure d’intervenir.
Il y a quelques semaines, le fils de la dame qui est atteinte d’un trouble d’accumulation compulsive a contacté L’Express afin de faire une mise à jour de la situation. Ce dernier affirme que le dossier n’a pas progressé, malgré les années qui ont passé. «L’état de sa maison ne s’améliore pas», fait savoir celui qui a requis l’anonymat pour préserver les liens avec sa mère.
La Drummondvilloise a tendance à accumuler de la nourriture et elle refuse de la jeter, même lorsqu’elle est en état de décomposition. Celle-ci a vécu de multiples traumatismes dans le passé. «Elle a vu des choses qu’un être humain ne serait pas censé voir. Quand elle était jeune, elle faisait de l’amassement, mais pas autant. Avec le temps, ça a juste empiré. En ce moment, elle habite seule et elle a de la nourriture pour 15 personnes», affirme-t-il.
Trois opérations majeures de nettoyage ont été effectuées dans la maison, soit en 2015, 2017 et 2020. Chaque fois, la demeure était en état d’insalubrité extrême. Les pièces étaient encombrées d’objets de toutes sortes, ce qui affectait la qualité de vie de l’occupante. «Ce n’est pas juste un peu en désordre. Il y avait de la moisissure sur les planchers, les plafonds et les murs. Il y avait de la nourriture avariée qui traînait partout. En 2015, ses marches en avant étaient complètement finies. Sa porte en arrière était défoncée. Dans la maison, il y avait des rongeurs. Ça a pris trois mois faire le ménage.»
Au fil des années, l’homme a tenté à plusieurs reprises de discuter avec sa mère dans le but de la «raisonner». «Elle finit toujours par revenir à ses vieilles habitudes et revivre dans un état d’insalubrité», se désole-t-il.
Refus de coopérer
Le Drummondvillois a convaincu sa mère de contacter le centre local de services communautaires (CLSC) pour recevoir du soutien. Un total de six intervenants a été attitré au dossier, tel qu’une infirmière à domicile, un nutritionniste, un kinésiologue et une personne offrant des services d’hygiène à domicile. Les services octroyés ont été de courte durée puisque la patiente ne voulait pas coopérer. Elle ne répondait pas aux appels comme elle ne se présentait pas aux rendez-vous.
«Ils m’ont référé à l’Association des proches de la personne atteinte de maladie mentale (APPAMM) et des organismes pour aider à l’hygiène à domicile, comme Logisoutien, qui manque de personnel et qui n’accepte pas de nouveaux clients», ajoute le fils découragé.
Le Drummondvillois se sent à bout de ressources. Lorsqu’il entame des démarches, il fait constamment face à un mur. «Je me suis fait répéter plusieurs fois que je devais laisser ma mère toucher le fond du baril (retomber dans un état d’insalubrité extrême) comme solution.»
«D’un point de vue humain, je ne peux pas laisser la maison revenir comme elle était avant. Ça serait la quatrième fois…»
Charge accablante
Depuis trois ans, l’homme donne un coup de main à sa mère en faisant le ménage sur une base régulière. Toutes les semaines, il revient à la case de départ. «Dernièrement, j’ai failli vomir quatre fois en vidant son frigo. Il y avait plusieurs types de viande périmée. Quand il n’y a plus de place dans ses armoires ou son frigo, elle laisse la nourriture traîner sur le plancher et quand elle n’a pas l’énergie de la ranger, elle la laisse dans sa voiture jusqu’à ce qu’elle pourrisse.»
Fatigue, découragement, frustration : Gabriel a atteint sa limite. Le poids de l’encombrement pèse lourd sur ses épaules. «C’est trop exigeant pour moi mentalement. Physiquement, j’ai des problèmes de santé aussi. Je ne peux pas continuer à aller chez ma mère et faire comme si rien n’était», soutient celui qui est maintenant à la recherche d’une femme de ménage.
Mentionnons qu’un règlement municipal relatif à la salubrité, l’occupation et l’entretien des bâtiments est entré en vigueur en octobre 2019, soit peu après que les voisins de la dame aient contacté L’Express. La Ville de Drummondville mentionne que 15 dossiers sont actuellement actifs et 18 sont complétés.
Le Service de sécurité incendie et sécurité civile a été appelé à visiter le logement de la propriétaire en 2020. «Ils m’ont dit que l’encombrement chez ma mère était moyen. Ils ne pouvaient pas agir. (…) Ça ne fait aucun sens qu’on est autour d’une situation problématique et que personne ne puisse ne rien faire pour aider ma mère», termine celui qui est activement à la recherche d’une solution.
*Nom fictif