CONSTRUCTION. Le carnet de commandes des entrepreneurs en construction est plus mince qu’il le devrait. Les mises en chantier ont une fois de plus fléchi en juin à Drummondville pendant que les taux d’intérêt grimpent toujours. Ce recul annonce un mauvais présage pour la suite.
Dans son plus récent rapport publié en début de semaine, la Société canadienne d’hypothèque et de logements (SCHL) dresse un portrait assez morose de la construction résidentielle au Québec. Avec une diminution de 49 % des mises en chantier en juin, la province enregistre une dixième baisse mensuelle consécutive. Drummondville n’échappe pas à cette tendance, même qu’elle constitue avec Montréal les deux centres urbains où le recul est le plus drastique.
«On subit un choc assez violent partout, que ce soit à Drummondville ou ailleurs. C’est un ralentissement assez sévère par rapport à un sommet, on en convient, mais avec les taux d’intérêt qui augmentent la demande et l’offre se sont arrêtées; personne n’ose faire de nouveaux projets. Les entrepreneurs ont la crainte de lancer un projet et de devoir le supporter financièrement très longtemps avec un taux d’intérêt très élevé», met en contexte François Bernier, conseiller aux services à l’industrie chez l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ).
D’après les données recueillies par la SCHL, seulement 41 nouvelles habitations ont été entamées à Drummondville en juin, une baisse de l’ordre de 66 % par rapport à la même période l’an dernier où 120 mises en chantier avaient été enregistrées.
Depuis janvier, on a coulé les fondations de 63 maisons et 187 logements dans la région, une variation de -58 % par rapport aux deux premiers trimestres de 2022.
«Où est-ce qu’on s’en va avec 187 logements alors que le taux d’inoccupation est pratiquement à 0? Nulle part…», laisse tomber M. Bernier.
«Dans le contexte, on n’a pas de marge de manœuvre pour tolérer un ralentissement de la construction. C’est très préoccupant de voir qu’on coupe de 50 % à 60 % les mises en chantier cette année. On va faire quoi avec les besoins de logement? Pour tout le monde, c’est quelque chose qu’on voudrait remédier immédiatement, mais c’est irréaliste, on ne pourra pas avant un grand bout de temps», poursuit-il.
Examen de conscience
Il y a quelques mois, l’APCHQ estimait à 100 000 le manque à gagner en termes de logements. «C’est encore pire, je pense, aujourd’hui.»
Selon lui, les différents paliers gouvernementaux et l’industrie doivent procéder à un examen de conscience pour prendre une fois pour toutes la situation en main.
«Il faut regarder comment on pourrait faire mieux pour ajouter le plus vite possible des logements. À titre d’exemple, le remboursement de TPS auquel ont droit les entrepreneurs pourrait être plus généreux, voir être remboursé à 100 %. Le gouvernement provincial pourrait également accorder un remboursement de la TVQ. Quant aux villes, elles pourraient revoir les droits de mutation, alléger leur réglementation, créer un guichet de services aux entrepreneurs pour que les projets cheminent plus facilement. Tout ça pour donner un peu de chance aux gens. Tout le monde y gagne à ce qu’on crée un maximum d’opportunités de développement, de redéveloppement et de densification», énumère-t-il, convaincu.
L’une des principales solutions à la pénurie de logements est d’autoriser les logements accessoires, se dit d’avis le conseiller.
«Si on était capable d’en ajouter 3 % dans l’ensemble de la province, ça ajouterait 50 000 logements. On viendrait régler la moitié du problème. Les villes ont entre les mains cet outil-là, car la législation est ouverte à ça.»
L’idée fait notamment son chemin à Drummondville. Dans le plan d’action découlant de la politique de l’habitation, l’un des moyens pour parvenir à densifier la population est d’implanter des logements accessoires et transformer des habitations unifamiliales.
«Une réflexion est entamée. Une analyse est nécessaire étant donné qu’il y a plusieurs particularités techniques qui s’y rattachent, dont le branchement aux égouts», fait savoir Anne-Élisabeth Benjamin, conseillère en relations publiques à la Ville de Drummondville.
Qui plus est, cette même politique prévoit la création d’un programme incitatif de même que la révision du processus d’approbation urbanistique des projets de logement social et abordable afin d’en faciliter la réalisation.
François Bernier est catégorique : «La pénurie de logements est un problème social qu’on doit régler en société avec un bon financement public.»
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