Le bloc opératoire était déjà trop petit en 1999

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Par Cynthia Martel
Le bloc opératoire était déjà trop petit en 1999
La salle de chirurgie la plus moderne du bloc opératoire mais qui n’est tout de même pas optimale. (Photo : Ghyslain Bergeron)
(Note de la rédaction) L’hôpital Sainte-Croix de Drummondville étouffe. De l’intérieur comme de l’extérieur. Dans une démarche inédite, L’Express a visité le 31 mai dernier plusieurs unités de service et rencontré les gens qui travaillent dans cette cour à miracles. Personne n’avait reçu la consigne de faire le ménage avant la visite du journal. Votre hôpital, construit en 1948, est présenté tel que vu. Pour les besoins de la cause, un secteur bien précis sera présenté chaque semaine, jusqu’au 1er juillet.

SANTÉ. Pendant que la chirurgie ambulatoire connaît un essor important, le bloc opératoire, le coeur de l’hôpital Sainte-Croix, stagne. Là encore, l’exigüité et la vétusté des lieux freinent les élans du corps médical qui, malgré tout, réussit à faire des miracles avec peu.

Pourtant, il y a à peine 23 ans, le bloc opératoire alors fraîchement rénové se démarquait à l’échelle de la province pour l’une de ses salles.

«Il y a des lumières et écrans accrochés au plafond de même qu’un module de laparoscopie avec bras au plafond. C’était hyper moderne à ce moment et on était dans les premiers à avoir ces équipements; c’était l’une des plus belles salles au Québec. Maintenant, c’est la norme», explique Dr Jean-François Albert, chirurgien général.

La norme, certes, mais la capacité portante de l’hôpital et les plafonds trop bas ne permettent pas de doter les quatre autres salles de ces équipements.

«Tous les appareils sont maintenant robotisés avec des bras au plafond pour une question d’efficacité, mais aussi pour faciliter la stérilisation des sols. Pour nous, évoluer vers cette technologie, ce n’est pas envisageable considérant la hauteur des plafonds des autres salles. On doit rester avec les anciens systèmes et lorsque ceux-ci sont désuets, on les remplace par la même chose. Pareil pour les téléviseurs : actuellement on travaille avec de la haute définition alors que la technologie est rendue au 4k, mais on ne peut pas changer, car ces appareils sont trop lourds et plus gros. J’en ai chez moi, mais pas pour opérer mes patients… ça n’a pas de sens!» laisse tomber le chirurgien.

Au sein des blocs opératoires modernes, on y retrouve ce qu’on appelle des salles combinées, c’est-à-dire des pièces équipées d’appareils chirurgicaux, de laparoscopie et de radiologie. Mais l’ajout de ce dernier équipement est impossible à l’hôpital Sainte-Croix en raison de l’étroitesse des lieux.

Autre irritant : les salles n’étant pas toutes adaptées pour la pratique de l’orthopédie moderne, les spécialistes doivent régulièrement interchanger les patients.

«L’équipement dont ils ont besoin est énorme par rapport à l’espace que nous disposons. On a une salle moyenne qui fonctionne bien, mais qui n’est tout de même pas à la hauteur de la chirurgie moderne. Malheureusement, lorsque deux orthopédistes doivent opérer en même temps, l’un des deux est dans l’obligation de sélectionner des patients au détriment d’autres usagers qui attendaient plus longtemps mais qui ne nécessitent pas autant d’équipements», précise le chirurgien âgé de 38 ans.

Côté efficacité et équité, on repassera!

L’inaccessibilité aux appareils dernier cri a un impact sur le recrutement, croit Dr Albert qui craint qu’un jour, la qualité des soins soit moindre que celle d’autres centres hospitaliers.

«Je n’ose pas le dire, mais je me questionne grandement. Mais pour le moment, elle est encore excellente. On fait une bonne job avec vraiment peu. On se débrouille beaucoup.»

Chose certaine, cette situation empêche le corps médical de développer de nouvelles pratiques.

Chirurgie d’un jour

Parlant de nouvelles pratiques, les chirurgiens drummondvillois ont développé certaines interventions afin que le séjour des patients soit inférieur à 12 heures. Mais ces initiatives se heurtent à l’obstacle du manque d’espace.

La chirurgie d’un jour. (Photo : Ghyslain Bergeron)

«On a tellement évolué dans la chirurgie ambulatoire, je pense aux chirurgies bariatriques, gynécologiques et orthopédiques, que notre problème est qu’on doit quand même hospitaliser des gens, car on n’a pas suffisamment de civières», indique le chirurgien qui pratique à Drummondville depuis 2014.

«Nous disposons de 14 civières, mais on passe 23 patients par jour. On se croise chaque fois les doigts pour que ça se déroule bien et pour que le patient quitte dans les délais», renchérit Andréanne Forcier, cheffe du bloc opératoire.

En raison de l’espace restreint, les appareils de physiothérapie ne peuvent être à proximité du département de la chirurgie d’un jour. Les usagers nécessitant ces traitements doivent donc séjourner à l’étage où ils se trouvent.

«L’un des objectifs de la chirurgie ambulatoire est de désengorger les lits sur les étages de même que l’urgence, mais on n’y parvient pas»,

laisse entendre Dr Albert.

Des problèmes qui ne datent pas d’hier

Les chirurgiens voyaient venir ces problématiques depuis bien longtemps. Pour être précis, depuis les rénovations en 1999.

Dr Jean-François Albert, chirurgien général. (Photo : Ghyslain Bergeron)

«On m’a déjà dit qu’il a fallu faire le bloc opératoire 30 % à 40 % plus petit qu’on le souhaitait, car la configuration et la structure de l’hôpital ne permettaient pas plus grand. En d’autres mots, à la fin des rénovations, notre bloc était déjà 40 % trop petit par rapport aux besoins de l’époque», fait savoir le spécialiste en chirurgie digestive.

Autre conséquence : on a dû construire une salle pour les chirurgies ophtalmologiques à l’extérieur du bloc opératoire.

«Le principe d’un bloc opératoire, c’est que toutes les salles de chirurgie sont aménagées autour de la zone centrale et stérile. Mais ce n’est pas le cas avec l’ophtalmologie. Et non seulement la salle est délocalisée, mais il n’y a même pas de salle d’attente, on doit mettre des chaises pliantes dans le corridor. On ne voit pas ça ailleurs», détaille Dr Albert.

Pas moins de 52 personnes (patients et accompagnateurs) déambulent dans ce petit département quotidiennement.

Autre particularité : les usagers qui patientent leur tour et ceux fraichement opérés se retrouvent côte à côte, de quoi rendre l’ambiance anxiogène.

Encombrement, confidentialité et sécurité

Qui dit manque d’espace, dit encombrement. Et dans le bloc opératoire, spécifiquement dans le rangement des unités stériles, il s’agit d’un réel problème. Boîtes d’instruments stériles, équipements chirurgicaux et chariots s’entassent dans ce local en forme de «L», pas plus large qu’un couloir. Pour avoir accès aux articles rangés dans les armoires ou bien à un appareil, il faut tantôt enjamber des fils électriques, tantôt tasser ce qui se trouve sur son chemin. Imaginez faire toute cette gymnastique lorsqu’une urgence survient.

«C’est gênant! L’efficacité d’un bloc opératoire passe notamment par la préparation, mais tout cela ne simplifie pas la tâche du personnel», déplore Mme Forcier.

Le rangement des unités stériles déborde. (Photo : Ghyslain Bergeron)

Un peu plus loin, dans le corridor reliant les cinq salles de chirurgie, un chariot rempli de matériel est garé en tout temps devant la sortie de secours.

«S’il y a une urgence et qu’on doit évacuer, il faudra le tasser. On n’a pas le choix, le local des préposés est trop minuscule pour le rentrer», expose la cheffe du bout des lèvres.

«Régulièrement, pour pouvoir sortir d’une salle, je dois pousser sur la porte pour tasser les chariots ou civières. Aussi, on doit constamment bouger des équipements et civières sur le chemin lorsqu’on doit aller en salle de réveil avec un patient couché sur une civière», ajoute le Dr Albert.

Et on ne parlera pas des multiples dégâts d’eau qui surviennent.

Autre constat : la confidentialité n’existe pas dans la salle de réveil. Un simple rideau beige peine à séparer les patients. Les rencontres avec les professionnels se font au bout de la civière, au vu et au su de tous. Les chirurgiens doivent dicter sur le magnétophone les informations relatives à l’intervention au poste de travail plutôt que dans un bureau fermé, faute d’espace, encore!

Par ailleurs, aussi surprenant que cela puisse paraître, l’accès au bloc opératoire se fait par une pente pour le moins abrupte. Il va sans dire qu’il s’agit de tout un défi d’y pousser une personne en fauteuil roulant ou essayer d’y descendre avec des béquilles.

«Ça démontre à quel point l’hôpital est rafistolé!» souligne le chirurgien, d’un rire découragé.

À cinq salles de chirurgie, le bloc opératoire fonctionne à presque 100 % de sa capacité quotidiennement. Une trentaine de chirurgiens et anesthésistes y pratiquent.

«Ils font des miracles! Notre bloc opératoire roule, mais il faudrait que ce soit plus fluide, car disons que nous n’avons pas une grande marge de manœuvre pour les urgences. L’idéal serait d’avoir un peu plus de salles et que celles-ci soient plus vastes et ergonomiques», conclut la gestionnaire fière de son équipe.

(Avec la collaboration de Lise Tremblay)

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