SANTÉ. Alors que des infirmières nagent toujours dans l’incertitude quant à leur future nouvelle réalité, le CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec s’apprête à passer à la troisième étape de son plan de réorganisation des horaires qui touchera moins de 15 % du personnel infirmier.
La première mesure s’est appliquée à la fin février à l’ensemble des infirmières œuvrant déjà dans des secteurs ouverts les week-ends à Drummondville. Depuis, chacune d’entre elles travaille une fin de semaine sur trois, ou une sur deux pour celles dans les hébergements. Ces employés représentent environ 85 % du personnel infirmier.
Le 26 mars, cette mesure s’est étendue de façon graduelle à tout le personnel infirmier concerné du territoire de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec.
La prochaine étape, celle qui suscite plus d’inquiétudes, touche les infirmières travaillant dans les centres d’activités de jour, lesquelles seront «susceptibles d’être déplacées vers d’autres secteurs». La mesure entrera en vigueur le 18 juin.
«Dans le plan initial, 15 % des infirmières étaient concernées, mais finalement, ce n’est qu’un très faible pourcentage qui sera déplacé dans un autre secteur, indique Guillaume Cliche, agent d’information au CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec. Depuis le début, on dit qu’on serait à l’écoute des employés et qu’on veut travailler ce plan avec eux et c’est ce qu’on fait. Justement, on a mis le plan sur la glace jusqu’à l’automne pour les groupes de médecine de famille, car on voyait que ça viendrait affecter les services de première ligne. Des rencontres sont prévues avec les médecins pour voir comment on peut parvenir à bonifier la participation des infirmières les fins de semaine sans avoir d’impact. Aussi, les infirmières qui travaillent dans des secteurs surspécialisés, comme l’hémato-oncologie, et où l’enjeu de main-d’œuvre est critique ne seront pas appelées à prêter main-forte dans d’autres secteurs.»
Une employée ayant requis l’anonymat ne sent pourtant pas cette ouverture de collaborer et cette écoute de la part de l’employeur. Étant parmi les infirmières qui devront travailler certains week-ends dans les secteurs 24/7, comme le CHSLD Frederick-George-Heriot, elle dit que leurs besoins et ceux des usagers ne sont pas tenus en compte.
«Je travaille en santé scolaire; j’ai déjà une dizaine d’écoles primaires et les quatre écoles secondaires à ma charge. Les requêtes ont doublé cette année alors que nous n’avions pas été présentes les deux années précédentes en raison de la pandémie. On peine à y répondre et maintenant, on nous demande d’aller travailler le week-end. Même si l’école se termine bientôt, l’été, ce n’est pas une moins grosse période : nous devons compléter nos dossiers, continuer de voir la clientèle en santé sexuelle et nous faisons de la vaccination. Mais ça ne semble pas compter. J’ai l’impression que puisque nous œuvrons en prévention, c’est moins important. En tout cas, c’est ce que ça laisse présager», déplore-t-elle.
Elle mentionne également que personne n’est rassuré quant aux nouvelles affectations, les informations reçues changeant constamment.
«Au départ, on nous disait qu’on irait dans des secteurs apparentés au nôtre. Ce n’est pas ça ce qui va se passer. On n’est pas du tout rassuré sur comment ça va fonctionner, sur les orientations, la charge de travail, etc.»
Du côté du CIUSSS, M. Cliche indique que le plan évolue au gré des besoins et de la disponibilité de la main-d’œuvre.
«D’ici au 18 juin, nous continuerons à analyser les besoins de main-d’oeuvre, verrons à la réorganisation et la révision des tâches de chacune et jugerons si nous devons introduire d’autres titres d’emploi. Tout ça dans le but d’avoir le moins d’impact possible sur les usagers et en respect des conventions collectives», explique-t-il, en rappelant que l’objectif est de soutenir les infirmières des secteurs 24/7.
Des bénéfices?
L’infirmière se demande pourquoi le CIUSSS n’a pas exempté temporairement son secteur de la mesure. C’est qu’avant le déploiement du plan, la santé publique comptait 14 infirmières; il y en a maintenant quatre ou cinq, selon l’employée, à la suite de départs et de changements de poste.
«La mesure a pour but d’aider des secteurs qui manquent cruellement de personnel, mais nous sommes maintenant rendus dans la même situation. Ce n’est pas avec notre petit nombre qu’on va aider et surtout régler les TSO (temps supplémentaire obligatoire)», fait-elle valoir, en affirmant avoir l’impression que tout ce remaniement depuis février constitue «un coup d’épée dans l’eau».
De son côté, M. Cliche précise que selon les données recueillies, cinq infirmières sur tout le territoire ont quitté au cours des derniers mois en énonçant le plan comme motif de départ.
Enfin, s’il est encore trop tôt pour le CIUSSS MCQ de se prononcer sur les bénéfices de ces mesures, M. Cliche peut néanmoins affirmer que dès le premier week-end, certaines améliorations ont été notées.
«Ce sont des résultats assez préliminaires, mais on a observé une diminution du TSO les fins de semaine. Ç’a permis également d’intensifier les services à domicile. Puisque tout le personnel travaille maintenant un week-end sur trois, c’est plus facile de réorganiser les horaires et de rendre disponibles les services, en plus de permettre de libérer des lits. Au niveau de la fluidité, ça paraît», détaille-t-il.
Rappelons que le plan vise à combler «minimalement» 310 quarts de travail par mois.