CULTURE. Honorer et préserver la mémoire collective : voici les visées de l’œuvre Revenons à nos moutons de l’artiste Simon Courchesne. Installée à la bibliothèque publique de Drummondville, l’installation sculpturale rend hommage à ceux qui ont œuvré dans l’industrie du textile.
Le Drummondvillois Simon Courchesne est un artiste aux mille et un projets. Il a longtemps caressé l’idée de réaliser une œuvre à propos de son grand-père, Benoît Lachapelle. Ses derniers souvenirs en sa compagnie remontent à plusieurs années. Enfant, il allait le visiter à l’hôpital. «Je ne l’ai pas vraiment connu. J’ai toujours eu ce désir d’apprendre à le connaître par le témoignage. Souvent, c’est ça qui reste. J’ai fait des maquettes d’œuvres. Je voulais le représenter sur le dos d’un mouton. Il a consacré sa vie au textile. Ça m’a inspiré», a-t-il raconté, en entrevue avec L’Express.
Un déclic s’est produit lorsqu’il a vu un appel de dossiers initié par la Ville de Drummondville. Le mandat de l’artiste était de réaliser une œuvre en bois pour souligner les cinq ans de la bibliothèque.
Le projet de Simon Courchesne a pris son envol. «C’est à partir de ces informations que je me suis lancé. J’ai voulu reparler de l’histoire de Drummondville. J’avais envie de me concentrer sur l’industrie du textile, a-t-il soutenu. Je voulais faire une œuvre pour rendre hommage à des acteurs de ce milieu-là en parlant de leur quotidien, de leurs caractéristiques et de leurs passions. Je souhaitais les rendre plus humain.»
Drummondville est reconnue pour ses entreprises du textile qui ont été la base de son économie durant de nombreuses années. L’artiste s’est tourné vers la population pour aller à la rencontre de ces travailleurs. Contre toute attente, il a récolté plus de 80 inscriptions. «Il a fallu en retenir trois à travers tout ça. J’ai basé ma sélection pour avoir une parité entre les hommes et les femmes, une parité au sein de l’usine et des postes occupés.»
Les familles ont accueilli Simon Courchesne à bras ouvert dans leur demeure, en partageant toutes sortes d’informations sur l’être cher. L’artiste est sorti de ces rencontres la tête pleine d’idées.
Trois hommages
Revenons à nos moutons raconte l’histoire de trois personnages, celle d’Armand Grondin qui a consacré sa vie à la Dominion Textile, où il occupait le poste de journalier, Danielle Jutras qui a fait partie du Comité sectoriel de la main-d’œuvre de l’industrie du textile en tant que chargé de projet ainsi que Benoît Lachapelle qui a œuvré à la Celanese en tant que directeur surintendant du tissage.
L’œuvre a été suspendue à l’espace central de la bibliothèque. Chacun des protagonistes chevauche un mouton. «J’ai choisi cet animal comme emblème. Par la laine qu’il produit, on voit le lien assez facile avec le textile. Le mouton est un animal grégaire, telle l’importante classe ouvrière drummondvilloise. C’est aussi une image forte du catholicisme, notamment dans l’Ancien Testament, religion très présente à cette époque industrielle.»
De plus, l’installation sculpturale rappelle l’héritage catholique par le matériau choisi, soit le bois. Comme le marbre était trop coûteux à l’époque, les sculpteurs québécois ont souvent opté pour le bois peint afin de représenter les différentes figures religieuses au sein des lieux de culte. Le bois est aussi lié au concept même de bibliothèque, puisqu’il s’agit du tout premier support pour l’écriture, du moins, le premier qui était facile à transporter.
Mardi soir, l’émotion était au rendez-vous lors de l’inauguration de l’œuvre. Une centaine de citoyens ont participé à l’événement.
Cynthia Brunelle avait les larmes aux yeux en admirant la sculpture de sa mère Danielle Jutras. Elle ressentait un sentiment de fierté. «C’était une femme de carrière comme j’en ai rarement vu. Aujourd’hui, sa place est méritée. Elle a mis en place beaucoup de programmes pour la francisation dans les usines. Il y avait beaucoup de gens analphabètes ou des immigrants qui ne parlaient pas la langue. Elle a été très impliquée en général dans tous les projets qu’elle faisait.»
Revenons à nos moutons fera partie du paysage de la bibliothèque pendant les dix prochaines années. «J’espère que ces œuvres vous inspireront la contemplation de notre passé. C’est un souhait sincère qu’elles puissent se tailler une place dans votre quotidien et qu’elles deviennent un emblème de la bibliothèque», a conclu Simon Courchesne.
Notons que le projet a été financé par l’Entente de développement culturel entre le ministère de la Culture et des Communications du Québec et la Ville de Drummondville.