SOCIÉTÉ. L’étape la plus difficile est derrière elle. Près de quarante ans ont été nécessaires pour que Sara accepte et assume sa dysphorie de genre. Maintenant, preuves médicales en main, elle se prépare à passer à travers tout le processus médical, avec ses hauts et ses bas.
«Je devrai arrêter de travailler durant quatre mois et vendre des immeubles pour pouvoir payer la chirurgie, mais je vais le faire», dit-elle, breloque en forme de cœur suspendue au-dessus de sa poitrine devenue féminine, source de fierté.
C’est que depuis le mois de janvier, elle prend des hormones. Elle voit aussi une orthophoniste, qui l’aide à hausser le ton de sa voix, puis une psychologue et une sexologue. À travers cela, elle a fait appel à l’entreprise Capilia de Drummondville, qui a confectionné une perruque faite entièrement de cheveux naturels. «Tout coûte une fortune, mais je suis prête à ça», lance la nouvelle femme.
Dans quelques semaines, elle subira une chirurgie pour affiner les traits de son visage puis une vaginoplastie.
«Ça ne sera pas facile. L’opération au visage amènera beaucoup d’enflures. Je suis dans une phase où j’essaie de gonfler mon estime avant de vivre l’étape médicale. Je vais tout vendre. Je recommence ma vie à neuf. Je n’ai plus le goût d’être dans les projets. Maintenant que je me suis affirmée, j’ai le goût d’être calme, de vivre ma petite vie, de pratiquer mon maquillage, d’aller magasiner et d’être avec mes enfants. Je vais prendre l’argent et foncer. Je devrais me faire opérer dans un an et demi», espère celle qui, déjà à un très jeune âge, se cachait pour porter les vêtements de sa sœur.
Réseaux sociaux
Durant tout le processus l’ayant mené à ce qu’elle est aujourd’hui, les réseaux sociaux ont pris beaucoup de place. En 2019, Sara y a fait son apparition et s’est mise à partager des photos, loin du regard des siens. Son repère était son chalet, qu’elle rénovait les week-ends à temps perdu. Elle y cachait un sac rempli de vêtements féminins avec lesquels elle s’amusait. Les couleurs, les textures et les styles, elle adorait.
«L’élément déclencheur a clairement été les réseaux sociaux. Ils ont donné de la puissance à Sara. En 2021, j’ai commencé à publier des photos et je me suis mise à avoir plein de followers et à recevoir plein de commentaires», ajoute celle qui est passée de 210 à 165 livres à cette époque. Elle suivait un régime des plus stricts.
Plus les semaines passaient, plus ses comptes se garnissaient de photos, si bien que Sara compte aujourd’hui plus de 7000 abonnés Facebook et des milliers d’autres sur Instagram et TikTok. Son estime de soi s’est gonflée au rythme des commentaires déposés sur ses comptes.
«J’avais des messages sans arrêt et j’ai réalisé bien des choses. Aujourd’hui, je choisis de garder que le positif, que les gens qui m’accueillent… et je vais de l’avant», exprime-t-elle.
La peur du rejet est chose courante chez la clientèle transsexuelle, selon Maude Bourgeois-Turcotte, psychologue à la clinique Émeraude située à Drummondville. Celle-ci évalue les personnes transsexuelles depuis 2017 pour que celles-ci aient accès à l’hormonothérapie et, éventuellement, aux soins médicaux.
«Il y a beaucoup d’anxiété chez cette clientèle qui vit une transidentité et toutes les étapes s’y rattachant, du coming out à la première sortie jusqu’à l’opération. Dans ma pratique, il n’y a pas de cas classiques. Chaque personne a son histoire, ses peurs, et c’est normal. Il s’agit d’un parcours très différent et on réalise que c’est un peu plus difficile lorsqu’il s’agit d’un homme qui devient une femme, au point de vue de l’acceptabilité sociale. Ça passe vraiment moins bien dans la société, mais quand ces personnes passent à travers, elles deviennent tellement authentiques et heureuses», souligne la professionnelle, en guise de conclusion.
Selon Samuel Desbiens, président de Trans Mauricie et Centre-du-Québec, un organisme qui existe depuis 2016, exactement 252 personnes ont fait appel à ses services d’aide et d’accompagnement à la transition au cours de la dernière année.
À lire également : Luc devient Sara et choisit de vivre librement