SOCIÉTÉ D’HISTOIRE DE DRUMMOND. Nos vies réglées souvent à la minute près nous font facilement oublier que nos ancêtres vivaient à un rythme ordonné par la position du soleil dans le ciel.
La journée était divisée en deux périodes égales d’ensoleillement auxquelles on réfère encore aujourd’hui au Québec par l’avant-midi et l’après-midi, midi étant le moment où le soleil est à son zénith. Jusque dans les années 1880, chaque ville au Canada avait son heure locale. Peu de gens disposaient d’horloges, encore moins de montres de poche. C’était la cloche de l’église qui marquait le temps en sonnant l’angélus trois fois par jour, à 6 heures du matin, à midi et à 6 heures du soir.
L’arrivée des chemins de fer a rapidement bousculé le rapport des citoyens au temps. La multiplicité des heures locales créait une confusion importante tant chez les voyageurs que chez les gestionnaires des réseaux ferroviaires. C’est pourquoi les grandes compagnies de chemin de fer du Canada et des États-Unis ont imposé à partir de 1883 l’usage de fuseaux horaires à travers le continent.
Au Québec, ce cadre a été rendu légal par plusieurs lois promulguées durant les années 1920, dont la Loi de l’avance de l’heure de 1924, qui permet aux municipalités, après consultation de leurs citoyens, d’avancer les horloges d’une heure pendant la saison estivale.
À Drummondville, cette mesure est fortement encouragée par les manufactures locales et les commerçants, car elle représente une économie d’énergie électrique puisque l’éclairage artificiel est utilisé sur une moins longue période le soir. Les cultivateurs, dont les animaux vivent au rythme du soleil, peu importe l’heure, ne sont pas d’accord. Néanmoins les villes importantes du Québec se mettent à l’heure avancée dès 1924.
Le conseil de Ville, mené par le maire Walter-Alexandre Moisan, décide d’emboîter le pas à partir de 1927. Drummondville est maintenant une ville industrielle et les cultivateurs n’ont plus d’influence dans son administration. Mais il y a un problème de taille : comment mettre en application la mesure? Le conseil arrive rapidement à la conclusion que la personne la mieux placée pour faire passer la ville à l’heure avancée est le curé de la paroisse Saint-Frédéric, Georges Melançon, lequel accepte ce rôle sans trop de difficulté.
Ce choix est très logique. Alors qu’aucun média ne rejoint l’ensemble de la population à l’époque, tout le monde ou presque se retrouve néanmoins à la messe dominicale. Il suffit que les prêtres annoncent dans tous leurs sermons qu’il faut passer à l’heure d’été le premier dimanche de mai et surtout, que le curé s’assure que tout le personnel de l’église se conforme à cette règle. En avançant l’heure des offices religieux et en faisant sonner l’angélus une heure plus tôt, on incite fortement tous les paroissiens à suivre, même les plus irréductibles des cultivateurs!