TÉMOIGNAGE. 21 mars. 16 h. Ian Lacharité dépose sa lettre de démission à titre de maire de Wickham, marquant la fin de près de dix ans d’implication en politique municipale. Sa décision a été prise au moment où sa conjointe a subi de l’intimidation. Un point de non-retour a été franchi.
L’autrice de ces lignes a rencontré Ian Lacharité, vendredi après-midi, dans un café au centre-ville de Drummondville. Au moment de l’entrevue, la poussière retombait à peine. Les émotions étaient encore à vifs.
Un point de presse s’était tenu le matin même. La préfète de la MRC de Drummond et mairesse de Drummondville, Stéphanie Lacoste, a pris la parole afin de dénoncer les actes d’intimidation que vivent les intervenants du monde municipal. Ian Lacharité a participé à l’événement, en étant aux côtés de la politicienne. «J’étais très touché. J’étais content de voir tous les élus, dont cinq des six conseillers de Wickham. Je les ai serrés dans mes bras», commente-t-il.
Le Wickhamois ne s’attendait pas à ce que sa décision individuelle ait une portée nationale. Depuis la semaine dernière, il reçoit des messages qui proviennent des quatre coins du Québec. «Je me sens supporté par mes confrères et mes consœurs qui font de la politique municipale partout à travers la province. J’ai eu plusieurs sympathies de leur part, de la Gaspésie jusqu’en Outaouais. J’ai aussi reçu des témoignages», fait-il savoir.
Un dossier sensible
Depuis les derniers mois, les membres du conseil municipal de Wickham mènent un dossier qui suscite de fortes réactions auprès des citoyens, celui de la desserte incendie. Force de frappe inadéquate, maintien des compétences des pompiers et augmentation des coûts liés au service incendie : les élus ont constaté que le statu quo n’est pas une option envisageable, d’après les données recueillies.
«Le conseil a pris la décision d’aller de l’avant avec une délégation de desserte vers la Ville de Drummondville. On a fait l’annonce à nos pompiers le 20 février. On voulait le faire de façon respectueuse. On se devait de parler à eux en premier. Après la rencontre, ils nous ont envoyé un courriel via le directeur de service incendie en disant qu’il n’avait pas de problème. Ils allaient continuer de servir les citoyens jusqu’au 1er mai», raconte-t-il.
Une poignée de citoyens s’est mobilisée pour réclamer le statu quo. Un climat de tension s’est installé entre eux et les élus. «Ça s’est envenimé jusqu’au 13 mars, la date de la séance d’information», soutient-il. Le soir même, les conseillers de la Municipalité ont adopté le règlement qui confirme son intégration au Service de sécurité incendie et sécurité civile de Drummondville (SSISCD).
Ian Lacharité a été victime d’intimidation et de menaces. «La majeure partie est sur les réseaux sociaux. C’est le meilleur conducteur de l’intimidation. Les gens se sentent libres de s’exprimer et de dire des choses odieuses.»
Sa priorité était de protéger les membres de son entourage, plus précisément sa femme et ses deux enfants. «La situation devenait de plus en plus sérieuse. J’ai eu une discussion avec ma conjointe. On a fait un arrangement que si ça venait toucher la famille, je mettrais un terme à mon rôle de maire. J’en ai fait part aux élus lors d’un atelier de travail, le 20 mars. Le lendemain matin, ma conjointe a reçu son lot d’intimidation. Il y a eu des gestes dégueulasses qui ont été portés à son atteinte.»
La limite a été dépassée. Dès qu’Ian Lacharité a pris conscience de la situation, il a appelé la directrice générale de la Municipalité, Catherine Pepin, pour l’informer qu’il allait déposer sa lettre de démission en fin de journée. Sa décision était irrévocable.
La suite
Le maire démissionnaire précise qu’il n’a pas signé l’entente avec Drummondville. «Les deux conseils ont entériné la résolution. Le conseil de Wickham a entériné une décision de déléguer le maire et la directrice générale à signer une entente. Le conseil de Ville de Drummondville a délégué la mairesse et le directeur général à signer une entente», explique-t-il, en précisant qu’il laisse son successeur «décider pour la suite».
En ce sens, il espère que le conseil municipal réussira à ramener l’unité au sein de l’ensemble des Wickhamois.
Ce dernier profite de l’occasion pour lancer un appel à la tolérance. «Ce que je veux, c’est que les gens soient en mesure d’exprimer leur opinion dans un cadre respectueux et d’utiliser le moins possible les réseaux sociaux. Revenons à la base avec le téléphone. Pour ma part, je n’ai jamais reçu un appel. Ce sont tous des gens qui connaissent mon numéro de cellulaire.»
D’après lui, l’entourage des élus et des gestionnaires municipaux devrait être inclus dans le Plan de lutte contre l’intimidation qui a été mis en place par la Sûreté du Québec (SQ). Mentionnons que Ian Lacharité prévoit porter plainte à la police.
Quoi qu’il en soit, il n’avait pas envisagé que son premier mandat à la mairie prenne cette tournure et se termine aussi abruptement. Que retiendra-t-il de son expérience? Ses différents accomplissements comme la construction du bâtiment qui accueillera le CPE Mini-Campus, la sécurisation du périmètre urbain, la signature de la convention collective des employés cols blancs et cols bleus et la réorganisation de l’administration municipale. Notons qu’il a réalisé deux mandats à titre de conseiller municipal de la Municipalité.