MALADIE DE LYME. Inacceptable. C’est le mot qui vient en tête quand on prend connaissance de l’histoire de Stéphanie Lavoie. Alitée dans le noir, elle n’attend qu’un peu de lumière dans sa vie.
Prendre une bouffée d’air frais, sentir le soleil sur sa peau, parler avec son amie, utiliser son cellulaire, manger par soi-même, regarder un paysage. Toutes des choses simples que nous faisons sans nous en rendre compte. Ce n’est pas le cas de tous. Stéphanie Lavoie est atteinte de la maladie de Lyme, qui est causée par des bactéries transmises par une tique infectée. Dans son cas, la maladie a complètement ôté toute qualité de vie. Le fait de ne pas avoir de médecin de famille complique excessivement sa situation.
Une tique infectée
Elle n’est pas certaine si elle a été piquée par une tique infectée dans un camp de jour alors qu’elle y travaillait ou encore lors d’une visite à une bleuetière. Cet été-là, il y a 8 ans, elle a eu une grosse grippe avec beaucoup de sueurs nocturnes.
«Je ne me souviens pas comment j’ai suspecté que c’était la maladie de Lyme. J’étais dans une région peu à risque», explique-t-elle. N’ayant pas de médecin de famille, elle se décide à aller vers le privé. Une clinique en Allemagne confirme le diagnostic, de même qu’un autre test analysé aux États-Unis.
La jeune femme de 29 ans a ensuite eu des fasciites plantaires, puis des brûlements dans les pieds qui rendaient la marche infernale. Le fauteuil roulant a fait son apparition. Six mois plus tard, ça a été les engourdissements dans les bras, suivis de douleurs articulaires. Dans la dernière année, son cas a dégénéré.
Ses journées se déroulent couchée, parce que la posture assise est trop douloureuse. Elles se passent aussi dans la pénombre, à cause de sécheresse et de douleurs oculaires. Son père lui a fabriqué une sorte de tente pour qu’elle puisse être dans le noir total. Elle ne sort plus de sa chambre, qui est maintenue à un taux d’humidité de 72 %, à cause de la sécheresse buccale, qui l’empêche également de parler. Les douleurs articulaires la font souffrir en permanence. Bref, elle ne peut plus marcher, utiliser ses mains, s’exprimer, voir. La maladie de Lyme s’est attaquée à l’ensemble du système de Mme Lavoie. Seul passe-temps : les balados qu’elle écoute.
Pour compliquer le tout, des examens ont révélé une gastro-entérite à éosinophiles, condition rare qui entraine une inflammation chronique au niveau du système digestif. Malgré une hospitalisation et un traitement à la cortisone, elle n’arrive toujours pas à manger adéquatement. Elle se nourrit principalement de bananes et de riz. Elle pèse 70 livres, poids inquiétant pour une adulte.
La frêle jeune femme habite en alternance avec ses parents et avec son conjoint. Son père, qui avait pris sa retraite, a dû retourner sur le marché du travail. Le charpentier-menuisier trime dur. Sa mère a cessé de travailler pour prendre soin de sa fille.
La famille, originaire du nord du Lac-Saint-Jean, a déménagé à Drummondville pour se rapprocher des spécialistes. Sa sœur Cathy, mère de deux bambins, habite aussi à Drummondville.
Un capitaine de bateau
Cathy Lavoie espère que sa sœur ait accès à un médecin de famille : «c’est un gros problème dans son cas. Il n’y a pas de “capitaine du bateau”. Quand on appelle au Guichet d’accès clientèle orpheline (GACO), on se fait dire qu’elle n’est pas prioritaire, car elle n’entre pas dans aucune case. Pourtant, sa condition est critique», s’indigne-t-elle. Stéphanie Lavoie se tourne donc vers le privé.
Elle n’a pas accès aux cliniques de maladie de Lyme qui sont en train d’ouvrir au Québec, parce qu’elle n’est pas référée par un médecin de famille.
«Le gastroentérologue m’a dit tantôt que vu qu’il n’y a pas d’intervenant pivot, ça s’arrête là pour lui si les résultats sont beaux. Si les biopsies sont belles, moi, je reste avec mon problème d’estomac», dit-elle.
Stéphanie Lavoie aimerait avoir accès à un traitement qui se donne au Mexique. Le coût ? 50 000 $, seulement pour le traitement. «C’est pour ça qu’on fait un Gofundme, mais aussi parce qu’on n’arrive pas, j’ai tellement besoin d’un paquet de trucs. 45 minutes avec un médecin au privé cette semaine, c’était 300 $. Un soin pour mes yeux : un autre 300 $», dit-elle.
Une femme de cœur en quête d’un peu d’espoir
Stéphanie Lavoie est travailleuse sociale de métier. Sa sœur explique : «Malgré sa situation, elle a travaillé jusqu’à il y a quelques mois. Ça fait 8 ans qu’elle est malade. Elle faisait même des appels pendant la Covid, la santé mentale n’allait pas bien pour tout le monde. Elle, elle était au front et elle prenait encore des appels, alitée, avec un casque d’écoute. Elle a fait ça tant qu’elle a pu parler, pour aider ceux qui ne vont pas bien. Elle, elle n’allait pas bien, mais elle continuait d’aider les autres. Ça me touchait de la voir se dévouer pour notre société quand elle, elle était tellement dans le besoin».
Stéphanie Lavoie peine à trouver de l’espoir en ce moment. Elle fond en larmes en disant : «Je ne pourrai pas endurer ça éternellement. Mes proches non plus. Ils ont mis leur vie sur pause pour moi. Mes parents ne profitent pas de leurs petits-enfants comme ils l’auraient voulu. Mon père ne serait pas supposé travailler. Ma mère n’a plus de vie… J’ai connu mon conjoint il y a 2 ans, puis rapidement j’ai eu un gros déclin, depuis ce temps-là il s’occupe de moi. Pour son moral, c’est dur. Quand est-ce que ça va s’arrêter ?»
Elle a du mal à envisager l’été qui vient, alors que tout le monde est dehors, se baigne, va sur des terrasses, tandis qu’elle est couchée, dans le noir.
Les parents aussi sont découragés et épuisés. «On vit d’espoir, on cogne à des portes. Juste la routine du matin, ça nous prend 50 minutes à 2», spécifie Chantale Landry. À chaque rendez-vous, M. Lavoie doit manquer du travail. Tous les déplacements se font sans chauffage ni air climatisé parce que ça rend l’air trop sec.
«Stéphanie est courageuse, assidue, déterminée, travaillante. Je ne peux pas croire qu’après tout ça on va la perdre. Je ne peux pas croire qu’en 2023, sur la planète, on ne puisse pas lui enlever un peu de douleur. On ne voit plus le bonheur dans les yeux de notre fille. Je me plais à dire qu’un jour, c’est elle qui va en aider d’autres», dit Mme Landry avec douleur.
La maladie engloutit tout dans l’écosystème de la personne. Stéphanie Lavoie aurait envie de baisser les bras. Un rais de lumière suffirait.
Notons qu’en 2021, les cas de maladie de Lyme ont doublé dans la région par rapport à l’an passé. On recommande durant la belle saison d’être vigilant, de se protéger et de s’inspecter lors du retour à la maison après une activité extérieure.
On peut contribuer au Gofundme organisé pour aider aux soins de Stéphanie Lavoie ici : https://gofund.me/f56f9983