VACCINATION. Une infirmière retraitée, venue en renfort lors de la campagne de vaccination à Drummondville, a perdu son emploi pour avoir respecté le code de déontologie de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ).
Lorsque les centres de vaccination contre la COVID-19 ont été autorisés à administrer des vaccins contre la grippe, en octobre dernier, ceux-ci pouvaient être administrés gratuitement à une clientèle ciblée seulement. Le reste de la population devait débourser des frais pour l’obtenir, selon les consignes écrites tirées du Protocole d’immunisation du Québec (PIQ) du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) en vigueur à ce moment.
«Le PIQ est la bible des infirmières dans ces circonstances. On nous a répété, durant les deux années de COVID, qu’il était très important de suivre seulement le PIQ et non les actualités ou quoi que ce soit d’autre. Donc, nous suivions le PIQ», a expliqué l’infirmière congédiée qui a demandé à conserver l’anonymat par peur de représailles.
Cependant, au centre de vaccination de Drummondville, l’ordre verbal de vacciner gratuitement tous ceux qui le demandaient a été donné à la mi-octobre par la supérieure immédiate. À ce moment, quelques infirmières ont signifié que cette consigne n’était pas approuvée par le Ministère et le PIQ.
«Notre supérieure a répondu que le CIUSSS de la Mauricie et du Centre-du-Québec (CIUSSS MCQ) avait décidé, par lui-même, de l’offrir gratuitement à tout le monde. À la suite de cela, j’ai appelé l’OIIQ. Une conseillère m’a répondu qui si mon employeur me demande de faire quelque chose en dehors de mon code de déontologie, c’est le code de déontologie qui prime sur la demande de l’employeur. Et si l’employeur me demande de faire une action en dehors du code de déontologie, cette demande doit être faite de façon écrite. Dans ce cas-ci, toutes les demandes ont été formulées verbalement», a décrit l’infirmière.
Celle-ci a réclamé que la demande soit transmise par écrit, ce qui n’a jamais été fait. Étant assignée à l’évaluation, elle a continué de refuser l’administration gratuite du vaccin aux gens qui ne faisaient pas partie du groupe ciblé.
Le 5 novembre, une coordonnatrice a rencontré l’infirmière pour lui demander de respecter la consigne qui lui avait été donnée par ses supérieures. Celle-ci a demandé à nouveau une preuve écrite.
«La coordonnatrice m’a dit que ma seule option était de quitter si je ne voulais pas suivre la consigne qu’elle me donnait. J’ai donc pris la décision de partir ce jour-là», a raconté l’infirmière, qui était toujours à l’emploi du CIUSSS MCQ à ce moment.
Par la suite, une rencontre téléphonique a été organisée le 7 novembre avec la patronne du centre de vaccination pour éclairer la situation. Une seconde s’est tenue par vidéoconférence le 10 novembre durant laquelle l’infirmière a demandé à une représentante syndicale d’être témoin de la conversation avec deux supérieures, afin de résoudre la mésentente.
«J’ai demandé aux deux personnes à quel endroit il était écrit que le CIUSSS MCQ autorise la vaccination gratuite pour tous. On m’a regardé comme un chien de faïence et l’on ne m’a pas répondu. La patronne m’a demandé quelle était ma décision. J’ai fait savoir que je voulais continuer de vacciner selon le PIQ tant qu’il n’y aura pas de lettres qui me déchargent de toutes responsabilités professionnelles en vaccinant n’importe qui. On m’a dit qu’en ces circonstances, je serais mise à pied», a témoigné l’infirmière.
Celle-ci a demandé que sa lettre de congédiement inclue les motifs qui ont mené à la décision. La lettre reçue le 15 novembre ne contenait aucune explication.
«Je conteste mon renvoi alors que je suivais le code de déontologie. Je trouve dommage qu’on renvoie des infirmières et qu’on engage des vétérinaires et des dentistes parce qu’il manque de monde. Je comprends que j’ai désobéi à ma patronne, mais quand un ordre patronal va à l’encontre de notre code de déontologie, c’est la déontologie qui prime», a insisté l’infirmière.
«Son congédiement est épouvantable»
Du côté du Syndicat des professionnelles en soins de la Mauricie et du Centre-du-Québec (SPS MCQ), on dénonce la fin d’emploi de cette infirmière d’expérience et exige des excuses. La présidente par intérim du SPS MCQ, Patricia Mailhot, n’a pas l’intention de lâcher le morceau. À ses yeux, il s’agit d’une situation déplorable.
«Cette madame n’a fait que se questionner comme il le faut. La consigne dans le PIQ, à ce moment, était de ne pas vacciner toute la population gratuitement. La réponse de la gestionnaire était d’arrêter de poser des questions, car les supérieurs disent de vacciner tout le monde. Son congédiement, sur le fait de questionnements déontologiques, est épouvantable», a commenté Mme Mailhot, en précisant que cette consigne n’a pas été donnée dans les autres centres de vaccination.
Ce n’est que le 25 novembre dernier que le vaccin contre l’Influenza a été proposé gratuitement à toute la population de 6 mois et plus.
Au cours des derniers jours, le syndicat a eu de nombreux échanges avec les gestionnaires concernant cette situation «inacceptable». Des processus de griefs sont d’ailleurs en cours et la directrice des soins infirmiers du CIUSSS MCQ, Élise Leclair, a été mise au courant de la situation par le syndicat.
«Aussitôt qu’on n’est pas d’accord avec nos chefs, qu’on fait une petite affaire de travers ou qu’on questionne un peu, on se fait congédier pour insubordination. C’est une situation déplorable et le dossier n’en restera pas là», a affirmé Patricia Mailhot, utilisant le mot «omerta» pour décrire la situation.
Par ailleurs, Patricia Mailhot a aussi dénoncé l’absence de motifs dans la lettre de congédiement de l’infirmière.
«Lors d’une fermeture de dossier administratif, l’employeur est effectivement censé dire les raisons. Pourquoi, dans un temps de pénurie où le ministre dit qu’on a besoin de tout le monde, vient-on remercier des travailleurs sans leur dire pourquoi?», s’est-elle questionnée.
Du côté du CIUSSS MCQ, on a refusé de commenter le dossier.
«Il peut arriver malheureusement de devoir mettre fin à un lien d’emploi. Plusieurs éléments sont analysés avant d’en arriver à cette conclusion. À titre d’exemple, nous nous assurons à plusieurs reprises que l’employé comprenne bien les directives et nous pouvons également proposer des alternatives au travail effectué par l’employé afin d’éviter de mettre fin à un lien d’emploi. Lorsque nous demeurons dans une situation où les attentes à l’égard d’un employé ne sont pas rencontrées et que les alternatives au travail ne conviennent pas, des mesures doivent malheureusement être prises lorsque la situation perdure», a écrit Geneviève Jauron, chef de service aux communications externes du CIUSSS MCQ, dans un courriel.