HOCKEY. À certains égards, la Ligue de hockey junior majeur du Québec (LHJMQ) est parfois en avance sur la Ligue nationale de hockey (LNH). Cette saison, près de la moitié des thérapeutes du sport dans le circuit Courteau sont des femmes. Au sein du circuit Bettman, on n’en retrouve actuellement aucune derrière un banc.
Chez les Voltigeurs de Drummondville, Émilie Croteau vit sa première campagne dans le feu de l’action de la LHJMQ. Chez le Phoenix de Sherbrooke, la Drummondvilloise Lucie Grandmont tient le même rôle après avoir amorcé sa carrière dans l’organisation des Huskies de Rouyn-Noranda. Les deux femmes ont vite fait leur place dans le milieu typiquement masculin du hockey junior majeur.
«Peu importe le milieu, en bout de ligne, on est des professionnelles de la santé. On est 100 % qualifiées et on fait notre travail. J’ajouterais que les gars sont super respectueux. Ce n’est aucunement une barrière. Au contraire, c’est un atout d’être une femme dans ce milieu», affirme Émilie Croteau.
Pour sa part, Lucie Grandmont admet être quelque peu lassée de devoir aborder ce sujet. «Ça fait presque dix ans que je suis dans la ligue. Avant moi, il y en a eu des femmes dans la LHJMQ. En même temps, je comprends que tout n’est pas réglé en 2022. Dans la LNH, il n’y a pas de femmes. Il faut encore pousser ce dialogue-là plus loin. Je suis contente de le faire, mais pour moi, ce n’est pas un enjeu», exprime-t-elle, en soulignant que huit des 18 thérapeutes sportives de la LHJMQ sont des femmes.
Un travail sous pression
Toutes deux détentrices d’un baccalauréat en thérapie du sport de l’Université Concordia, Émilie Croteau et Lucie Grandmont jouent un rôle primordial dans la préparation physique des joueurs en plus de leur prodiguer des soins lorsqu’ils se blessent. Que ce soit pendant une partie ou une séance d’entraînement, elles doivent constamment rester aux aguets, prêtes à intervenir à titre de premières répondantes. Pour bien accomplir leurs tâches, elles doivent savoir conserver leur sang-froid, peu importe la gravité de la situation.
«C’est ce qui m’allume dans ce métier, lance Émilie Croteau, qui achève d’ailleurs sa maîtrise dans cette discipline. Il faut penser rapidement, parfois trois étapes en avance. Il faut réussir à prendre des décisions rapides. En situation d’urgence, tu n’as pas le temps de sortir tes livres sur la glace! Tu dois connaître un tas de choses, prendre une décision et aller de l’avant.»
Dès ses débuts dans la LHJMQ, Lucie Grandmont a été plongée dans une telle situation lorsque Jérémy Lauzon, des Huskies, a subi une profonde lacération au cou après avoir été atteint par la lame d’un patin. «C’est la situation la plus urgente que j’ai eu à gérer. Ce n’était pas nécessairement difficile, mais c’était assez urgent», se souvient la femme de 30 ans.
Au-delà de ce travail sous haute pression, les thérapeutes du sport accompagnent ensuite les athlètes blessés tous au long de leur réadaptation. Un cheminement qui s’allonge parfois et qui est souvent parsemé d’embûches. «Il n’y a rien de plus gratifiant que de voir un joueur blessé, que tu as accompagné à travers toutes les étapes de sa réhabilitation, retourner sur la glace et performer. C’est comme la cerise sur le sundae», expose Lucie Grandmont, qui a fait partie des éditions championnes des Huskies en 2016 et en 2019.
Chez les Voltigeurs, Émilie Croteau effectue d’ailleurs ce travail de longue haleine avec Justin Côté, Maveric Lamoureux et Riley Mercer. Les trois joueurs de 18 ans ont subi une intervention chirurgicale nécessitant une longue convalescence. «On y va un jour à la fois, mais ça progresse bien. On a très hâte à leur retour au jeu. Comme j’en suis à ma première année ici, je n’ai encore jamais vu jouer Justin et Maveric. J’ai très hâte de les voir en action dans un match», a exprimé la femme de 29 ans originaire de Saint-Polycarpe.
Un mode de vie spécial
Les deux professionnelles de la santé apprécient particulièrement l’esprit familial qui règne au sein d’une équipe de hockey. À travers le feu roulant des matchs, des entraînements et des voyages en autobus, de forts liens se tissent entre les membres du groupe.
«C’est un mode de vie assez spécial. Ce n’est pas pour tout le monde, souligne Lucie Grandmont. Le fait de travailler toujours avec le même monde et de passer autant de temps avec eux, ça devient littéralement notre deuxième famille.»
Cette dernière se sent choyée de pouvoir établir des liens avec ces jeunes de 16 à 20 ans. «C’est une période assez charnière dans le développement d’une personne. On les aide à se développer tant comme joueurs de hockey qu’en tant qu’êtres humains et citoyens qui vont devoir agir dans la société plus tard.»
Identifiant le dévouement, le désir d’apprendre, la patience, le sens de l’écoute ainsi que l’empathie parmi les principales qualités nécessaires pour exercer ce métier, les deux membres de la Corporation des thérapeutes du sport du Québec soulignent également l’importance du travail d’équipe.
«Il faut que la communication soit fluide entre tout le monde, explique Lucie Grandmont. C’est essentiel. Dans un cas de blessure, on est le lien entre le joueur, les professionnels de la santé, qu’ils soient médecins, orthopédistes ou autres, ainsi que les entraîneurs ou le directeur général. C’est nous qui sommes le point central.»
«On est une grosse machine. Chacun a une petite part à jouer pour que tout fonctionne, ajoute Émilie Croteau. C’est important que tout le monde joue son rôle et qu’on travaille ensemble pour se rendre à l’objectif final, soit le retour au jeu de l’athlète.»
Ayant touché à pratiquement tous les sports pendant ses études, Émilie Croteau estime que la LHJMQ est l’un des milieux les plus valorisants pour exercer ce métier. «C’est un niveau important pour le développement des athlètes et très déterminant pour leur carrière future. On peut utiliser tout l’éventail de nos compétences. En côtoyant les joueurs presque 24 heures par jour et sept jours par semaine, on a vraiment un impact sur leur développement global. On peut toucher à plusieurs facettes. On peut les aider dans leur cheminement, tant comme athlètes que comme individus.»
De son côté, Lucie Grandmont s’implique également chez Hockey Canada. L’été dernier, elle a d’ailleurs fait partie de l’équipe canadienne des moins de 18 ans championne du tournoi de la coupe Hlinka-Gretzky disputé à Red Deer, en Alberta. «Éventuellement, j’aimerais participer à un championnat mondial junior. Pour moi, ce serait la consécration de ma carrière dans le hockey.»
Aujourd’hui, les femmes œuvrant dans ce milieu peuvent se permettre de rêver aux rangs professionnels. La saison dernière, Aisha Visram est d’ailleurs devenue la deuxième femme à travailler comme thérapeute du sport dans la LNH lors d’un match des Kings de Los Angeles. Entre 2002 et 2006, Jodi van Rees avait été une véritable pionnière chez les Canadiens de Montréal.
«Quand j’ai commencé dans le métier, je ne voyais pas vraiment l’opportunité de monter. Aujourd’hui, je constate qu’il y aurait des chances», conclut la Drummondvilloise.