JUSTICE. Prenant forme un peu plus chaque jour au palais de justice de Drummondville, le nouveau tribunal spécialisé en violence conjugale et en violence sexuelle sera doté, dès le mois de novembre, d’un nouveau service à quatre pattes. Un chien Mira sera sur place pour accompagner les victimes durant l’ensemble de leur processus judiciaire.
Venant tout juste d’être nommée coordonnatrice de la mise en oeuvre de ce nouveau tribunal pour l’ensemble de la province, Sophie Bergeron qui dirige, du moins jusqu’à ce que sa successeuse soit nommée au Centre d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC) de Drummondville, entend redoubler d’effort pour que les femmes qui ont vécu soit de la violence sexuelle ou conjugale, soient prises en charge et respectées. Cette criminologue de formation travaille auprès des victimes de la région depuis 19 ans.
«C’est un très beau défi, un mandat de taille, car tout le monde doit travailler ensemble : les juges, les policiers, les avocats et les ressources sur le terrain», a-t-elle exprimé lors d’un entretien organisé au centre-ville de Drummondville vendredi matin. Cinq palais de justice sont à implanter ce tribunal spécialisé dans le cadre d’un projet pilote, lequel s’étendra ultimement à tout le Québec, sous le regard avisé de Mme Bergeron. «J’étais rendue là, je crois dans ma carrière», a lancé la femme de 46 ans, qui risque de parcourir des centaines de kilomètres au cours des prochaines années.
Si la tâche s’annonce colossale, elle s’annonce aussi pleine de surprises. Il y a quelques semaines, celle-ci a appris que des chiens Mira ont été inclus au projet pilote, question d’apporter davantage de soutien aux victimes. C’est d’ailleurs la première fois que l’organisme reconnu à travers la province élèvera des chiens précisément pour la fonction de l’intervention sociale.
«Tout le monde est très fier de ce projet. On a travaillé fort pour dresser le profil des intervenants puis des victimes pour préparer les cinq chiens qui seront postés dans autant de palais de justice», a-t-elle indiqué. À Drummondville, une intervenante du CAVAC va le prendre en charge. Les chiens d’accompagnement sont très différents de ceux qui travaillent auprès des personnes vivant avec un handicap visuel. Leur principale tâche : se faire flatter et se faire coller. «Ce sont de vraies patates! Quand ils vont arriver dans un palais, la seule personne qui aura le droit de toucher à l’animal sera la victime. De cette manière, le chien saura quelle sera la personne à veiller pour la journée et ça permettra à la victime de se sentir unique et importante», a expliqué Sophie Bergeron, qui a bien hâte de connaître la race de son prochain coéquipier.
Celle-ci s’attend à ce que ce nouveau service ait un effet bénéfique majeur sur les victimes féminines. «On a rencontré une dame récemment, victime de violence conjugale, qui a eu le privilège de témoigner devant le tribunal avec un chien. Elle a raconté qu’elle se sentait beaucoup moins nerveuse. Elle ne se sentait pas seule. C’est curieux à dire, car il s’agit d’un animal, mais ça vient humaniser le système de justice, qui est très froid à la base», a exprimé la Drummondvilloise.
Au tribunal, le chien sera positionné sur une petite plateforme, afin qu’il soit à la même hauteur que la victime… et accessible à se faire toucher.
Selon Mme Bergeron, l’arrivée prochaine de la boule de poils sourit à l’ensemble des intervenants, que ce soit les procureurs, les intervenants sociaux, le conseil d’administration du CAVAC de même que la direction du palais de justice.
Par extension, le chien Mira viendra aussi soutenir le personnel qui œuvre au CAVAC dont les locaux sont situés sur la rue Marchand. Confrontés quotidiennement à des situations difficiles – et à une augmentation des demandes d’aides –, les intervenantes auront la chance de travailler leurs dossiers en sa compagnie. «Le chien va être avec nous. On nous a dit qu’il aura un effet positif sur celles-ci aussi. Je ne peux que le croire», s’est réjouit la directrice.
Défi d’organisation
Par ailleurs, soulignons qu’à ce jour, deux intervenantes sociales judiciaires de liaison ont été nommées et travaillent déjà au palais de justice, pour ce tribunal. «Présentement, le défi qu’on a est dans l’organisation de la cour. On a déjà des journées spécifiques dans le calendrier judiciaire où on fait de la gestion de dossiers de violence sexuelle et de violence conjugale. Ce qu’il reste à faire touche essentiellement l’organisation du travail de nos intervenantes puis la trajectoire des actions, de la première rencontre où on évalue les risques de la victime à l’enclenchement du processus judiciaire», a précisé Mme Bergeron, en insistant sur le fait que le Québec constitue la première juridiction dans le monde à déployer un tel tribunal spécialisé. Dans les faits, ce projet constitue une recommandation phare du rapport Rebâtir la confiance, déposé en décembre 2020 par le Comité d’experts sur l’accompagnement des victimes d’agressions sexuelles et de violence conjugale.
Selon Mme Bergeron, le tribunal devrait prendre son erre d’aller au cours de l’automne 2022 à Drummondville.