SOCIÉTÉ. Dans un contexte de vieillissement de la population, où plusieurs générations doivent cohabiter, un groupe de citoyens du Centre-du-Québec a décidé de s’attarder à l’intergénération avec une mission en tête : améliorer les conditions de vie des aînés.
Composé de dix personnes d’âges variés, ce groupe a été mis sur pied à l’automne 2020, comme quatre autres dans autant de régions au Québec, à savoir la Capitale-Nationale, Lanaudière, Montréal, et la Montérégie. Aussi appelés les interforums, ces groupes découlent du Mouvement Habitats initié par le comédien et chercheur François Grisé. Après une immersion d’un mois en résidence pour personnes âgées en juillet 2014 et la présentation de la pièce de théâtre Tout inclus inspirée de son séjour, François Grisé a lancé ce mouvement citoyen dans le but de provoquer la réflexion face aux enjeux et réalités du vieillissement et pour lesquels il faut développer des solutions.
«À la fin des représentations de la pièce, souvent les gens m’ont posé la question : « Est-ce qu’il y a d’autres alternatives aux résidences? ». Quand on y pense, c’est étrange de mettre juste des vieux ensemble, pourquoi on en a décidé ainsi? Ç’a été frappant pour moi de constater que les gens avaient l’impression de ne pas avoir le choix, à un certain âge, d’aller en résidence alors qu’il est très possible de pouvoir rester chez soi longtemps. Ils se sentent aussi démunis par rapport à tout ça, au vieillissement», explique-t-il.
Il y a quelques semaines, les membres des interforums ont convergé vers Québec afin de participer au premier Forum national Habitats. Ceux-ci ont été invités à discuter autour de la question «Comment voulons-nous habiter notre vieillesse?». Ils ont ainsi échangé autour de trois grandes thématiques : l’habitat intime (le corps, la santé, l’intimité), l’habitat bâti (le logement, l’habitation) et l’habitat social (la communauté, la société, l’environnement), tout en parlant des principaux enjeux du vieillissement identifiés dans leurs régions ainsi que des pistes de solutions envisagées pour améliorer la situation.
Bien que plusieurs enjeux aient été identifiés dans la région, le groupe centricois a opté pour l’intergénération.
«Il y a tellement de préjugés entre les générations. L’idée, c’est de les identifier, de voir ce qu’une génération pense de l’autre et de briser les préjugés, cette espèce de barrière qui existe entre nous et qui nous empêche d’avoir parfois de belles conversations à cause de l’âge», précise la plus jeune participante du groupe de travail, Charlotte Bergeron Boucher.
S’il reste encore des éléments à définir avant de prendre une décision finale, les citoyens engagés ont eu l’idée de produire un balado comme projet porteur de solutions.
«Il n’y a encore rien de vraiment canné, mais on a envie de faire un balado. C’est du moins ce qui est ressorti lors du forum. On imagine voir réunies autour d’une même table des personnes de différentes générations qui parlent sur une thématique précise. Ce serait une belle occasion d’entendre le point de vue de chacune et de se rendre compte certainement que oui, il y a des différences entre les générations, mais sûrement des ressemblances. C’est en ouvrant la discussion qu’on va briser des préjugés, selon nous», soutient celle qui est animatrice de quartier à la Ville de Drummondville et bientôt diplômée d’un DEC en gestion et intervention en loisirs.
«Notre réflexion n’est pas terminée, surtout en raison qu’un balado pourrait potentiellement être une barrière pour les personnes âgées. Par contre, on va prochainement approcher les intervenants en loisirs des résidences du territoire pour voir d’abord l’intérêt puis la possibilité de les encadrer afin qu’ils puissent bien informer les aînés sur les balados, comment on peut les écouter et où. Pour les rendre plus accessibles, les balados pourraient être diffusés dans une salle communautaire, par exemple», poursuit-elle.
De son côté, Lucie Rajotte est enchantée par le Mouvement Habitats, le dynamisme des gens ainsi que par le projet proposé par son groupe de travail.
«Je me suis impliquée dans l’optique qu’il vaut mieux penser notre vieillesse que d’autres la pensent pour nous. Il s’agit d’un mouvement d’inclusion au sein duquel tout le monde peut collaborer. Les aînés, c’est une génération qui a été très résiliente; on ne les voit pas dans la rue manifester et les personnes vulnérables, on n’en parle pas trop. Il est temps qu’ils se fassent entendre et je me permets de croire à un changement. J’ai donc hâte de passer à l’action», exprime celle qui est membre de l’Association québécoise de la défense des droits des personnes retraitées et préretraitées (AQDR) Centre-du-Québec.
L’objectif de M. Grisé est qu’en 2023, les groupes de travail seront présents dans chacune des 17 régions de la province.
«Les groupes actifs sont en train de devenir des créateurs de projets. Je négocie présentement avec une firme d’innovation pour voir comment elle peut soutenir les projets pour qu’ils soient louables, gérables et applicables pour qu’enfin, on puisse avoir des solutions concrètes aux enjeux du vieillissement», conclut-il.