Milieu communautaire : trois mairesses interpellent Québec

Photo de Marilyne Demers
Par Marilyne Demers
Milieu communautaire : trois mairesses interpellent Québec
Julie Bourdon, Évelyne Beaudin et Stéphanie Lacoste dénoncent le sous-financement des organismes communautaires. (Photo : Frédéric Côté)

COMMUNAUTAIRE. À l’approche du dépôt du budget provincial, les mairesses de Drummondville, de Granby et de Sherbrooke unissent leurs voix pour appuyer le milieu communautaire dans ses revendications.

Réunies en conférence de presse mardi à Sherbrooke, Stéphanie Lacoste, Julie Bourdon et Évelyne Beaudin dénoncent le sous-financement des organismes communautaires. Elles demandent à Québec d’accorder «un financement récurrent à la hauteur des besoins».

«C’est une problématique qui dépasse nos frontières, qui dépasse Drummondville, Sherbrooke et Granby. Alors, pourquoi ne pas se regrouper aujourd’hui et lancer le message pour avoir l’impact voulu pour venir en aide à nos groupes communautaires. Combien ça coûterait au gouvernement s’il devait remplacer tous nos services communautaires? Ça coûterait encore plus cher que de bien les financer», indique la mairesse de Drummondville.

La mairesse de Drummondville, aux côtés des mairesses de Sherbrooke et de Granby, interpelle le gouvernement provincial. (Photo: Frédéric Côté)

Stéphanie Lacoste estime que le financement à la mission fait partie de la solution. «Avant de pouvoir penser à faire des projets, il faut stabiliser la base et ça passe par un meilleur financement à la mission. Il est de plus en plus difficile de trouver des directions générales pour diriger nos organismes parce qu’on les paie à des salaires qui avoisinent ceux qu’on paie présentement au Tim Hortons. Par contre, on leur demande d’avoir des études, une expérience concrète pour venir en aide. Pensons à financer à la mission correctement et après, on pourra revenir avec des projets. Pour y arriver, il faut avoir des salaires décents», affirme-t-elle.

La mairesse de Sherbrooke abonde dans le même sens. «Nos organismes ont manqué d’amour depuis trop longtemps. J’ai jasé à plusieurs organismes qui me disaient ne pas avoir réussi à augmenter le salaire de leur personnel depuis presque 10 ans. Dans certains cas, on paie des gens spécialisés avec des diplômes à des salaires de 17-18$/heure. Dans le contexte où tout coûte beaucoup plus cher, les gens ont beau être passionnés de leur métier, ce n’est pas évident de les attirer et de les garder», soutient Évelyne Beaudin.

La mairesse de Granby mentionne pour sa part que les municipalités font leur part pour financer les organismes communautaires, mais que leurs ressources demeurent limitées. «Les besoins sont criants. Personne ne ménage ses efforts pour arriver à faire une différence, mais on n’y arrivera pas seul. Les ressources s’essoufflent et on a besoin de travailler en équipe avec le gouvernement. C’est pourquoi, aujourd’hui, on lui tend la main. Le budget arrive bientôt, c’est le temps d’écouter le milieu communautaire. Le milieu est mobilisé et les villes sont derrière pour venir donner la petite poussée qu’il manque pour l’aider», expose Julie Bourdon.

«On est toujours les oubliés»
Présente à la conférence de presse, la directrice générale de la Corporation de développement communautaire (CDC) Drummond soutient que les organismes communautaires de la région sont à bout de souffle. Elle espère un investissement majeur du gouvernement provincial.

«On est toujours les oubliés dans les nouveaux budgets. Ça fait 12 ans que je suis dans le milieu communautaire et je n’ai jamais vu un investissement massif à la mission. Souvent, on a des enveloppes discrétionnaires, des nouveaux appels de projets qu’on peut déposer, mais c’est de l’argent qui va durer une année, deux ans. Des sommes pour pouvoir stabiliser les équipes de travail, on n’a jamais connu ça», mentionne Amélie Dubreuil.

Amélie Dubreuil, directrice générale de la CDC Drummond. (Photo: Frédéric Côté)

Si des bris de services ont été observés l’automne dernier à Sherbrooke, notamment au Partage Saint-François, aucun n’est survenu sur le territoire de Drummondville. «Il n’y a pas d’organisations qui ont dû fermer leurs portes. Actuellement, c’est tenu à bout de bras. Il y a des directions générales qui sont obligées de retourner faire de l’intervention sur le plancher pour pouvoir maintenir l’ensemble des services. Les équipes de travail sont extrêmement exténuées. La situation est stable, mais l’élastique est assez étiré», soutient la directrice générale de la CDC Drummond.

La mairesse de Drummondville souligne que des employés de la Ville ont prêté main-forte aux organismes communautaires durant la pandémie pour éviter les bris de services. Malgré tout, les impacts se sont fait ressentir dû à la hausse des demandes. «Ç’a été pire parce que c’était nouveau et les besoins dans certains secteurs d’activités ont été grandissants. Il y a des gens qui avaient des emplois stables qui se sont retrouvés sans emploi et qui ont dû se tourner vers le Comptoir alimentaire. On s’est retrouvé avec une nouvelle clientèle. Les problèmes en santé mentale ont aussi explosé», fait savoir Amélie Dubreuil.

Le manque de personnel au sein des organismes communautaires se veut aussi inquiétant. «Au niveau des directions générales et des coordonnateurs, on était toujours capable de trouver. Maintenant, ce n’est pas rare de voir un poste de direction en deuxième ou troisième affichage. C’est un nouveau phénomène. C’est alarmant de se dire que peut-être qu’une organisation va se retrouver sans capitaine pendant plusieurs semaines, plusieurs mois. Pour une équipe de travail en place, ça peut créer de l’anxiété. Il y a aussi tous les employés qui quittent le milieu communautaire pour s’en aller vers le réseau de la santé ou de l’éducation. On n’est pas en mesure de compétitionner pour pouvoir les garder dans nos organisations.»

En plus d’un financement qui répondra aux besoins, les organismes demandent au gouvernement une meilleure reconnaissance de l’expertise du milieu communautaire.


En Mauricie et au Centre-du-Québec, le manque à gagner est de plus de 35 M$ et d’environ 600 personnes manquantes dans les organismes communautaires, selon la Table régionale des organismes communautaires en santé et services sociaux Centre-du-Québec/Mauricie (TROC CQM).

Partager cet article