MAGAZINE. Faisant partie des humoristes chouchous du Québec, Daniel Lemire amorce l’écriture d’un nouveau spectacle, entre le Québec et le Mexique.
Âgé de 66 ans, l’humoriste originaire de Drummondville vit maintenant plusieurs mois par année à Puerto Morelos, une petite ville située entre Playa Del Carmen et Cancún.
«Ça fait une dizaine d’années que ma conjointe et moi y allons. En fait, elle est une spécialiste de la civilisation maya. Elle écrit des romans historiques. Pour elle, évidemment, le Mexique représente son pain et son beurre. Quand je viens ici, je m’organise toujours pour avoir un projet d’écriture. C’est ici d’ailleurs que j’ai écrit mes derniers spectacles. Présentement, ma blonde (la romancière Lucie Dufresne) écrit un nouveau roman; moi, un nouveau show», a exprimé Daniel Lemire qui se trouvait d’ailleurs dans son appartement au sud de la frontière au moment de l’entrevue.
Racontant partir sans jamais avoir de billet de retour dans ses poches, l’humoriste que les Québécois ont découvert par l’entremise de son personnage Oncle George, un clown sarcastique et buveur, ne se met cependant aucune pression quant à la livraison de son nouveau spectacle, d’abord parce que les temps sont incertains; ensuite, parce qu’il est rendu à un âge où il n’a plus rien à prouver.
«Comme je dis souvent, j’en ai plus en arrière qu’en avant, exprime-t-il. Je ne suis pas un jeune qui commence. Je prends ça avec un grain de sel. Mais quand même, j’aimerais bien retourner sur scène. J’anticipe un spectacle solo, mais avec des musiciens sur scène. J’ai déjà travaillé avec quelqu’un à l’époque qui était un excellent guitariste. Il pourrait peut-être me donner la réplique à certaines occasions. Il n’y a rien de couler dans le ciment pour l’instant, mais ça regarde pour ça», avance-t-il, sans donner de précision quant à la date de sortie de ce nouveau spectacle.
Pour ce qui est du contenu, Daniel Lemire entend demeurer fidèle à lui-même et accorder un grand espace à l’actualité. Il envisage aussi de ramener le personnage de Ronie Dubé, qu’il affectionne pour sa bonhomie.
«L’actualité, c’est pas mal mon credo, par contre, elle tourne toujours pas mal autour de la COVID-19 ces temps-ci. J’essaie de ne pas trop aller là-dedans, mais c’est sûr qu’il faut en parler un peu. Il se passe beaucoup de choses politiquement et économiquement. Certaines choses ont changé aussi depuis un an ou deux. C’est rendu qu’il faut mettre des gants blancs. Les gens sont très chatouilleux maintenant», fait-il observer.
Daniel Lemire se dit notamment préoccupé par l’impatience des gens et, surtout, par le déferlement de pensées absurdes qui se retrouvent sur les réseaux sociaux.
Durant le confinement de l’hiver 2020, il a eu l’idée de partager sur la plateforme YouTube des capsules humoristiques appelées «Journal d’un confiné», avec lesquelles il souhaite divertir les gens. S’il a reçu une majorité de commentaires positifs, il a été soufflé par le fiel de certains.
«Je trouve préoccupant de lire des commentaires écrits gratuitement et sans analyse de la situation, indique-t-il. On dirait que les gens ne lisent plus entre les lignes. Ils prennent tout au pied de la lettre. Ça m’arrive de faire des personnages un peu étroits d’esprit et qui émettent des opinions abruties, mais on dirait que les gens ne saisissent plus qu’il s’agit de personnages, d’humour. J’ai débarqué des réseaux sociaux parce que je trouvais que ça devenait absurde. Il y a tellement de commentaires désobligeants écrits par des pseudonymes. On dirait que le savoir-vivre n’existe plus. Ça arrive que des gens aient des opinions contraires. Pas nécessaire de vouloir les pendre à un lampadaire et souhaiter leur mort.»
Pour ceux [la majorité] qui aiment toujours rire le cœur léger, Daniel Lemire entend diffuser de nouvelles capsules Journal d’un confiné qui mettent en lumière ses personnages hilarants comme Yvon Travailler, Ronnie Dubé et Edmond Ratté.
En décembre dernier, une nouvelle capsule a été partagée. Le sujet : l’économie. Durant quelques minutes, l’humoriste feint de discuter au téléphone avec un agent fédéral : «Je viens d’avoir 65 ans et mon premier chèque de pension a rebondi…»
Drummondville
C’est à Drummondville, précisément sur la rue Melançon tout près de la voie ferrée, que Daniel Lemire a grandi.
«Tout jeune, j’étais déjà à côté de la track, lance-t-il dans un éclat de rire bien senti. À l’époque, il y avait énormément de trains de marchandises et ils ne ralentissaient pas nécessairement quand ils passaient en ville. C’était assez bruyant merci.»
Il a fréquenté les écoles primaires Pie X, Saint-Louis-de-Gonzague puis les écoles secondaires Jean-Raimbault, Marie-Rivier et Saint-Frédéric.
L’amour de la scène, il l’a trouvé au Centre culturel de Drummondville, appelé maintenant Maison des arts, qui a toujours encouragé «les jeunes talents». C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il a accepté de présider, en 2008, la campagne de financement organisée pour sa réfection.
«Quand on m’avait demandé de présider la campagne, ça m’a fait plaisir, d’autant plus que ça m’a permis de revoir des gens. C’était comme un retour aux sources. Le Centre culturel avait vraiment besoin d’un coup de varlope. J’ai vu dans cette salle des shows incroyables. Je pense à Léo Ferré seul avec son pianiste. C’était quelque chose. L’Osstidcho devait aussi être présenté à Drummondville, mais ç’a été annulé à cause d’une alerte à la bombe», rigole l’humoriste, en partageant ses souvenirs.
L’automne dernier, il a aussi épaulé la Fondation Sainte-Croix/ Heriot pour la campagne qu’elle a menée pour le département de gériatrie de l’hôpital Sainte-Croix.
«J’ai accepté avec joie d’être le porte-parole. Ce sont des gens qui travaillent très fort. On voit ce qui se passe avec le réseau de la santé. C’est important d’apporter son grain de sel», indique-t-il.
Une «vie bien tranquille»
Entre les implications sociales, l’écriture et le tournage de capsules humoristiques, Daniel Lemire confie mener une «vie bien tranquille» avec sa conjointe, qu’il se trouve au Québec ou sous le soleil mexicain.
«Quand on se lève le matin, on va à la plage. On fait nos exercices d’assouplissement puis on court un peu. Ensuite, on va nager de 30 à 45 minutes. C’est pas mal notre routine. Ensuite, on écrit», détaille-t-il.
S’il exprime investir beaucoup de temps à trouver l’angle parfait pour ses gags, il confie aussi avoir recours à un ami pour «tester» l’efficacité de son écriture.
«Je travaille beaucoup avec Denis Bouchard. J’écris un premier jet d’un numéro. Je lui envoie et on en jase. Quand je suis devant le public, c’est une autre affaire. J’ai déjà fait des numéros dont j’étais excessivement fier, mais je me suis planté royalement au final. Il y avait juste moi qui se trouvait drôle! Peu importe le sujet, l’important, c’est de trouver un angle qui est intéressant. Pour un humoriste, c’est là où est le travail», conclut-il.