SANTÉ. Le manque de pharmaciens d’établissement continue d’affecter lourdement la Mauricie et le Centre-du-Québec. Au 1er avril 2021, 28 postes étaient vacants dans la région, comparativement à 18 l’année précédente.
C’est ce que révèle la dernière enquête annuelle menée par l’Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec (APES). Les établissements de la région comptent cent postes de pharmaciens. C’est donc dire que le taux de pénurie s’élève à 28 %; en 2020, il se situait à 19 %.
À l’échelle du Québec, environ un poste de pharmacien d’établissement sur cinq (18 %) était non pourvu. Toujours au 1er avril 2021, l’enquête a révélé que 280 postes en équivalent temps complet (ETC) étaient non comblés et que 6238 jours de dépannage ont été requis du 1er avril 2020 au 31 mars 2021. Le recours au dépannage a donc augmenté de 735 jours comparativement à la situation au 1er avril 2020. De plus, le manque de pharmaciens d’établissements continue de se faire sentir dans toutes les régions du Québec. Cette pénurie perdure maintenant depuis 20 ans.
Des répercussions sur la couverture de soins
L’insuffisance de pharmaciens est d’autant plus préoccupante du fait qu’elle affecte l’ensemble de la couverture de soins pharmaceutiques du réseau de la santé. En effet, selon des données internes de l’APES, de nombreux CHSLD n’ont pas de pharmaciens pour prendre en charge la pharmacothérapie des patients et la situation est tout aussi problématique pour les soins de courte durée. Par exemple, au Québec, seulement 27 % des besoins de soins pharmaceutiques des patients sont couverts en santé mentale (clientèle hospitalisée), alors qu’ils sont couverts à 42 % dans les urgences et à 26 % pour les patients atteints de maladies rénales, dont ceux en dialyse (clientèle des cliniques ambulatoires).
«Tout en visant à combler les besoins actuels, il faut aussi voir venir à moyen terme et considérer ceux que génèrent le vieillissement de la population, la multiplication des maladies chroniques et la construction de nouvelles infrastructures en santé, comme les maisons des aînés et alternatives ainsi que les nouveaux hôpitaux. Car on devra inévitablement créer des postes dans tous ces milieux pour répondre aux besoins croissants», fait valoir Linda Vaillant, pharmacienne et directrice générale de l’APES.
Solutions
Certes, le renouvellement de l’entente de travail, entérinée par les membres de l’APES le 20 janvier 2022, constitue une avancée pour lutter contre la pénurie de pharmaciens d’établissements. Toutefois, la situation est encore loin d’être résolue et pour parvenir à des solutions durables, l’Association souhaite travailler de concert avec le gouvernement du Québec.
«La nouvelle entente de travail contribuera certainement à soutenir les efforts d’attraction et de rétention de pharmaciens en établissement. On doit cependant s’assurer en tout temps de demeurer compétitif avec les pharmacies privées sur le plan du salaire offert aux pharmaciens salariés. Autrement, le réseau de la santé et des services sociaux perdra des candidats», avertit le président de l’APES, le pharmacien François Paradis. «Si l’on veut parvenir à des solutions complètes et durables, le gouvernement devra aussi poser des gestes concrets pour valoriser la profession et encourager la réalisation de la maîtrise en pharmacothérapie avancée. C’est primordial pour doter les établissements de santé de pharmaciens adéquatement formés dans tous les secteurs de soins où leur expertise est nécessaire. Il y a urgence d’agir», poursuit-il.
Plus précisément, l’APES demande au gouvernement d’augmenter les admissions à la maîtrise, qui est nécessaire pour exercer en milieux de soins aigus, ainsi que le nombre de bourses. Elle lui demande également de travailler de concert avec les facultés de pharmacie afin de rendre le programme de maîtrise plus accessible aux étudiants, notamment en leur permettant de suivre le bloc de cours à distance. En offrant plus de flexibilité, une telle mesure faciliterait la formation de nouveaux pharmaciens, particulièrement en région.
«Ces actions, jumelées à la mise en place d’une campagne pour promouvoir la profession de pharmacien d’établissement de santé, contribueraient sans aucun doute à accroitre l’attractivité de la profession. C’est ainsi que nous en viendrons à résorber la pénurie de longue date et que nous pourrons répondre aux besoins de la population. C’est pourquoi l’APES offre sa pleine collaboration au gouvernement pour mettre en place ces mesures», conclut Linda Vaillant.