SOCIÉTÉ. L’itinérance est en hausse à Drummondville. Pour permettre à davantage de personnes en situation d’itinérance de s’abriter du froid et des intempéries, l’Ensoleilvent s’est doté d’une halte-chaleur.
Tout juste derrière le refuge de la rue Brock, un gazebo est aménagé. Ce n’est que depuis Noël que l’abri est chauffé. C’est ce que l’organisme, qui offre un hébergement en urgence sociale et itinérance, appelle son «îlot de chaleur».
Lundi, il faisait un froid glacial. Le mercure est descendu sous la barre des -20 °C. Mais à l’intérieur du gazebo, la température avoisinait les 15 °C. Quelques personnes s’y réchauffaient. Certaines y ont même passé la nuit.
Presque tous les jours, la maison d’hébergement de dépannage déborde; les lits sont tous occupés. L’unité de débordement de 10 places, créée en 2020, est à sa pleine capacité. Le refuge Robert-Lafrenière, qui a vu son nombre de lits passer de 9 à 5 en raison des mesures sanitaires, aussi.
«Avec l’îlot de chaleur, on offre aux personnes qui n’ont nulle part où aller une place au chaud, un endroit où passer la nuit. Un intervenant est présent de 23h à 7h. Il fournit des sacs de couchage et jase avec les gens. Il amène du café et du bouillon de poulet», indique François Gosselin, coordonnateur clinique à l’Ensoleilvent, qui invite du même souffle la population à faire des dons monétaires pour les aider à regarnir leurs inventaires.
«L’îlot de chaleur est toujours accessible, alors que l’unité de débordement est fermée le jour. Ça prenait quelque chose à l’extérieur pour offrir un endroit sécuritaire. Surtout qu’en ce moment, avec les mesures sanitaires, tout est fermé», ajoute-t-il.
À l’Ensoleilvent, la durée du séjour varie en fonction des besoins de la personne hébergée et de son cheminement. Quelques jours, quelques semaines, voire quelques mois, peuvent être nécessaires.
«Je pourrais avoir un loyer à l’extérieur, mais j’aime mieux être ici. Je suis là pour reprendre ma vie en main, le faire pour tout le monde, mais surtout pour moi. Je crois en moi. Ici, on est une grande famille, on accepte tout le monde. On n’a pas de jugement», commente Frédéric, venu se réchauffer à l’îlot de chaleur.
Itinérance visible
Depuis deux ans, l’organisme d’hébergement pour les personnes en difficulté constate une hausse du nombre d’itinérants à Drummondville. En 2021, près de 600 personnes ont été hébergées. «En temps normal, on en accueille entre 300 et 400 par année. La situation est inquiétante», affirme François Gosselin, précisant que la majorité d’entre elles proviennent de Drummondville et des environs.
«L’itinérance est de plus en plus visible sur le territoire. Avant, on ne la voyait pas nécessairement. Maintenant, on voit plus d’actions liées à l’itinérance, comme des gens qui quêtent à des coins de rue», poursuit-il.
La pandémie et la crise du logement ont notamment contribué à accentuer le phénomène, selon M. Gosselin. «Le visage de l’itinérance a un peu changé. Dès la première vague en 2020, il y a eu une augmentation significative de personnes qui se sont retrouvées en situation d’itinérance. Il y a celles qu’on connaissait déjà, mais il y a aussi des personnes qu’on ne recevait pas en temps normal. Elles vivent des ruptures amoureuses, des pertes d’emploi, des pertes de revenus», énumère-t-il.
Les cas de santé mentale sont aussi en augmentation. Sans parler des problèmes de toxicomanie qui persistent.
«L’itinérance, ce n’est pas le problème. L’itinérance, c’est le résultat à d’autres problèmes. Il faut les comprendre pour être capable de l’enrayer», soutient François Gosselin.
Logement permanent
Pour aider les personnes sans domicile fixe à jeter les bases vers un logement permanent, l’Ensoleilvent a joint le programme Clinique logement.
«On a développé de nouveaux outils avec le CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec. On s’est associé avec des propriétaires de logements sur le territoire. On fait une avance des trois premiers mois de loyer. C’est un engagement, on ne donne pas des mois de loyer. C’est une sécurité financière pour le propriétaire. Ce prébail nous a permis de placer une vingtaine de personnes durant la dernière année et même d’en maintenir en logements», indique le coordonnateur clinique.
Cette initiative doit ainsi permettre de diminuer le recours à l’hébergement d’urgence. «Le logement, c’est la base. Notre mission première, c’est d’héberger les personnes dans le besoin et de leur donner un endroit sécuritaire. Après, c’est de les placer vers un logement, mais surtout, qu’elles y restent. C’est le nerf de la guerre», soutient François Gosselin.
Par ailleurs, ce dernier indique que la concertation entre les membres de la Table des partenaires en itinérance a fortement contribué à la réalisation des nouvelles offres de services à Drummondville. «On peut juste se féliciter de ce travail d’équipe qui donne déjà de bons résultats. C’est un consortium de services. Ce n’est pas seulement l’Ensoleilvent qui peut tout faire. Chacun offre un service spécifique, qui ensemble, amène la personne à avoir toutes les ressources nécessaires pour la ramener vers quelque chose de plus stable. La structure existe et fonctionne bien, quand la personne le veut évidemment», souligne-t-il.
L’organisme planche sur d’autres projets. D’ici les prochaines semaines, un logement pour personnes semi-autonomes ouvrira ses portes sur la rue Brock. «Ça va permettre d’aider quatre personnes par année qui sont dans des situations d’itinérance chronique», précise M. Gosselin.
Le projet de 23 unités dans le secteur Saint-Charles, destiné pour une clientèle issue de l’itinérance, suit également son cours.
(Avec la collaboration de Ghyslain Bergeron)
En chiffres
- Près de 600 personnes ont cogné à la porte de l’Ensoleilvent en 2021.
- Les hommes représentent 80 % des bénéficiaires; les femmes 20 %.
- La moyenne d’âge des personnes qui fréquentent l’organisme se situe entre 30 et 45 ans. Toutefois, les personnes de 65 ans et plus sont plus nombreuses qu’avant.
- Le service est offert 24 heures par jour, 7 jours par semaine.