MAGAZINE. Le «grenier» du Village québécois d’antan a tout d’une caverne d’Ali Baba. Il renferme de véritables trésors. Des objets témoins du passé. Et Claude Tessier est le gardien de ce temple.
Les tablettes sont garnies, les boîtes sont remplies. Des vêtements, des livres, des horloges, de la vaisselle, des jouets, des statuettes et bien des objets qui ont quitté les maisons depuis belle lurette. La liste est longue.
Claude Tessier se déplace dans la pièce, où l’ambiance est presque suspendue dans le temps. Dans ce qu’il appelle son «fouillis», il sait exactement où chaque antiquité est rangée.
«Il y a des objets ici, mais il y en a aussi partout dans le village, dans les maisons. On en a des milliers et des milliers, s’enthousiasme l’historien et directeur de l’authenticité du Village québécois d’antan. La grande majorité, ce sont des dons. J’ai des téléphones ou des courriels tous les jours, et parfois même deux ou trois par jour.»
Si bien, qu’il se doit parfois même d’en refuser. «Si j’avais accepté tous les pianos qu’on m’a offerts, je me serais parti un magasin», lance à la blague Claude Tessier.
À travers les coups de fil, les échanges et les photos reçues, l’historien de formation déniche des perles rares. Ces objets anciens acquis permettent non seulement de faire vivre le Village, mais aussi de sauvegarder le patrimoine collectif.
Ces «trésors», Claude Tessier les répertorie, les authentifie, les archive. Il effectue du travail de recherche, prépare les collections et les expositions. Il s’assure que la trame historique est respectée, tant pour l’habillement et l’animation des personnages que les bâtiments. Aucun détail n’est laissé au hasard. «Je fais le choix des objets selon ce qu’on a, leur qualité et ce que je pense qui doit être conservé», indique-t-il.
Depuis les débuts
Claude Tessier fait pratiquement partie des meubles du Village québécois d’antan. Il y était au tout début, il y a près de 45 ans. Pour lui, le site, qui compte 70 bâtiments représentant le Québec des années 1810-1930, n’a pas de secret.
«C’est moi qui ai meublé les maisons. J’ai même travaillé à les placer sur le terrain, comme on le faisait à l’époque. On les a enlignées à l’œil avec des piquettes, se souvient-il. J’ai travaillé jusqu’en 1983 au Village et après, j’ai enseigné l’histoire pendant près de 30 ans. Mais, je revenais toujours parce que je connaissais le Village par cœur. En 2010, on m’a appelé pour me dire qu’il n’y avait plus d’historien depuis plusieurs années, donc je suis revenu. Ça va faire bientôt 12 ans que je suis à temps partiel… et demi!»
Si M. Tessier s’est toujours impliqué, de près ou de loin, c’est parce qu’il croit fortement en la mission de l’organisme créé en 1977 par l’historien Claude Verrier. «Il a parfois fallu que je me batte parce qu’il y a eu des visions plus axées sur le divertissement, laissant davantage de côté l’aspect historique, authenticité. Je me suis souvent chicané. D’ailleurs, ça me surprend que je sois encore là», lance-t-il, farceur.
Et bien qu’il ait toujours le feu sacré, Claude Tessier ne cache pas qu’il songe à la retraite. «Je pense que je ne partirai jamais d’ici parce que c’est une passion, mais ce n’est pas nécessaire que je travaille toujours ici, mentionne le sympathique historien. Je pourrais devenir seulement consultant pour le Village. D’ailleurs, j’ai bon espoir qu’il y ait de la relève.»
Faire revivre des objets qui sommeillent
Dans son désordre ordonné, Claude Tessier a ciblé des artéfacts qui n’ont pas encore trouvé place dans les maisons. Dès la saison estivale, ils seront exposés dans le bâtiment abritant l’accueil du Village québécois d’antan. «Je prépare une exposition sur le mode de vie. La place muséale sera permanente, mais ce qui sera présenté changera selon les saisons. Je veux que les visiteurs aient une idée dès le départ de ce qu’il y a au Village parce que tu n’as jamais le temps de tout voir», mentionne-t-il.
Des boîtes en carton, bien identifiées, sont soigneusement placées sur une grande table. Chapeaux, mitaines, semoir se trouvent notamment à l’intérieur. «Je travaille en collaboration avec des étudiants de troisième année en Techniques en muséologie au Collège Montmorency. Ils vont préparer l’exposition avec du matériel qu’ils ont eux-mêmes déjà commencé à réparer, à restaurer. Ce sont ces objets que l’on retrouve dans les boîtes», explique l’enseignant à la retraite.
Parmi les antiquités qui se doivent d’être partagées avec le grand public, Claude Tessier a choisi une statuette du Petit Jésus de Prague. «Pour moi, c’est une pièce de collection. Il a été donné par la Congrégation des Sœurs de Sainte-Anne à Lachine», raconte-t-il, les yeux brillants.
«Une des sœurs est venue visiter le Village. À l’église, elle a vu qu’il manquait une main à notre Sacré-Cœur. Elle en a informé la directrice à son retour, qui nous appelés pour nous offrir le leur. Comme le musée fermait ses portes, elle a demandé si on était intéressé à acquérir d’autres pièces. Finalement, ils ont donné 122 objets. Je me suis aperçu qu’il y avait des trésors, comme le Petit Jésus de Prague, poursuit-il. Les sœurs ont aussi donné une sculpture de Jeanne D’Arc dans du marbre d’Italie. C’est une pièce de collection. Ça va faire partie de l’exposition.»
Une mandoline fait partie des donations qui seront exposées. «Elle a pas mal de vécu, au moins une centaine d’années. Ça provient d’un donateur de Drummondville, William III Borntraeger», précise l’historien.
Le directeur de l’authenticité du Village a aussi arrêté son choix sur un landeau. «On l’a eu d’un monsieur qui a été élevé à Westmount, d’une famille fortunée. Quand la dame m’a envoyé une photo, je me suis dit que je ne pouvais pas passer à côté de ça. C’est vraiment une pièce unique», souligne Claude Tessier.
Pour compléter l’exposition, ce dernier a l’embarras du choix. Reste à découvrir, d’ici quelques mois, quels autres objets ayant forgé l’histoire il aura choisi de faire redonner vie. «J’ai la chance de prendre des objets, de pouvoir les conserver et que d’autres personnes puissent les admirer. C’est moi qui a le plus beau travail au Village!»