ÉDUCATION. Ne trouvant pas sur le marché de matériel incluant tous les principes pédagogiques qu’elles prônaient, quatre orthophonistes du Centre de services scolaire des Chênes se sont lancées, en 2019, dans un projet colossal qui ne cesse d’évoluer depuis, si bien qu’elles sont devenues au fil du temps des références provinciales.
Lyne Beauchemin, Mélissa Girardin, Karine Messier et Julie St-Onge accompagnent les enseignants du premier cycle du primaire, d’intégration linguistique et d’adaptation scolaire sur tout le territoire de la MRC de Drummond. Malgré la bonne volonté de tous, il devenait de plus en plus difficile pour les professeurs d’appliquer les principes pédagogiques suggérés par les spécialistes.
«Le commentaire qui revenait souvent, c’est que les enseignants nous disaient qu’ils essayaient de mettre en application ce qu’on leur disait avec des documents spécifiques, mais ils n’y parvenaient pas», se rappelle Karine Messier.
Un jour, les orthophonistes ont mis la main sur un article scientifique dans lequel on y exposait la séquence d’apprentissage des lettres et groupes lettres. Ce document est rapidement devenu la base de leur projet.
«Ç’a été l’élément déclencheur qui nous a insufflé l’énergie pour amorcer notre projet. Car à ce moment-là, j’avais dit à la blague aux filles : « On fait notre propre document ». Cette folle idée est devenue réalité. Je dis « folle », car on savait que c’était un énorme projet», raconte Mme Messier.
Après un nombre incalculable d’heures, certaines faites dans le cadre de leur travail, mais plusieurs effectuées sur leur temps personnel, les orthophonistes ont réussi à mettre sur papier leur propre outil pédagogique : Graphone. Précisément, il s’agit d’un matériel soutenant l’enseignement de la lecture auprès des lecteurs débutants ou en difficulté.
«On a travaillé très fort pendant des mois. C’était épuisant, mais très nourrissant. Une fois terminé, nous avons testé le matériel avec des classes d’intégration linguistiques et de francisation, principalement, et quelques classes régulières. La réponse a été tellement bonne qu’on a décidé de le publier à grande échelle, et ce, gratuitement», indique-t-elle.
Depuis juin 2019, Graphone est utilisé dans plusieurs centres de services scolaires et même, en Ontario et au Nouveau-Brunswick.
«C’est là qu’on se rend compte qu’on était pas seul à vouloir du matériel de la sorte, des outils qui se basent sur le cognitivisme, le courant sur lequel on s’est basé pour bâtir Graphone», souligne Mme Messier, honorée.
Le premier document rendu public était le cahier de l’élève en juin 2019. Il a été réédité en juin 2020. Depuis, les orthophonistes ne cessent de produire de nouveaux documents, dont un guide pédagogique (une deuxième édition avec des bonifications est prévue pour la fin de l’été 2022) et deux cahiers d’activités.
«En juin 2021, nous avons diffusé des listes de mots d’orthographe selon des régularités orthographiques qui respectaient la progression en lecture utilisée dans Graphone. Et plus récemment, nous avons diffusé le système d’émulation Le train de la lecture et une capsule vidéo à l’intention des parents pour modéliser ce qu’ils peuvent faire pour soutenir la lecture de leur enfant lorsque ce dernier lit le cahier de l’élève», énumère Mme Messier.
Le travail des quatre collègues ne s’arrête pas là. Elles ont encore la tête remplie de projets.
«Nous allons faire une troisième édition du cahier de l’élève. Nous recevons plusieurs bonnes suggestions et de compléments d’information, c’est intéressant. Et d’autres documents s’en viennent aussi», fait-elle savoir.
L’Association québécoise des orthophonistes et audiologistes et l’Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec (OOAQ) ont récemment souligné le travail des quatre orthophonistes.