MAGAZINE. L’atelier de Robert Roy déborde de surprises, tout comme l’artiste qui y travaille. De Baie-Comeau jusqu’à Vancouver, chacune de ses créations a une histoire à raconter. Incursion dans l’univers d’un expressionniste qui affiche fièrement ses couleurs.
Un petit trésor se cache à Sainte-Perpétue, à quelques kilomètres de Drummondville. Il y a une trentaine d’années, Robert Roy y a construit un atelier à son image. Des tableaux, il y en a partout. De haut en bas, de gauche à droite : l’immersion est complète. Ce dernier en a fait son espace créatif, à même son village natal.
Né d’une famille d’entrepreneurs, Robert Roy n’était pas voué à devenir un artiste peintre. Dès son jeune âge, il prêtait main-forte à son père qui était le propriétaire du magasin général, situé au cœur de la municipalité. Épicerie, quincaillerie, meunerie et salon funéraire : tout y était.
«C’est l’un des rares magasins généraux qui est encore en fonction. Il est situé à quelques rues d’ici. Ça appartenait mon arrière-arrière-grand-père. Ça fait 155 ans que c’est dans la famille», affirme-t-il, avec fierté.
Lors de sa jeunesse, il y travaillait quelques heures par semaine. Dans ses temps libres, le garçon se plaisait à pratiquer toutes sortes d’activités. «Mon père nous donnait une certaine liberté. Ça m’a permis de développer plusieurs intérêts.» Les meilleurs souvenirs de Robert Roy sont sur la patinoire, de la préparation de la glace jusqu’aux parties amicales qui se terminaient au petit matin.
En parallèle, le dessin l’a toujours émerveillé. «Mon oncle faisait des dessins. Un dimanche, il m’en avait donné un. C’est impressionnant quand quelqu’un maîtrise la technique. Ça m’a beaucoup marqué. J’avais sept ans», se remémore-t-il.
À l’âge de la majorité, Robert Roy a eu un réel déclic en visitant l’atelier de Rodolphe Duguay, un peintre-graveur reconnu à travers le Canada, établi à Nicolet. Cet environnement de travail l’a fait vibrer, tout comme les tableaux qui y étaient accrochés. En son for intérieur, il savait que ce métier était fait pour lui.
Plusieurs prises de conscience l’ont assailli. «J’ai commencé à comprendre que quand tu es en contact avec un tableau original, c’est complètement différent d’une reproduction. Un tableau original, il y a de l’énergie qui y entre. Il a été capté par l’artiste.»
«Si tu vas dans un musée et que tu regardes une peinture pendant dix minutes, tu vas savoir dans quel état était l’artiste qui l’a créé. Il y a quelque chose dans le geste qui se transmet dans le tableau. Quand tu vis avec, tu vas ressentir cette énergie», poursuit-il, avec passion.
Nouveaux horizons
Son baluchon sur l’épaule, le jeune homme a sauté dans l’avion pour partir à la découverte du monde. «J’ai fait tourner le globe et j’ai mis mon doigt dessus. Je suis tombé sur l’Australie. J’ai réalisé 30 tableaux là-bas. J’envoyais les peintures ici, en rouleaux, au fur et à mesure», raconte-t-il. Honolulu et les îles Fidji ont également fait partie de ses destinations.
De retour au Québec, il avait des idées plein la tête. «C’est là que j’ai compris que je faisais la bonne chose. Sans ces voyages, je ne serais pas le même aujourd’hui.»
Au courant de sa carrière, l’artiste a fait plusieurs escapades. Ses toiles d’hier à aujourd’hui en sont la preuve. «J’ai été sept fois en Europe. En Bretagne, j’ai fait 14 tableaux. Quand je me promenais, je faisais des dessins dans mon cahier. Il y en avait 45. J’ai décidé d’en faire un catalogue. Ça sert aux gens qui veulent visiter ce coin-là.»
Les paysages de Vancouver ont aussi été une source d’inspiration pour Robert Roy – comme en témoignage une toile grand format accrochée sur les murs de son atelier – dépeignant les imposantes montagnes de Banff.
Partout où il va, l’artiste a un calepin à la main. «Le fusain, c’est la poésie de l’artiste. C’est la base. C’est ce que tu jettes en premier.»
Ce dernier a entrepris une formation en dessin à l’Université du Québec à Trois-Rivières. Robert Roy a su développer son style. «J’ai été à l’université pendant trois ans. Je n’ai jamais vu mon professeur dessiner une fois. Il aurait fallu que j’aille en Europe pour apprendre. Personne ne m’a appris à dessiner. C’est peut-être la meilleure affaire qui m’est arrivée dans ma vie. Ça m’a permis de développer le dessin naturellement.»
Moment présent
L’atelier de Robert Roy sert aussi de galerie pour exposer son travail. Que ce soit des joueurs de hockey sur la patinoire, des passants sur les berges de Lévis ou un jeune garçon qui gravit les marches d’un autobus scolaire, toutes les toiles affichées illustrent des situations différentes.
Malgré ces contrastes, les œuvres ont des points de similitudes entre elles, soit la netteté des couleurs et la liberté de mouvement des personnages. En tant qu’artiste expressionniste, Robert Roy est prêt à tout pour capturer l’instant présent.
«Je me lève le matin et je me mets dans un état de création. Je prépare mon matériel. Quand je pars, je ne sais pas où je vais aller. Je ne sais pas quand je vais m’arrêter. Dès qu’il y a quelque chose qui m’interpelle, c’est le moment ou jamais de créer.»
Dès que le pinceau touche à la toile, le signal de départ est donné. L’artiste se dévoue à sa création, en immortalisant la scène dans le moindre détail. Pas question de faire des retouches à la maison. Tout doit se faire dans le vif de l’action.
La spontanéité est importante dans son processus de création. Quand il a un coup de cœur, rien ne peut l’arrêter. «J’ai été déjeuner dans un restaurant. On voyait le port avec les bateaux à Baie-Comeau. J’ai demandé au patron si je pouvais m’installer. Il a accepté et je me suis mis sur le coin du perron», se rappelle-t-il, en riant.
À ses yeux, l’essentiel est d’être sur le terrain. «Ça faisait 14 ans que je n’étais pas allé au symposium de Baie-Comeau. J’étais le seul qui allait travailler dehors sur les 35 artistes présents. C’est important d’être devant son sujet en peignant. Créer à partir de photos, c’est là que ça ne fonctionne pas. Les tableaux perdent beaucoup de valeur.»
Après 45 ans de métier, l’artiste continue de s’émerveiller devant les petits miracles du quotidien. L’artiste a toujours la même soif de création.
«Présentement, ce qui m’anime, c’est l’amour que je vais donner aux autres dans ma peinture. Quand je commence un projet sans avoir cette intention, je manque d’énergie pour rendre le tableau comme il doit être rendu», termine-t-il.