SANTÉ. L’angoisse est à son comble au Centre d’hébergement Frederick-George-Heriot où 46 travailleurs de la santé non vaccinés seront suspendus le 15 octobre, si la position du gouvernement Legault ne change pas quant à la vaccination obligatoire.
Dans un document interne faisant état de la situation, dont L’Express a obtenu copie d’une source anonyme, on y apprend que l’établissement avait reçu, en date du 20 septembre, «les preuves vaccinales de 48 % d’équivalent temps complet». Malgré trois séries d’appels téléphoniques dans le but de sensibiliser les employés à la vaccination et faire un rappel sur l’importance de fournir leur preuve vaccinale, 46 employés refusent de se faire vacciner, ce qui représente 12 % des postes à temps complet.
Cette situation entraîne d’importants enjeux en matière de soins prodigués aux résidents qui sont au nombre de 336 actuellement, soit la capacité maximale du CHSLD.
Toujours dans le document, l’impact de ces suspensions est détaillé par unité. L’une des plus critiques s’avère le 3e Nord paradis où la totalité des infirmières de jour ne pourront plus travailler. Le 1er Nord paradis perdra la moitié de ses infirmières auxiliaires et le tiers de ses préposés aux bénéficiaires de jour. Au 1er Ouest et 2e Ouest, respectivement 20 % des préposés aux bénéficiaires et 40 % des infirmières auxiliaires seront suspendus. Enfin, 30 % des préposés aux bénéficiaires du 2e Nord côté devront laisser derrière eux les résidents.
Or, si la situation est maintenue au 15 octobre, c’est entre 12 % et 52 % des postes à temps complet que l’établissement aurait à combler, un objectif inatteignable dans un contexte où la situation de la main-d’œuvre est extrêmement précaire. «Nos besoins de main-d’œuvre sont couverts actuellement à 64 %, dont seulement 41 % au niveau des infirmières auxiliaires», est-il écrit.
Qui plus est, les équipes travaillent régulièrement à personnel réduit puisque 15 % des quarts de travail ne sont pas comblés. Sans compter que les agences de placement ne peuvent fournir aucun préposé faute de candidat.
Afin de pallier les futures absences et tenter de minimiser les conséquences, deux recommandations sont formulées à commencer par le délestage de certains services afin de prêter main-forte aux équipes qui demeureront en place. Il est également demandé de réduire le nombre de lits pour atteindre des ratios d’employés par résident plus sécuritaire, et ce, en fonction de la main-d’œuvre disponible à chaque quart de travail. Soulignons qu’actuellement, les ratios sont nettement sous le seuil recommandé.
Enfin, on y implore le gouvernement de revenir sur sa décision et plutôt miser sur le port d’équipements de protection (masque, lunettes et gants) et le dépistage obligatoire avant d’introduire le centre pour l’ensemble des non-vaccinés.
De son côté, le CIUSSS-MCQ avise qu’il analyse actuellement toutes les solutions nécessaires à la bonne mise en marche des services dans tous ces établissements.
«Nous continuons de recevoir chaque jour de nouvelles preuves vaccinales de nos employés, il est donc difficile de déterminer l’impact concret que cette mesure aura sur chaque installation et département. Rappelons que les détails du déploiement provincial de la vaccination obligatoire des travailleurs de la santé ne sont pas encore connus», indique par écrit Kellie Forand, agente d’information.
«Notre objectif d’ici au 15 octobre est de continuer à offrir les renseignements nécessaires sur la vaccination aux employés qui le désirent afin qu’ils prennent une décision éclairée et de se préparer au déploiement de cette mesure pour limiter les impacts sur le personnel et la population. Également, nous tenons à rappeler que le statut vaccinal individuel d’une personne, incluant des employés du réseau de la santé et des services sociaux est une information confidentielle», ajoute-t-elle.
«Ça va faire dur»
Résident depuis neuf ans au Centre Frederick-George-Heriot et président du comité des usagers, Roland Fleury se dit très préoccupé par ce qui s’en vient.
«Comment le centre va-t-il pouvoir fonctionner? Le personnel fait déjà du temps supplémentaire mur à mur et est vraiment fatigué. Ils sont humains, donc la marge d’erreur est plus grande. En plus, il y a continuellement des absences, donc ça se répercute sur nos soins», souligne-t-il.
Environ une fois par semaine, M. Fleury est cloué à son lit en raison des absences et de la surcharge de travail. Les repas sont parfois retardés sans compter que le délai de changement de protection hygiénique s’étire.
«Je dois rester au lit toute la journée, même pour prendre mon repas. Ordinairement, on me lève une fois par jour. Pour le changement de couche, ceux qui sont capables de sonner se font changer plus rapidement», fait-il savoir.
Depuis l’annonce de l’imposition de la vaccination obligatoire, M. Fleury remarque que l’atmosphère est tendue, qu’il y a beaucoup de stress dans l’air.
«Mais malgré tout, les gens sont très professionnels, ils ont le don de soi et veulent notre bien-être», note-t-il, précisant que la fusion avec le CIUSSS a été le point de départ de la détérioration du milieu de la santé.
M. Fleury souhaite de tout cœur que d’ici le 15 octobre, les choses changent.
«Il faut trouver une solution, sinon ça va faire dur! En attendant, je me force de vivre au jour le jour…», souffle-t-il.