CULTURE. Cet automne, la Galerie d’art Desjardins (GAD) met en lumière le travail de l’artiste Velibor Božović dans le cadre de l’exposition Unfolding Elsewheres – Comment es-tu arrivé·e ici, en partageant la réalité de 14 immigrants bosniaques qui ont été touchés de près ou de loin par la guerre.
En compagnie de l’auteur Aleksandar Hemon, l’artiste a réalisé une trentaine d’entrevues avec des personnes qui ont été déplacées par la guerre de Bosnie-Herzégovine, dans les années 90. Les participants ont été rencontrés dans différentes villes au Canada et aux États-Unis, en 2016. Tous les entretiens débutaient par la même question : comment es-tu arrivé ici?
«On voulait que les Bosniaques racontent leur histoire. Ils m’ont parlé de leurs premiers souvenirs à aujourd’hui. Ils m’ont raconté le périple qu’ils ont vécu à cause de la guerre, tout en parlant de leur expérience de réfugié. J’ai retenu 14 témoignages pour l’exposition», raconte-t-il.
Si le premier volet de l’exposition a été exposé à Bombay, en Inde (2019), Velibor Božović présente version différente à Drummondville. À la GAD, les visiteurs découvriront des tableaux de petits formats, espacée les uns des autres. On peut y lire le récit de chaque immigrant, superposé à des photographies en noir et blanc.
«Les gens qui veulent lire les mots sur les tableaux doivent se rapprocher. Ça rend l’expérience plus intime, comme la conversation que nous avons eue avec les immigrants interviewés. Nous avons eu des discussions personnelles, propices aux confidences», soutient l’artiste.
Les témoignages mis de l’avant sont décousus et fragmentés, seulement composés de mots clés. Velibor Božović a épuré chaque histoire pour en retenir l’essence. «Les personnes qui voient les immigrants arriver peuvent avoir un regard différent sur eux. Ils peuvent paraître étranges et intimidants. Dans l’exposition, j’ai éliminé la syntaxe des témoignages pour garder les mots clés pour que les visiteurs comprennent qu’on vit tous la même chose, peu importe d’où qu’on vient. Ils vont à l’école. Ils ont un sport favori. Ils tombent en amour. Tout le monde peut s’identifier à ces mots clés. Parfois, des événements arrivent à certaines personnes et ils n’ont pas le contrôle.»
Au cœur de ces récits, on retrouve à plusieurs reprises l’utilisation des mots «Je me souviens» qui, sans le vouloir, font référence à la devise de la terre d’accueil de l’artiste depuis plus de vingt ans. On retrouve également l’expression sous sa forme négative «Je ne me souviens pas», nous rappelant que la mémoire peut omettre certains des détails dans un contexte traumatique. Mentionnons que le commissariat de l’exposition est assuré par Zeenat Nagree, une autrice et commissaire indépendante indo-montréalaise.
Le projet de Velibor Božović ne s’arrête pas là puisque l’artiste compte écrire un livre avec tous les témoignages qu’il a recueillis, inspiré par ces rencontres.
Aux yeux de Catherine Lafranchise, directrice générale de la GAD, les thèmes abordés – tels que la migration et la mémoire – peuvent raisonner auprès des Drummondvillois. «On savait qu’il y avait une communauté bosniaque à Drummondville. Nous avons été une ville d’accueil pour ces réfugiés dans les années 90. Il y avait la volonté de ramener cette exposition dans un contexte où on a peut-être des gens qui ont vécu la guerre ou qui ont déjà côtoyé des gens qui l’ont vécu», exprime-t-elle.
Pour l’automne, les heures d’ouverture de la GAD sont du mardi au mercredi, de 13h à 17h, jeudi de 13h à 20h, vendredi au samedi de 11h à 20h et dimanche de 13h à 17h. L’exposition est disponible jusqu’au 17 octobre.
À propos de l’artiste
Velibor Božović a grandi à Sarajevo, en Bosnie-Herzégovine. Alors qu’il était dans la vingtaine, son pays est devenu une zone de guerre et il a passé la durée du siège de Sarajevo à affiner ses compétences de survie. En 1999, Velibor Božović s’installe à Montréal où, pendant huit ans, il travaille comme ingénieur dans l’industrie aérospatiale jusqu’à ce qu’il abandonne sa carrière d’ingénieur pour se consacrer pleinement à l’exploration des images.
L’artiste a complété un baccalauréat et une maîtrise en arts visuels de l’Université Concordia, où il enseigne actuellement. En 2015, il a été lauréat de la bourse Claudine et Stephen Bronfman en art contemporain.