ENVIRONNEMENT. Un an après avoir engagé une lutte contre la châtaigne d’eau dans la rivière Saint-François, à la hauteur de Saint-Bonaventure, le Conseil de gouvernance de l’eau des bassins versants de la rivière Saint-François (COGESAF) constate que son travail porte ses fruits.
En 2019, plusieurs colonies denses de châtaignes d’eau ainsi qu’une multitude d’individus éparpillés sur une vingtaine de kilomètres de la rivière Saint-François avaient été détectés, d’un bassin de Saint-Bonaventure jusqu’au Lac Saint-Pierre. Le COGESAF avait alors entrepris des démarches pour une campagne d’arrachage, laquelle a été subventionnée.
L’an dernier, les équipes sont parvenues à retirer plus de quatre tonnes de cette plante exotique envahissante, soit 4058 kilogrammes. La quantité arrachée cet été représente 1858 kilogrammes, une réduction de 55 % en une année.
«La situation actuelle n’est quand même pas si pire, parce que ç’a été pris relativement tôt. Il n’y a plus beaucoup de grosses colonies de haute densité, donc ça ne forme pas de tapis, ce qui est plus facile à contrôler. C’est vraiment localisé dans le bassin», indique Nicolas Bousquet, biologiste et chargé de projets au COGESAF.
Il est facile de perdre le contrôle de la châtaigne d’eau lorsqu’elle s’implante dans un plan d’eau, au dire de M. Bousquet, d’où l’importance d’intervenir rapidement.
«Lorsqu’on a commencé la lutte en 2020, il y en avait plus que le triple par rapport à l’année précédente quand on avait fait la détection. Une noix (graine) peut produire plusieurs rosettes (une quinzaine) et une rosette produit plusieurs noix (une vingtaine), donc on perd vite le contrôle». Les semences peuvent même subsister au fond de l’eau pendant 12 ans.
Pour les trois prochaines années, les équipes seront appelées à réaliser des suivis permettant d’évaluer quelle est la meilleure stratégie à suivre. Il n’est pas exclu qu’une deuxième phase d’éradication soit entamée.
«Étant donné que c’est une plante annuelle, la méthode de lutte est assez efficace, car on l’arrache juste avant la production de graines. De cette façon-là , on peut vraiment diminuer sa présence. Au début, c’est du travail intensif pendant quelques années afin d’épuiser la banque de graines pour ensuite parvenir à la maintenir à un niveau plus acceptable. Il faut juste essayer de la contenir, car c’est impensable d’arriver à une éradication complète, comme c’est le cas pour toutes autres espèces exotiques envahissantes», précise M. Bousquet.
Une plante nuisible
En formant de denses tapis, la châtaigne d’eau cause des dommages à plusieurs niveaux.
«Elle prend la place des espèces indigènes tout en bloquant le soleil aux algues et plantes submergées. Quand les châtaignes d’eau meurent à l’automne, elles se ramassent dans le fond de l’eau, ce qui demande ensuite une importante consommation d’oxygène pour leur décomposition. Donc cela entraîne des réductions d’oxygène sous le seuil vital pour la faune. Autre impact : ce n’est pas agréable de se baigner dans un tapis de châtaignes, surtout que la noisette est assez piquante. Elle contraint aussi les activités de plaisance, notamment la pêche», détaille le biologiste.
Les embarcations nautiques mal nettoyées s’avèrent le vecteur principal d’introduction de cette espèce. Utilisée comme plante ornementale dans les jardins d’eau, elle peut parfois s’y échapper et introduire une rivière ou un lac.
À cet égard, M. Bousquet tient à sensibiliser la population en faisant preuve de prudence.
«Et si on en voit, on peut l’enlever».
La châtaigne d’eau a été détectée dans la rivière Saint-François pour la première fois en 2015, par un employé du ministère de la Faune. Celui-ci avait retiré avec un filet de pêche une rosette dérivante, à proximité du lac Saint-Pierre.
Rappelons qu’une autre plante exotique envahissante, le myriophylle à épis, se retrouve dans la rivière Saint-François.
«Il y en a partout! Comme la châtaigne, il se fragmente facilement, favorisant son implantation en aval de la rivière. Heureusement, pour le moment, nous n’avons pas vu de colonies super denses, mais surtout des petites parcelles», fait savoir le chargé de projets, soulignant que l’apport en nutriments, comme le phosphore et l’azote, favorise la prolifération de ces espèces.
«Son arrachage est compliqué, ça doit être fait pas des plongeurs spécialisés, outillés d’un aspirateur qui aspire tous les fragments. Si on n’arrache pas la tige au complet, ça ne servira à rien. Et il suffit de perdre un fragment et l’intervention deviendra nulle», ajoute-t-il.
Par ailleurs, un an après la découverte d’une moule zébrée vivante, toujours dans la rivière Saint-François, mais cette fois, à la hauteur de Windsor, Nicolas Bousquet avise que ce mollusque fait partie de la liste des espèces à surveiller attentivement.
«Dans certaines situations, la moule zébrée se multiplie et dans d’autres, la problématique sera présente, mais moins importante. Ça dépend des conditions physiques de l’eau. Dans la rivière Saint-François, on pense qu’on n’aura pas d’infestations majeures, car le calcium est moins élevé, mais ça peut être surprenant puisque le courant se déplace et que les véligères survivent quelques jours dans la colonne d’eau», souligne-t-il.
Bientôt des stations de lavage?
En juin et juillet derniers, la Ville de Drummondville, en collaboration avec le COGESAF, a tenu trois journées de sensibilisation pour le lavage d’embarcations nautiques. Le projet pilote a permis le nettoyage d’une dizaine de bateaux, d’hydravions et de planches à pagaie.
«L’achalandage a été limité par la mauvaise météo, mais les citoyennes et les citoyens présents ont démontré un intérêt pour ce type d’initiative. La Ville entend évaluer la possibilité d’augmenter le nombre de fins de semaine l’année prochaine pour le lavage d’embarcations, afin de développer encore davantage ce réflexe et de toucher plus de monde», précise Thomas Roux, conseiller en relations publiques à la Ville de Drummondville.
De son côté, Nicolas Bousquet laisse entendre que ce projet a un deuxième objectif.
«Sur la rivière Saint-François, les postes de lavage n’existent pas. Donc, c’est un espèce de projet pilote pour voir comment on peut faire pour arriver avec quelque chose de permanent. Cela permet à la Ville d’entamer un processus de réflexion».