RESTAURATION. En ce jour 1 de l’entrée en vigueur du passeport vaccinal au Québec, des restaurateurs de Drummondville se disent optimistes, mais craignent néanmoins de perdre de précieux clients.
«Il faut tous ramer du même bord»
Comme tous les restaurateurs, Julie Arel, qui détient La Muse, un établissement situé sur la rue Heriot à Drummondville, s’évertue à ajuster ses façons de faire depuis deux ans. À nouveau ce mercredi, son personnel doit apprendre à travailler avec ce nouvel outil qu’est le passeport vaccinal.
«Si cela nous permet de passer à autre chose et d’avancer, tant mieux, mais je veux que ça se fasse en douceur. On a des clients de tous les âges, je ne veux vraiment pas les brusquer avec ça. J’ai demandé à ma mère de 70 ans de venir en renfort aujourd’hui, parce que comme partout, on manque de personnel. Elle va être à l’accueil pour vérifier les passeports. Les serveuses pourront aussi le faire avec leur cellulaire, directement aux tables», a-t-elle informé.
Les derniers mois n’ont pas été de tout repos de son côté. En plus de cette difficulté à recruter de la main-d’oeuvre, celle-ci a dû composer avec des problèmes d’approvisionnement, la hausse des prix, et cela, sans compter les annonces de fermetures et réouvertures décrétées par la santé publique.
«Cet été, notamment à cause d’un problème avec un fournisseur, on a vraiment eu le goût de mettre la clef dans la porte, mais on a fini par se raisonner. On va finir par s’en sortir», espère-t-elle.
Si Julie Arel envisage que l’entrée en scène du passeport vaccinal dans les restaurants se «passera bien», elle soutient néanmoins avoir quelques craintes.
«Quatre personnes non vaccinées m’ont approchée ces derniers jours pour savoir si je pouvais contourner la loi et les accommoder, a-t-elle fait savoir. Je trouve ça déchirant, mais on n’a pas le choix. Les restaurateurs, nous sommes tannés de faire du sur-place. J’espère qu’il n’y aura pas un marché noir de la restauration. J’espère que les restaurateurs du centre-ville vont se tenir, être solidaires, comme on l’a été le printemps dernier quand il fallait demander des preuves de résidence. Il faut tous ramer du même bord».
La restauratrice soutient par ailleurs avoir accueilli un nombre record de clients la fin de semaine dernière.
«On dirait que c’était le dernier repas au resto pour plusieurs. On n’a jamais eu un week-end comme ça! Sur le coup, je me suis demandé si on allait encore avoir des clients après le 1er septembre, mais je me suis raisonnée. Il y a peut-être des gens doublement vaccinés qui ne viennent pas dans les restaurants parce qu’ils ont peur de ceux qui ne sont pas vaccinés. Ces gens-là vont sortir maintenant! Ça va peut-être être très bon pour nous. Bref, je pense que les doublements vaccinés vont être doublement rassurés.»
«Hâte de voir comment la clientèle va réagir»
Du côté des Rôtisseries Saint-Hubert, on n’entrevoit pas de difficultés particulières liées à l’entrée en vigueur du passeport vaccinal.
«Il y a un petit ralentissement à l’accueil, mais les clients sont très conciliants. Ils sont habitués à s’adapter depuis le début de la pandémie. Je ne crois pas que nous allons devoir composer avec des enjeux majeurs relativement à l’application du passeport, mais j’ai quand même hâte de voir comment la clientèle va réagir», a indiqué Nicolas Camirand, propriétaire franchisé des restaurants St-Hubert, situés près de l’autoroute 20, à Drummondville et à Saint-Léonard-d’Aston.
Sa principale difficulté concerne davantage la disponibilité de la main-d’oeuvre.
«Avec la pénurie qu’on vit, on doit ajuster nos services en fonction des employés qu’on a. Je ne crois pas cependant que nous ayons à embaucher du personnel supplémentaire pour le passeport puisqu’on travaille avec une tablette à l’accueil. Ça va relativement bien», ajoute-t-il.
L’homme d’affaires souligne que l’entreprise, qui dispose d’un service de livraison à domicile et de commandes à emporter, pourra répondre à tous les besoins de la clientèle, qu’elle soit vaccinée ou non.
«Je ne suis pas à l’aise de diviser»
Gérant un petit commerce depuis deux ans, le bar laitier l’Avalanche, situé sur le boulevard Saint-Joseph Ouest à Drummondville, Joannie Lacharité a quant à elle pris une décision un peu plus draconienne, celle de fermer sa salle à manger.
«Je ne suis pas à l’aise avec le principe de devoir diviser, de décider qui va pouvoir manger dans ma salle à manger et qui ne pourra pas. Je suis une personne très humaine et tout cela va l’encontre de mes valeurs. Ce n’est pas parce que je suis contre le vaccin, mais je ne suis pas à l’aise d’imposer les gens au passeport vaccinal. Je trouve que ça devrait être le choix de tout un chacun», a-t-elle souligné.
Questionnée à savoir si elle craint des pertes de revenus, Mme Lacharité a répondu par l’affirmative. «Oui, je vais sûrement avoir une baisse de mon chiffre d’affaires et ça fait peur. Je me sens tiraillée», a-t-elle exprimé.
L’an dernier, Mme Lacharité avait maintenu son commerce ouvert les douze mois. Cette fois-ci, elle nage dans le néant. «Avec tout ça, je suis incertaine. Je marche sur des œufs. Je n’ai pas vu beaucoup de gens qui ont pris la décision de fermer leur salle à manger à cause du passeport vaccinal. Mais je m’assume. Je ne peux pas croire que le gouvernement impose une telle chose», a-t-elle terminé.
Rappelons que ce mercredi 1er septembre, le passeport vaccinal est exigé au Québec pour pouvoir accéder à certains services et prendre part à des événements, à l’exemple des festivals.