Site d’enfouissement : les citoyens sont demeurés sur leur appétit

Cynthia Martel et Louis-Philippe Samson
Site d’enfouissement : les citoyens sont demeurés sur leur appétit
L’objectif de cette assemblée publique était d’accorder la parole aux citoyens, lesquels ont été nombreux à manifester leurs préoccupations et leur mécontentement aux quatre intervenants du ministère présents. (Photo : Louis-Philippe Samson)

ENVIRONNEMENT. La déception, l’incompréhension et la colère régnaient dans la salle du Centrexpo Cogeco, mardi, à l’occasion de la consultation publique organisée par le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC). Les quelque 200 citoyens réunis s’y sont déplacés avec la ferme conviction de convaincre le gouvernement de laisser tomber son décret permettant l’agrandissement du site d’enfouissement.  

Richard E. Langelier (Photo Louis-Philippe Samson)

La pilule est toujours difficile à avaler près de trois mois après le dépôt du projet de décret. L’objectif de cette assemblée publique était d’accorder la parole aux citoyens, lesquels ont été nombreux à manifester leurs préoccupations et leur mécontentement aux quatre intervenants du ministère présents. Les gens étaient invités à se présenter à l’un des quatre micros à leur disposition. Certaines des quelque 70 personnes connectées en ligne sont également intervenues. Quatre minutes d’allocution étaient accordées.

La rivière a été le sujet de préoccupation numéro un de la soirée, un enjeu qui semble être laissé de côté par le ministère, selon les citoyens.

«Ce soir, on nous parle de tonnages, de politiques générales et de toutes sortes de belles choses, mais on ne nous parle pas de l’essentiel : la protection de l’eau potable qui est menacée. La question n’est pas de savoir à quel moment ça va couler ou pas, mais la question c’est de savoir quand, parce qu’il n’y a pas de structure humaine qui est éternelle», a soutenu Richard E. Langelier.

Lyne Bélanger (Photo Louis-Philippe Samson)

«Je suis surprise que vos interventions ne parlent pas du danger relié à la rivière. Nous, on vous en parle, mais je n’ai pas entendu des explications. C’est inacceptable!» a clamé Lyne Bélanger.

De son côté, Jean-Benjamin Milot a exposé ceci : «Il n’y en a pas des sites aussi proches d’une rivière, d’une prise d’eau potable. C’est facile de faire l’exercice avec Google Maps. Vous allez en Afrique, au Brésil, en Inde, n’importe où dans le monde, les gens ne mettent pas leurs déchets près d’une rivière!»

«Le Québec, c’est à peu près trois fois la France. De la place, on en a en masse! J’ai regardé votre organigramme, vous êtes une méchante gang-là! Je ne peux pas croire qu’il n’y en a pas un d’assez bright pour trouver une place loin d’une rivière, d’un lac où creuser un trou», a exprimé Roger Pomerleau.

Également préoccupé, un auditeur en ligne a demandé si la qualité de l’eau était monitorée en temps réel, mais sa question n’a pas trouvé de réponse.

Roger Pomerleau (Photo Louis-Philippe Samson)

«Il y a un suivi qui est fait au niveau des eaux souterraines et de surface par certains puits d’observation qui sont échantillonnés trois fois par année. Il y a également des mécanismes mis en place au niveau des cellules d’enfouissement pour détecter l’étanchéité des membranes. Pour ce qui est du monitorage en direct, je ne peux vous répondre», a indiqué Cynthia Provencher, directrice régionale aux évaluations et aux autorisations environnementales.

Les citoyens sont également restés sur leur faim lorsqu’ils ont tenté de savoir les actions ciblées dans l’éventualité d’un déversement dans la rivière. De fait, ils ont dû se contenter de cette réponse de Martin Létourneau, directeur de la direction des matières résiduelles : «La réglementation encadrant les sites d’enfouissement est de 60 quelque pages. Elle est parmi les plus exigeantes en Amérique du Nord».

Par ailleurs, le manque de leadership du gouvernement dans le dossier a été soulevé. Plusieurs s’expliquent mal le fait qu’un décret a été institué pour permettre un projet sur dix ans.

«Un décret, c’est émis dans une situation d’urgence, mais une urgence, ce n’est pas dix ans», ont lancé des citoyens.

«C’est un abus de droit», se sont exclamés d’autres gens.

Certains, comme Serge Girard, croient même que cette assemblée publique ne changera pas la décision du ministre, qu’elle a été organisée seulement «pour la forme».

Serge Girard (Photo Louis-Philippe Samson)

«Est-ce que le ministre Charrette est à l’écoute et s’il l’est, il est à l’écoute de qui? Des enfouisseurs ou des citoyens? Parce que j’ai regardé ses interventions et il avait l’air drôlement fixé. S’agit-il d’une consultation pour la forme et pour faire baisser la pression? Les dés sont-ils pipés d’avance? Avez-vous considéré le facteur humain, l’erreur humaine, les bris mécaniques, les conditions climatiques extrêmes, etc.?»

À travers les préoccupations et questionnements, des suggestions ont été apportées, entre autres, l’incinération. Un citoyen a aussi proposé que la Ville puisse taxer les autres municipalités pour le transport et dépôt des déchets.

Pour sa part, Gilles Bernardin, résident de Vaudreuil-sur-le-Lac et président de Valorisation Bernardin, a mis en lumière ceci : «La question n’est pas de faire des trous ailleurs, c’est d’arrêter d’en faire. Mais pour arrêter de faire des trous, il faut faire d’autres choses avec ces ressources qu’on appelle des déchets. C’est la seule façon qu’on va en venir à bout. On est tous coupables! Des solutions existent et il faut prendre nos responsabilités», a-t-il insisté, en affirmant que les gens de Drummondville «ont assez donné depuis 35 ans».

Déception citoyenne

À la suite de l’assemblée publique, le sentiment semblait unanime chez les citoyens rencontrés à l’extérieur du Centrexpo Cogeco : celle-ci les a déçus. Plusieurs de leurs questions sont demeurées sans réponse.

«C’était une grosse « joke ». Ils ne nous ont rien appris. Depuis le temps qu’on se bat contre le dépotoir, personne ici n’a appris quoi que ce soit et quand on leur pose des questions, ils ne répondent pas ou ils répondent toujours les mêmes affaires. C’est comme un petit disque enregistré dans leur tête. Ils ne nous donnent pas les vraies réponses», a dénoncé Aline Parent.

«Je suis très déçu, parce qu’on avait gagné en cour. Je ne pensais jamais avoir à redébattre de ce sujet-là. Les quantités sont des tonnes et des tonnes, on ne verra jamais le bout de ça. La rivière et l’eau potable sont importantes. C’est de valeur pour les futures générations», a mentionné Guy Bergeron.

Malgré tout, quelques-uns ont trouvé un certain réconfort quant à la mobilisation citoyenne sur le dossier bien qu’ils n’aient pas obtenu les réponses qu’ils espéraient. «Je demeure plus que sur ma faim, je n’ai pas mangé du tout. Ce qui m’a réconforté, c’est de voir la salle comble. Ce que ça veut dire, c’est que la mobilisation est là et, moi, c’est ce à quoi je crois que les citoyens ne vont pas se laisser faire», a indiqué Marie-France Benoît.

«Il faut qu’ils ôtent la « dompe » de là. Les gens ont tout fait en leur pouvoir pour dire qu’ils n’en veulent pas. Selon moi, il y a 80 % de Drummondville qui n’en veut plus de ça. Ça avait été voté à environ 70 % au référendum, mais je crois que ça a augmenté depuis», a fait savoir Claude Colette.

«On sent qu’il y a une unanimité de la population sur le fait que c’est inacceptable. À la fois pour les risques environnementaux, je crois que les gens sont très préoccupés à propos de la question de la qualité de l’eau, mais aussi concernant le respect des compétences municipales en démocratie», a remarqué Richard E. Langelier.

L’absence du ministre de l’Environnement, Benoit Charette, a aussi été remarquée par plusieurs qui auraient aimé pouvoir lui adresser personnellement leurs commentaires et questions. Également, des citoyens qui ont assisté à la séance d’information ont tout de même constaté l’utilité de l’exercice alors que de nouvelles informations ont été données et que les gens ont eu la chance de prendre la parole.

Soulignons en terminant qu’une rencontre citoyenne organisée par la Coalition pour la fermeture du site de Saint-Nicéphore se tiendra le 31 août au Motel Blanchet, à 19 h.

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Les quatre intervenants du ministère et l’animatrice de la soirée. (Photo Louis-Philippe Samson)
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