AÉROPORT. Transports Canada a retenu trois mesures visant à atténuer le bruit des avions autour de l’Aéroport de Drummondville et en a rejetées six autres jugées «trop restrictives».
La Société de développement économique de Drummondville (SDED), gestionnaire de l’aérodrome, a déposé un projet de règlement auprès de Transports Canada en novembre 2019, lequel visait principalement les écoles de pilotage. Les manœuvres de posés-décollés exigées aux futurs pilotes par Transports Canada font notamment l’objet de plaintes de résidents du secteur en raison du bruit.
«Le 2 juin 2020, Transports Canada a reçu les propositions du Comité de vigilance de l’aérodrome de Drummondville, suite à la tenue d’une consultation, tel qu’exigé par Transports Canada. Puisqu’il n’y a pas eu de consensus entre les parties concernées suite à la consultation, le Comité sur le bruit et les émissions des aéronefs (CBEA) de Transports Canada a examiné les propositions et les recommandations. Le comité a retenu trois mesures et a recommandé que six autres mesures et restrictions soient réévaluées», indique Cybelle Morin, porte-parole de Transports Canada.
La consultation s’est notamment tenue auprès d’associations nationales, comme l’Association québécoise du transport aérien et le Réseau québécois des aéroports. Les écoles de pilotage ont aussi été contactées.
«Nous avons fait la consultation. Nous avons eu des réponses favorables ou défavorables et c’est là que Transports Canada a dit qu’il n’y a pas eu consensus, mentionne le directeur général de la SDED, Martin Dupont. Même si la Ville ou la SDED voulaient faire des choses, il y a des choses qu’on n’a pas le droit de faire parce que l’Aéroport de Drummondville est sous juridiction de Transports Canada. On est un aéroport public.»
Les nouvelles mesures d’atténuation sont entrées en vigueur le 17 juin dernier. «Ce ne sont pas des obligations, ce sont des considérants», précise M. Dupont.
Ainsi, Transports Canada recommande que la piste préférentielle soit la 24, lorsque les vents le permettent. «On a une piste qui se divise en deux à l’aéroport : la piste 24 et la piste 06. La piste 24, en fonction des vents, on recommande de prendre cette piste-là parce qu’il y a moins de résidents touchés par le bruit quand l’avion décolle», explique-t-il.
Il a été retenu que les pilotes ne peuvent effectuer de virage à gauche à une altitude inférieure à 1 000 pieds dans le circuit des pistes 06 et 24, alors qu’il en était de 500. De plus, lorsque possible, les pilotes doivent privilégier une montée plus accentuée pour prendre de l’altitude le plus rapidement possible.
Outre ces trois mesures, tout pilote qui se posera à Drummondville aura l’obligation de s’identifier à moins de 3 000 pieds, et ce, dans un rayon de 10 kilomètres. La SDED a procédé à l’acquisition d’une station MF (Mandotory Frequency).
«C’est un appareil qui oblige les avions qui circulent sur le territoire drummondvillois à s’identifier. Par exemple, si on a une plainte d’une personne qui dit qu’un avion l’a réveillé à deux heures du matin, on va être capable – si la personne a respecté la loi – d’identifier l’avion et dire si elle a fréquenté l’aéroport ou si elle a circulé par-dessus le territoire», fait savoir Martin Dupont.
La station MF sera opérationnelle d’ici la mi-août et inscrite dans le Supplément de Vol Canadien le mois suivant.
«Il n’y a rien de nouveau [dans ces mesures]. Ce sont toutes des choses qu’on fait déjà. Il y a de nouvelles mesures, dont la station MF, qui est un gros plus pour la Ville parce que des gens viennent le soir tard et la nuit faire des posés-décollés. Ce n’est pas nous, même si ça nous passe sur le dos. Ça va permettre de démontrer que ce n’est pas nous et ça assure une sécurité supplémentaire pour les usagers et les gens qui habitent autour», commente pour sa part Daniel Cyr, copropriétaire de Select Aviation.
Mesures rejetées
Transports Canada a déterminé que les six autres mesures d’atténuation proposées pour le bruit étaient «trop restrictives». Contrairement à ce qui était demandé, l’exécution des posés-décollés à des fins de formation ne sera pas réservée exclusivement aux pilotes ainsi qu’aux propriétaires d’aéronefs et de hangars de l’Aéroport de Drummondville, ni aux élèves de Select Aviation.
Les posés-décollés demeurent autorisés par les hydravions sur la rivière Saint-François. Transports Canada a aussi rejeté la demande voulant que les pilotes contournent les zones habitées. Le seuil des pistes ne pourra être décalé, alors que la longueur actuelle est de 6000 pieds.
La demande visant à restreindre les heures durant lesquels les écoles de pilotage peuvent effectuer des posés-décollés, notamment en soirée et durant la nuit, a aussi été rejetée. «Transports Canada nous a dit que c’est la mesure la plus sévère dans tout le Canada. Les jours et les heures d’interdiction des posés-décollés seraient parmi les plus restrictifs du pays et ne permettraient pas les posés-décollés nécessaires dans le cadre des certificats de vols. Cette mesure ne semble pas être compatible avec les activités de formation que les écoles doivent faire», rapporte Martin Dupont.
Présentement, sous une base volontaire, les élèves de Select Aviation effectuent des posés-décollés entre 7h et 23h, sauf les fins de semaine et les heures fériées. «Select Aviation respecte cette mesure, mais les autres écoles ne la respectent peut-être pas», soutient M. Dupont, ajoutant que 26 autres écoles de pilotage fréquentent l’aérodrome.
Sur la glace
Transports Canada a recommandé à la SDED, le 23 avril dernier, de lui soumettre des mesures et restrictions révisées lorsqu’elle sera parvenue à un compromis moins restrictif avec les autres parties. «Transports Canada n’a pas reçu de nouvelles propositions de la part du Comité de vigilance de l’aérodrome de Drummondville depuis», informe Cybelle Morin.
Or, les activités du Comité de vigilance de l’aérodrome de Drummondville sont suspendues puisqu’une demande introductive d’instance en dommages-intérêts pour troubles de voisinage a été déposée à la Cour supérieure en août dernier. «On n’a pas statué sur ce qu’on va faire compte tenu que le dossier est judiciarisé», mentionne Martin Dupont, précisant que les plaintes demeurent toutefois traitées.
Rappelons que des résidents du secteur de l’aéroport réclament près de 11 M$ à la Ville de Drummondville, à la SDED, à Select Aviation et à Richcopter, en raison des inconvénients causés par le bruit des aéronefs des écoles de pilotage.
Henriette Yergeau, la responsable du groupe, n’a pas souhaité commenter les mesures retenues ou rejetées par Transports Canada compte tenu des procédures judiciaires en cours. D’ailleurs, Mme Yergeau ainsi que Jean-Pierre Milot sont poursuivis par Select Aviation et Richcopter. La demande de 67 000 $ a été déposée au cours des derniers mois. «Il pourrait peut-être s’ajouter autre chose», fait savoir Daniel Cyr de Select Aviation.
De son côté, le maire de Drummondville et président de la SDED, Alain Carrier, espère que les parties en arrivent à une entente. «Je ne comprends pas qu’on soit obligé d’aller en cour pour s’entendre. Je ne comprends pas qu’on en soit rendu là. C’est très clair qu’il y a des choses qui sont régies par le Fédéral et qu’on ne peut pas toucher. Ce qu’on peut faire, on va le faire. Transports Canada, c’est une affaire. Maintenant, je pense que ce qu’il faudrait, c’est une discussion. Il faudrait s’asseoir et regarder ce qu’on peut faire pour essayer de trouver des compromis. S’il y a de la volonté de régler, ce que je souhaite, c’est que ça se règle. Je trouve que c’est beaucoup d’argent dépensé et beaucoup d’énergie aussi.»
Le procès doit avoir lieu cet automne, selon la SDED.