ENVIRONNEMENT. Coup de théâtre dans le dossier du site d’enfouissement de Saint-Nicéphore. Deux jours après l’annonce d’un décret par Québec, la Ville de Drummondville a reçu une demande introductive d’instance de 5,5 M$ de Waste Management (WM).
Cette poursuite s’ajoute à l’autorisation émise mercredi par Québec d’une zone d’intervention spéciale afin de permettre l’aménagement et la poursuite de l’exploitation du site d’enfouissement de Saint-Nicéphore sur certains lots situés sur le territoire de Drummondville. Cette intervention du gouvernement substitue à la réglementation locale et régionale d’aménagement et d’urbanisme.
Dans la demande introductive d’instance, de nature action en dommage de 5 460 160 $ déposée en cour ce vendredi 9 juillet, la multinationale WM reproche à la Ville de Drummondville de ne pas avoir révisé le Plan de gestion des matières résiduelles (PGMR) 2016-2020 et ses règlements, tel qu’il était convenu dans l’Entente, pour qu’elle puisse implanter un complexe environnemental et énergétique sur sa propriété puis développer une nouvelle aire d’enfouissement de 600 000 tonnes.
À ce jour, la seule chose qui empêche WM d’aménager et d’exploiter la phase 3B du site d’enfouissement est le règlement de zonage de la Ville de Drummondville, lequel devait être modifié avant le mois d’août 2019, selon les différentes ententes.
Dans la poursuite, dont L’Express a obtenu copie, on peut lire : «Les manquements de la défenderesse ont causé et continuent de causer un préjudice financier sérieux à WM qui l’en tient entièrement responsable et pour lequel WM cherche à être entièrement indemnisée par la défenderesse (…) WM a engagé plusieurs dépenses et fait plus investissements qu’elle n’aurait pas faits sans les promesses non tenues de la défenderesse et sans son engagement corollaire à respecter sa part de l’Entente, plus particulièrement de prendre les mesures réglementaires pour que le Projet puisse être implanté».
Ce faisant, Waste Management exige un montant de 5 460 160 $ à titre de dommages contractuels et, subsidiairement, demande un montant de 2 363 287 $, soit le total des paiements des redevances versés. Selon WM, la Ville de Drummondville se serait «injustement enrichie à ses dépens».
«Il n’y a jamais de bons moments pour une telle procédure, indique le directeur des affaires publiques de WM, Martin Dussault. On a donné beaucoup de temps à la Ville. On a tenté à de multiples reprises de rencontrer la Ville, qui a refusé de remplir ses engagements de s’asseoir à une table de discussions. Ça fait plus d’un an qu’on souhaite avoir des rencontres pour régler le dossier. La Ville a fait porter l’odieux au gouvernement du Québec de régler le dossier. Maintenant, on veut réclamer et retrouver les sommes qu’on a versées, que la Ville n’avait pas le droit compte tenu qu’elle n’a pas respecté les termes de l’entente. Cela dit, on préfère de loin le dialogue auquel on demeure ouvert. Notre porte et toujours ouverte à la discussion avec la Ville.»
Du côté de la Ville de Drummondville, Claude Proulx, le directeur de cabinet du maire de Drummondville, Alain Carrier, s’est indigné. «C’est l’insulte qui s’ajoute à l’injure», affirme-t-il.
Cette poursuite est une «surprise» et une «déception», qui s’ajoute à l’annonce du décret et la rencontre qui a eu lieu entre le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, et les élus municipaux, jeudi au Centrexpo Cogeco. «Cette rencontre a été extrêmement décevante. On n’a pas appris grand-chose de concret. Nos inquiétudes, les réponses à ça, c’était que le BAPE va venir avec quelque chose. Il y a beaucoup de choses qui vont venir, mais rien qui est dans l’immédiat», est d’avis Claude Proulx.
Les élus municipaux ont aussi demandé que l’assemblée publique de consultation, qui se tiendra le 28 juillet au Centrexpo Cogeco avant l’adoption du décret, soit reportée. «C’est en plein milieu des vacances de la construction. On a demandé de reporter cette date. Ça n’a pas été possible», déplore-t-il.
La Ville de Drummondville entend «se défendre bec et ongles» face à cette nouvelle poursuite de WM. Quant au décret, elle a déjà fait savoir qu’elle étudiera les avenues qui s’offrent à elle pour en contester la validité.
Rappelons qu’il s’agit de la deuxième fois en moins de deux ans que WM intente une poursuite contre Drummondville. En février dernier, la Cour supérieure a donné raison à la Ville quant à sa réglementation de zonage qui empêche la multinationale d’exploiter la phase 3B. Malgré le décret de Québec, WM souhaite toujours se faire entendre par la Cour d’appel pour demander de réviser le jugement rendu par la Cour supérieure en raison «d’erreurs de droit importantes».
Avec la collaboration de Lise Tremblay et Cynthia Giguère-Martel.