SOINS À DOMICILE. Sébastien Lepage a refusé d’être nourri pendant une cinquantaine heures, ces derniers jours, afin de protester contre la pauvreté des services de soins à domicile offerts par le gouvernement. Il s’est lancé dans cette aventure afin de défendre les intérêts de tous ceux qui, comme lui, font appel à ces services qu’il juge dépassés.
Sébastien Lepage est clair dès le départ, sa démarche ne cherche en aucun cas à critiquer le travail des préposés aux bénéficiaires qu’il côtoie, mais plutôt à réprimander un système qui ne prend pas suffisamment en compte les besoins de ses utilisateurs et qui date d’une autre époque, selon lui.
Bien qu’atteint d’une paralysie cérébrale, M. Lepage est un homme très lucide. Il organise chaque année un spectacle d’humour-bénéfice, le SebShow, pour l’aider à subvenir à ses besoins et conserver son autonomie. Grâce aux revenus de son spectacle, il était en mesure de s’offrir certains soins supplémentaires, dont une douche quotidienne. C’est en constatant la faiblesse des services de base qu’il a pris la décision de faire changer les choses.
«Je ne veux pas que ça soit des mesures temporaires seulement pour moi. Il faut qu’elles s’appliquent aux autres personnes comme moi. Sous mes publications sur ma page Facebook, il y a eu plusieurs commentaires de personnes [dans une situation de handicap] qui ont dit qu’ils ne recevaient qu’une seule douche par semaine. Ce n’est pas normal d’avoir juste une douche par semaine», a déclaré l’homme de 44 ans.
Celui-ci a également témoigné que son jeûne a été très difficile autant pour lui que pour ses proches qui se sont bien inquiétés de sa condition. Il ne se sentait pas très bien à la fin de sa protestation. Il a dû recommencer à s’alimenter graduellement pour permettre à son corps de bien assimiler la nourriture.
Perte d’intimité
Sébastien Lepage condamne aussi le manque de stabilité du personnel qui vient lui offrir des soins personnels. La semaine dernière, en deux jours, cinq intervenants différents sont venus chez lui pour lui fournir des soins. Ce manque de stabilité occasionne une perte d’intimité pour lui et sa famille.
«Si la personne à mobilité réduite a une conjointe ou une famille, elle n’a pas le goût d’avoir de nouvelles personnes chaque jour. Ce n’est pas humain. Selon moi, la famille en a déjà assez de vivre avec la personne en handicap sans avoir à vivre tout le temps avec des inconvénients associés aux services d’aide à domicile», a fait savoir M. Lepage.
Pour l’aider dans son combat, M. Lepage a interpelé les élus de la région afin que ceux-ci prennent connaissance de la situation plus en détail via ses plateformes sociales. Au moment d’écrire ces lignes, M. Lepage n’avait pas obtenu de réponse.
«J’ai déposé une plainte au commissaire des plaintes et de la qualité des services du CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec (CIUSSS MCQ) pour créer un précédent et devenir un cas référence qui servira lors de la prise de décisions», a aussi signalé Sébastien Lepage.
Maintien à domicile
Sans être en mesure de commenter le cas particulier de M. Lepage pour des raisons de confidentialité, le CIUSSS MCQ a fait savoir, par la voix de sa porte-parole Kellie Forand, que l’organisation a à cœur le maintien à domicile de ses usagers, et ce, le plus longtemps possible.
Pour y arriver, le programme ministériel Chèque-Emploi-Service (CES), qui existe depuis une vingtaine d’années, offre aux usagers un montant d’argent pour qu’ils puissent embaucher une ressource qui pourra leur venir en aide lors de certaines tâches essentielles. Sébastien Lepage participe à ce programme.
Chaque patient est évalué par le CIUSSS MCQ afin de déterminer le nombre d’heures de soins dont il a besoin chaque semaine selon un ensemble de critères. Ce sont ensuite les usagers qui doivent procéder à l’embauche du personnel, mais le CIUSSS prend en charge la rémunération des employés.
Pour ce qui est de la stabilité des intervenants, le CIUSSS MCQ dit tenter, dans la mesure du possible, de limiter le nombre d’intervenants différents auprès d’un patient et d’assurer une présence à long terme. Cependant les défis de manque de main-d’œuvre, bien documentés ces dernières années, compliquent la tâche de l’organisation.
«Il y a une situation précaire au niveau de la main-d’œuvre dans le réseau de la santé et des services sociaux depuis plusieurs années, incluant en Mauricie et au Centre-du-Québec. Nous faisons de nombreux efforts pour combler les besoins. D’ailleurs, plus de 6000 embauches ont été réalisées dans la dernière année, et nous travaillons beaucoup sur la rétention de nos employés également», a mentionné Kellie Forand, agente d’information pour le CIUSSS MCQ.
Alors que la date d’une rencontre avec la direction du CIUSSS MCQ reste à être déterminée, Sébastien Lepage espère faire entendre son message.