AGRICULTURE. Le monde de l’agriculture a beaucoup évolué depuis le début des années 2000. Aujourd’hui, les fermes les plus branchées possèdent des tracteurs qui se pilotent presque seuls et qui sont en mesure de maximiser la plantation des cultures. Coup d’œil sur l’impact de ces technologies sur les producteurs agricoles locaux.
Aujourd’hui, des satellites spécialement dédiés à l’agriculture sont en orbite. L’Agence spatiale canadienne (ASC) regroupe plusieurs satellites qui ont notamment pour objectifs de faciliter la gestion des ressources, cartographier l’humidité, l’état de gel et dégel des sols et mieux comprendre le cycle hydrologique de la Terre.
La première utilisation des données des satellites a été faite à l’aide des GPS. Ainsi, les agriculteurs peuvent positionner leur machinerie sur des points précis, au centimètre près, dans leur champ. Également, à la manière de Google Earth, qui prend des photos en vue aérienne, des satellites le font afin du surveiller l’état des cultures, soit leur hauteur ou encore la présence d’anomalies visibles depuis le ciel.
«Il existe le GPS RTK qu’on pourrait comparer aux systèmes dans les voitures qui donnent l’état du trafic par exemple. Dans les champs, il permet de noter le chemin que le tracteur a emprunté lorsqu’il a semé ses rangs pour pouvoir suivre ce même chemin lorsqu’il reviendra faire d’autres tâches. Le trajet est enregistré dans une base de données et sera répété les prochaines fois. On peut revenir au même endroit facilement et avec une précision extrême», a expliqué Salah Zoghlami, conseiller aux affaires agronomique pour les Producteurs de grains du Québec.
Ce sont des entreprises privées qui fournissent le plus souvent aux agriculteurs les rapports produits à l’aide des satellites. Ce genre d’application est assez répandue dans le secteur de l’agriculture des grains.
«Ces dernières années, il y a un engouement particulier des entreprises et des centres de recherches en agriculture pour les données satellitaires. Maintenant, avec l’internet des objets, l’automatisation grâce aux données des satellites et les bases de données, l’intelligence artificielle prend de plus en plus de place en agriculture. Il y a les aspects de la gestion des équipements, de la gestion des opérations, de l’optimisation des actions qui entrent en ligne de compte. De plus en plus d’institutions, qui œuvrent dans l’intelligence artificielle, s’intéressent à l’agriculture», a poursuivi M. Zoghlami.
Des économies importantes
À la Ferme Yvon Doyon & Associés de Saint-Guillaume, on a décidé d’embarquer dans la vague du mieux qu’on le peut. On a commencé à y utiliser les GPS dès 1996. Ils ont été parmi les premiers de la province à utiliser ce genre d’application. Sur cette ferme de 3 000 acres, où sont cultivés le maïs, le soja, le blé, les pois et les haricots jaunes et verts, la technologie permet d’économiser beaucoup de temps et d’argent.
«Les coûts d’intrants [ndlr : les produits ajoutés pour améliorer le rendement des champs qui ne sont pas présents naturellement dans le sol] sont réduits grâce à la gestion automatisée. Avant, il fallait couper manuellement l’épandage de ces produits à la fin d’un rang, maintenant, ça se fait automatiquement. Le système de guidage nous fait réaliser des économies d’essence importantes à lui seul. Avant, il fallait croiser chaque rang sur au moins cinq pieds en semant pour être certain de ne pas laisser d’espace inutilisé. Sur 3 000 acres, ça faisait pas mal de chevauchement. Lorsque les plants commencent à sortir du sol, on peut voir à quel point le système est précis tellement la démarcation est nette», a élaboré Tony Doyon.
En effet, grâce au système de GPS RTK, la semence des plants se fait de façon très précise. Aucun chevauchement n’est nécessaire, car le système enregistre en temps réel le parcours du tracteur. L’agriculteur aux commandes du tracteur n’a qu’à positionner son véhicule au début d’un rang et l’ordinateur se chargera de le conduire jusqu’au bout avec une précision au centimètre près.
Plusieurs machines de la Ferme Yvon Doyon sont équipées de ces équipements technologiques. Grâce à ces outils, une partie du travail peut être fait à distance. «Tout ce que je fais dans le tracteur est envoyé à l’application mobile dans mon téléphone que je peux consulter pratiquement en temps réel. Elle me permet de savoir où est chacun des tracteurs équipés d’une connexion internet. Elle m’envoie aussi les codes de diagnostic sur la machinerie, leur niveau d’essence, je peux observer les lignes d’ensemencement des champs. Avec la plupart de nos machines, on peut constater l’évolution du travail en direct sur notre téléphone», a ajouté M. Doyon.
D’ailleurs, à l’aide de l’historique de la production des années précédentes, le système crée une carte de prescription qui maximise les semences dans les secteurs qui ont offert le meilleur rendement. Par exemple, un secteur qui n’a pas l’habitude de produire de bons résultats obtiendra moins de semences et d’engrais et l’inverse pour un secteur qui offre un meilleur rendement. Grâce à tous ces outils, les agriculteurs peuvent maximiser leurs ressources et effectuer le travail dans un champ plus rapidement qu’auparavant.
«On a une application qui nous envoie, tous les lundis, des images satellites de nos champs, a dit Tony Doyon. Avec ça, on peut voir le développement de nos parcelles. S’il y a un défaut, un problème ou qu’il se développe de la maladie, on va le voir et pouvoir le contrôler en temps et lieu. Ça nous permet de limiter les pertes au moment de la récolte.»
Le MAPAQ s’implique
Dans le cadre du Plan d’agriculture durable 2020-2030 (PAD), le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ) a l’intention d’accélérer le développement des outils et plateformes numériques destinées aux agriculteurs. «Des technologies de pointe accessibles sont essentielles pour améliorer l’efficience, la productivité et les gains environnementaux des entreprises. Dans la foulée des interventions prévues au PAD, des outils, actuellement appuyés financièrement par le MAPAQ, seront bonifiés et d’autres, comme la télédétection, pourront être intégrés aux pratiques des entreprises agricoles», a fait savoir Yohan Dallaire Boily, relationniste au MAPAQ dans un échange de courriels.
Au MAPAQ, l’agriculture numérique est considérée comme une démarche importante dans l’atteinte d’une agriculture durable. «Les données satellitaires sont utilisées pour visualiser les champs et aider les producteurs à optimiser leur gestion de l’eau, des cultures et des sols, etc. Il est possible, par exemple, de caractériser l’intensité et la variabilité de la végétation à l’intérieur d’une même parcelle cultivée. L’agriculture numérique peut apporter une valeur ajoutée à l’entreprise agricole en facilitant la prise de décision basée sur un ensemble de données ou encore en favorisant une meilleure efficacité des opérations d’exploitation», a rapporté M. Dallaire Boily.
Grâce à l’ensemble de ces technologies, les agriculteurs sont en mesure de pratiquer une agriculture plus durable qui leur occasionne en même temps d’importantes économies tant monétaires qu’en temps passé à travailler.