MAGAZINE. Il y a un peu, beaucoup de Drummondville à la tête de la société finlandaise Rovio. Depuis le 1er janvier dernier, Alexandre Pelletier-Normand agit comme président et directeur général de cette entreprise de développement de jeux vidéo principalement connue pour avoir lancé «Angry Birds».
Ayant étudié en informatique à l’Université de Sherbrooke, le Drummondvillois de 41 ans a, de son propre aveu, emprunté un parcours atypique avant d’atterrir en Finlande.
«Mon profil est plus technique que gestionnaire», relate celui qui a débuté sa carrière comme programmeur de jeux chez Gameloft, à Montréal, au début des années 2000.
Après avoir lancé des studios de Gameloft aux quatre coins de la planète, Alexandre Pelletier-Normand a déménagé France, où se trouvait le siège social de la compagnie. Revenu au Québec pour y lancer sa propre entreprise, il a ensuite été appelé à prendre la barre du studio montréalais de Gameloft. «Quand Vivaldi a acheté Gameloft, j’ai de nouveau déménagé en France, avec ma famille cette fois-ci, pour être en charge de tous les jeux de la société au niveau mondial.»
En 2018, les gens de Rovio ont approché Alexandre Pelletier-Normand afin de lui confier un poste de vice-président exécutif responsable des jeux. Puis, lors du départ de la présidente et directrice générale, le conseil d’administration lui a offert le poste. Son rôle comporte plusieurs facettes, dont celui de définir la stratégie de cette société publique.
Un milieu en ébullition
Depuis l’arrivée d’Alexandre Pelletier-Normand chez Rovio, l’entreprise a ouvert deux nouveaux bureaux, dont un à Montréal. La compagnie possède maintenant cinq studios dans le monde. «L’idée de Montréal, c’est que je savais que c’est un endroit spécial. Non seulement, on y retrouve beaucoup de créateurs, mais c’est un pole de l’intelligence artificielle. Le but de ce studio, ce n’est donc pas de travailler sur les jeux qui sont importants aujourd’hui ou demain, mais plutôt d’imaginer à quoi vont ressembler les jeux dans cinq ans. C’est un petit studio très focussé sur l’innovation.»
Homme d’action, Alexandre Pelletier-Normand est emballé par l’effervescence qui anime constamment l’industrie des jeux vidéo. Le milieu étant en constante évolution, il a l’impression de ne jamais s’ennuyer.
«Ça bouge tellement! J’adore quand le marché évolue, qu’on peut réfléchir à des stratégies pour le marché de demain. Ce qui est fascinant dans notre industrie, c’est que si on compare avec ce qu’on faisait il y a cinq ans, ça n’a plus rien à voir! Il y a toujours de nouvelles technologies, de nouveaux modèles qui arrivent. Ça évolue à une vitesse folle», fait-il valoir.
Bref, la seule constante dans ce milieu… c’est le changement. «Je suis toujours entouré de créateurs. On évolue dans un domaine qui n’arrête pas de changer. L’important, c’est de s’entourer de gens qui apprécient ça, qui ne veulent pas rester dans des paradigmes du passé. Ils réfléchissent à comment ça va fonctionner dans le futur. Ils veulent être les premiers à arriver avec des innovations sur le marché. C’est la partie la plus géniale dans ce métier-là.»
Le succès «Angry Birds»
Lancé il y a maintenant 11 ans, le jeu «Angy Birds» demeure le plus grand succès de l’entreprise Rovio. «Les créateurs du jeu n’avaient peut-être pas prévu le succès planétaire que ça allait devenir. Chez nous, la légende raconte qu’ils ont sorti 51 jeux qui n’ont pas fonctionné… puis que le 52e a été vraiment un gros succès», raconte Alexandre Pelletier-Normand en riant de bon cœur.
Selon le gestionnaire, c’est la simplicité du jeu ainsi que le charisme fou de Red, Chuck et compagnie qui explique sa longévité. «Tu fais exploser des choses, ça tombe de partout! C’est satisfaisant, mais en plus, les personnages sont attachants. D’ailleurs, c’est ce qui a permis à la compagnie de décliner cette marque-là de différente façon au fil des ans. Des films sont sortis à Hollywood, il y a des séries sur Netflix. Ça va plus loin que le jeu : on a vraiment un attachement envers les personnages.»
«C’est une marque très inclusive, poursuit-il. Tout le monde peut s’y retrouver, tant les parents que les jeunes. Rovio a été capable de capitaliser là-dessus. Ils ne sont pas restés sur un jeu, mais ils en ont créé plusieurs qui s’adressent à des publics différents.»
La culture finlandaise
Installé en banlieue d’Helsinki avec sa famille depuis maintenant deux ans, Alexandre Pelletier-Normand a d’abord été frappé par l’honnêteté des Finlandais. «Si vous échappez votre portefeuille dans la rue ici, vous pouvez être certains que le soir même, quelqu’un va venir vous le porter. Et il ne manquera rien dedans», souligne-t-il.
Dans un contexte de pandémie, le nouveau patron de Rovio est également impressionné par la façon dont les Finlandais respectent les règles sanitaires. Le pays fait d’ailleurs bonne figure à l’échelle internationale.
«Si on dit aux Finlandais de faire attention et de rester à la maison, ils vont faire attention et ils vont rester à la maison. C’est la même chose en ce qui concerne la sécurité routière. Tout le monde respecte les limites de vitesse. C’est assez étonnant.»
En ce qui a trait à la culture de travail de ce peuple nordique, elle se distingue par son égalitarisme. «J’ai travaillé pour des boîtes françaises et québécoises où c’était très hiérarchisé. On ne demandait pas nécessairement l’opinion de tout le monde sur la stratégie. Alors que dans les pays nordiques, au contraire, tous les employés veulent se sentir inclus. Les gens veulent comprendre et faire partie du processus. Ils veulent travailler sur cette stratégie. J’étais un peu étonné au début, mais maintenant, j’admire beaucoup cette façon de faire.»
Les Finlandais valorisent aussi grandement l’équilibre entre leur vie professionnelle et familiale. «Ils travaillent énormément sur les heures de bureau, mais quand c’est l’heure de partir à la maison, c’est terminé», exprime le père de deux enfants de 3 et 4 ans, dont la conjointe est une artiste originaire du Bas-du-Fleuve.
En ce qui concerne ses efforts pour apprendre le finnois, Alexandre Pelletier-Normand préfère en rire. «C’est extrêmement compliqué! Ça ne sonne comme rien de ce qu’on connaît. Il faut tout apprendre. C’est très long et complexe. J’essaie. Je pratique tous les jours… mais je ne suis pas très bon», laisse-t-il tomber en s’esclaffant.
Bien qu’il ait quitté Drummondville depuis longtemps, Alexandre Pelletier-Normand demeure très attaché à sa région natale. D’ailleurs, ses parents et sa sœur y demeurent toujours.
«La situation actuelle rend les voyages difficiles. Ça fait longtemps qu’on n’est pas revenu au Québec. Ça nous manque. Aussitôt que ça va être possible, on va retourner voir la famille», conclut l’ambassadeur de Drummondville.