ÉCONOMIE. La reconversion industrielle de Drummondville a été un succès grâce à l’esprit entrepreneurial des citoyens, la localisation stratégique de la ville et le leadership des acteurs politiques et économiques, a constaté Marc-André Houle, dans le cadre de sa thèse de doctorat en science politique à l’Université du Québec à Montréal (UQAM).
L’étudiant au doctorat s’est intéressé à la reconversion industrielle de Drummondville et de Sorel-Tracy. Le choix de ces villes n’était pas le fruit du hasard. «Il s’agit de deux villes qui ont des similitudes, explique-t-il. Elles ont connu un développement accéléré à partir des années 1920. Les deux villes ont commencé à connaître des difficultés à la fin des années 60. Elles ont été obligées de mettre en place des solutions pour se reconvertir industriellement.»
Si Drummondville a eu une économie basée sur le textile, Sorel-Tracy a plutôt agi dans le créneau de la construction navale.
Drummondville, pionnière du textile
Selon les observations de Marc-André Houle, l’industrie du textile est arrivée «par accident» à Drummondville. «Des barrages hydroélectriques ont été construits. Au début, on pensait avoir une certaine puissance électrique. Finalement, la puissance de ces barrages était moindre. On ne pouvait pas alimenter des industries lourdes comme des industries métallurgiques. En contrepartie, les industries légères se sont imposées comme l’industrie du textile.»
Grâce à la main d’œuvre disponible, cette industrie a acquis de la notoriété, en gagnant ses lettres de noblesse à travers la province. «Le secteur est devenu extrêmement florissant. Au 20e siècle, le surnom de Drummondville était la ville de la soie. La Celanese employait quelques milliers d’employés. On disait que c’était une ville dans une ville.»
Dans les années 1930, 80% de la main d’œuvre ouvrière travaillait dans le secteur du textile, souligne le diplômé.
Le déclin
La mondialisation a été un coup dur pour les industries de la région. «Autrefois, le secteur du textile était protégé au Canada. Il y avait des barrières tarifaires qui faisaient en sorte qu’il y avait un surcoût à exporter le textile pour les entreprises étrangères.»
«Après la Deuxième Guerre mondiale, on va connaître une libéralisation des marchés. Évidemment, les pays vont pouvoir exporter leur marchandise au Canada. Avec l’ouverture des frontières, le textile au Canada, particulièrement à Drummondville, ne sera plus compétitif», ajoute-t-il.
L’écroulement de l’industrie du textile a affecté la vitalité de Drummondville. L’image de la ville s’est beaucoup détériorée. «En 1977, le magazine L’actualité a désigné Drummondville comme étant une ville à l’agonie, précise Marc-André Houle. Aussi, Drummondville était la risée de la revue humoristique Croc. C’était une ville entre Montréal et Québec, sans couleur ni saveur.»
Le changement de cap
Les citoyens ont décidé de passer à l’action plutôt que de rester les bras croisés. «Le Centre-du-Québec, en particulier Drummondville, est considéré comme une terre d’entrepreneurs. L’entrepreneuriat et la création de petites et moyennes entreprises ont été au centre de la reconversion industrielle», mentionne Marc-André Houle, en précisant que la géolocalisation a joué dans la balance.
En l’espace de quinze ans, Drummondville a su remonter la pente, inspirant plusieurs villes à travers la province et à l’international. «Selon le rapport annuel de la Société de développement économique de Drummondville (SDED), il y a onze secteurs économiques à Drummondville. Le premier en importance en 2019 est la machinerie et le transport, incluant 39% des emplois. L’industrie du textile se trouve au dixième rang avec 1,5% de la main d’œuvre. C’est tout un retournement de situation.»
Le succès du modèle économique drummondvillois repose, entre autres, sur le leadership et la concertation des acteurs politiques et économiques. Marc-André Houle fait référence à la mairesse Francine Ruest-Jutras, et Martin Dupont, commissaire industriel et directeur général de la SDED.
Drummondville compte aussi d’autres bons coups. «Il y a beaucoup de villes au Québec qui ont mis en place un incubateur industriel. Ça a été payant pour Drummondville et ça va l’être pour d’autres.»
Pour les curieux, la thèse de Marc-André Houle est disponible sur le web, totalisant 510 pages. Sinon, ce dernier publiera très bientôt un ouvrage afin de résumer le fruit de ses recherches.