Les Alcooliques anonymes, contre vents et marées

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Par Emmanuelle LeBlond
Les Alcooliques anonymes, contre vents et marées
L’organisation des AA sera toujours présente pour supporter les personnes en difficulté. (Photo : Unsplash)

ALCOOL. Même si l’organisation des Alcooliques anonymes (AA) est considérée comme un service essentiel, plusieurs groupes ont dû suspendre leurs activités à cause des restrictions sanitaires et du couvre-feu, ce qui a entraîné la rechute de plusieurs membres.

«Avant la pandémie, seize groupes étaient ouverts. Les gens se rencontraient plusieurs fois par semaine. Certaines personnes faisaient deux rencontres par jour. À cause de la COVID-19, plusieurs groupes ont fermé», soutient la responsable du comité d’information publique AA Drummond, Denise.

Étant un service essentiel, certains groupes ont décidé de conserver les rencontres en présentiel. Plusieurs règles sanitaires doivent être respectées. «On n’avait pas le droit à plus de 25 personnes. On n’avait pas le droit au micro. Il fallait avoir un registre des personnes avec leur numéro de téléphone. On avait la distanciation et le nettoyage de la salle avant et après. C’était très exigeant», concède-t-elle.

Le couvre-feu a été fatal pour les quelques rencontres en soirée. «Ça a éliminé les réunions de soir. Pendant la semaine, les rencontres se déroulent sur l’heure du midi. Pour ceux qui travaillent le jour, ce n’est pas évident de venir nous rencontrer.»

L’organisation s’est rapidement tournée vers le format virtuel. «On anime des réunions avec la plateforme Zoom, mais ce n’est pas tout le monde qui est familier avec ça. Aussi, ce n’est pas tout le monde qui a l’argent pour avoir Internet. Il y a beaucoup de personnes âgées qui ont de la difficulté à utiliser la technologie.»

Perte du contact humain

Le contact humain et le sentiment d’appartenance représentent le cœur de l’organisation des AA. «La chaleur humaine est importante. Quand une personne arrive dans un groupe, il y a des gens qui l’accueillent. Ils vont s’asseoir à côté de la personne. On mise beaucoup sur l’entraide et ça va mieux quand on peut se voir», exprime Denise.

Les rencontres virtuelles ont démotivé plusieurs participants à cause du manque de proximité.

Pour sa part, Yvon est un membre actif depuis deux ans. L’homme de 64 ans s’est rangé vers la sobriété dès son arrivée dans les AA. Le Drummondvillois a eu de la difficulté à s’adapter aux changements reliés au confinement.

«Assez rapidement, les réunions des AA se sont transférées sur Zoom. Je ne trouvais pas ça chaleureux. C’était à distance. Je n’ai pas mordu beaucoup. On fait les Alcooliques anonymes pour être en groupe. On se rencontre et on s’encourage. Tout ça a été réduit et arrêté un moment donné», raconte celui qui a eu le réflexe de s’écarter.

Yvon s’isolait de plus en plus. Les frustrations s’accumulaient. «Je ne pouvais plus voir mes petits-enfants et mes filles. Je ne pouvais pas sortir comme je voulais. Il y avait plusieurs files d’attente dans les magasins. Il y a eu une certaine fatigue.»

Cet été, l’homme a flanché. «Un moment donné, je me suis rendu au IGA. Il y avait une file d’attente dehors. Je me suis déplacé jusqu’au Maxi, il y avait une autre file d’attente. Entre les deux, il y avait la SAQ et il n’y avait pas de file d’attente. Je me suis payé un bon 10 oz.»

Rechute et culpabilité

Pendant dix jours, Yvon s’est enfermé dans son appartement en buvant sans arrêt. Spiritueux, bière et vin, tout y passait. «En tant qu’alcoolique, je ne digère pas l’alcool de la même façon. Dès que je commence à consommer, au lieu de m’enlever la soif, ça me la donne. Il faut que je m’enivre.»

«On devient honteux. On n’appelle plus ses proches. On a honte de soi. On s’enferme. On se magane. On se lève le matin et ça ne va pas bien. La meilleure façon de se replacer, c’est de reprendre une consommation», ajoute-t-il.

Envahi par la culpabilité, Yvon a décidé de se redresser en renouant avec ses bonnes habitudes. «Lorsqu’on a connu l’abstinence, on sait qu’on peut s’en sortir. On sait que l’alcool ne mène à rien, soutient-il. Je prenais conscience du bien-être que j’avais lorsque je ne consommais pas. Je savais que je pouvais m’en sortir.»

Le Drummondvillois a repris contact avec les AA pour se greffer à un groupe, ce qui lui fit le plus grand bien. Depuis les dernières semaines, l’homme de 64 ans est ravi de pouvoir assister à des rencontres en présentiel.

«Ça me permet de me sortir de mon isolement. Je partage avec d’autres. Je me sens utile parce qu’il y a des nouveaux qui arrivent. Ça m’occupe et ça renforce mon sentiment d’appartenance. Je retourne à la vigilance qui m’habitait autrefois.»

Au moment d’écrire ces lignes, les AA ont six groupes en présentiel et trois en virtuel.

Malgré le contexte qui peut sembler difficile, l’organisation des AA sera toujours présente pour supporter les personnes en difficulté, rappelle Denise.

«AA, ça vaut la peine et je sais que ça change une vie. Par amour pour soi, ça vaut la peine de faire l’effort de téléphoner et d’aller dans les rencontres. Le plus vite on va pouvoir ouvrir des salles, le mieux ça va être pour tout le monde», conclut-elle.

Rappelons que le Défi 28 jours sans alcool est du 1er au 28 février.

 

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