MAGAZINE. Les aînés représentent une source inépuisable d’histoires et d’anecdotes qui témoignent d’une époque du passé. Avec l’arrivée du temps des Fêtes, plusieurs se replongent dans leurs souvenirs d’enfance. Certains d’entre eux ont eu la générosité de partager une bribe de leur vécu, en racontant leur Noël d’autrefois.
Lucille Ethier habite à Drummondville depuis dix ans, mais elle a grandi dans un petit village sur la Côte-Nord nommé Franquelin. La dame maintenant âgée de 76 ans n’a que de bons souvenirs reliés à sa région natale, localisée en bordure de fleuve Saint-Laurent.
«Le fleuve était notre seule route. L’été, on pouvait circuler en bateau. L’hiver, on se contentait d’un petit avion pour apporter le courrier et les denrées alimentaires essentielles. On était vraiment isolé», raconte-t-elle.
L’ensemble de la municipalité se mobilisait pour souligner le temps des Fêtes. «Notre village était chapeauté par un patron anglophone qui employait tous les hommes à un moulin. Chaque année, il organisait une parade du père Noël. Le père Noël nous donnait des bonbons. Pour nous, c’était extraordinaire. On les gardait secrètement… et longtemps! C’était très précieux parce qu’on n’en avait pas beaucoup», s’exclame-t-elle, en riant gaiement.
La journée du 24 décembre était synonyme de célébrations chez les Ethier. La nuit tombée, le père de famille sortait pour tracer des pistes dans la neige. «Il nous faisait croire que c’était les traces des rênes du père Noël. On y croyait dur comme fer», témoigne-t-elle.
L’installation de l’arbre de Noël était un moment sacré pour tous. «Puisqu’on était entouré d’arbres, c’était facile d’aller chercher un sapin de Noël avec papa. Tout le monde participait à le monter.»
La crèche était un élément essentiel. «Maman cachait toujours le petit Jésus avec une lingette. Quand on revenait de la messe de minuit, elle enlevait la couverture pour dire que le petit Jésus était né. Je perpétue la tradition encore aujourd’hui, même si j’ai de grands enfants», confie Lucille Ethier, tout sourire.
La messe de minuit
Aux yeux d’Antoinette Parent, la magie de Noël se trouve dans les petites choses. «Dans mon coin, ils n’ouvraient pas les chemins. On allait à la messe de minuit en carriole. Ça, c’était un vrai cadeau. Notre banc à l’église était juste à côté du chœur de chant. Il y avait les chants en latin pour la première messe et les deux autres messes étaient des cantiques de Noël. C’était magnifique», soutient celle qui est native de Saint-André-de-Restigouche en Gaspésie.
À l’époque, Antoinette Parent ne recevait pas de cadeaux. «On n’était pas une famille riche. J’ai su ce qu’était un cadeau à l’âge de 12 ans. L’ami de mon père avait un magasin général et il faisait tirer un gros bas de Noël. Le billet coûtait 25 cents. Mon père a gagné le tirage. Il y avait des jeux de société de toutes sortes», se remémore celle qui est née en 1938.
Dans son patelin, le père Noël ne faisait pas partie des croyances populaires. «On n’avait pas d’électricité ni de téléphone. J’avais neuf ans quand on a eu notre premier téléphone. On n’avait pas de télévision ni de radio. Comment pouvait-on savoir que le père Noël existait?»
En grandissant, Antoinette Parent a fait preuve de générosité envers ses frères et sœurs. «Il y a 25 ans de différence entre moi et le dernier enfant. Quand les plus vieilles ont commencé à travailler, on a commencé à avoir de l’argent. On achetait des cadeaux aux plus jeunes», confie l’aînée de 16 enfants.
Les rassemblements familiaux constituaient le cœur des festivités. «À Noël, on allait dîner chez mes grands-parents paternels. On était une méchante gang. Mon père était celui qui avait le plus d’enfants.»
Une montagne de cadeaux
Jacques Boucher a toujours habité à Drummondville. Selon la coutume, chacun décorait sa maisonnée avec des guirlandes colorées et des lumières scintillantes. De nos jours, le retraité se plaît à poser les décorations, en se rappelant les Noëls de jadis.
«Dans mon enfance, ça se passait chez ma grand-mère maternelle. J’étais choyé parce que ma grand-mère était notre voisine chez mes parents. Plusieurs membres de ma famille venaient de Montréal. On était au moins cinquante dans une petite maison», raconte-t-il.
Après la messe de minuit, une table garnie de victuailles accueillait les visiteurs. «Il n’y avait pas de place pour faire une tablée. Parfois, les enfants étaient dans la troisième tablée.»
La vedette de la soirée était sans contredit le père Noël. «Mon oncle se déguisait en père Noël. Il apportait des cadeaux pour les enfants. Quand il était passé, c’est là qu’on faisait la distribution du reste des cadeaux», se souvent Jacques Boucher, âgé de 77 ans.
Une montagne de présents se cachait sous le sapin. «Ça prenait au moins deux heures pour dépouiller l’arbre de Noël», avoue-t-il, le sourire aux lèvres.
Aujourd’hui, Jacques Boucher accueille avec plaisir ses enfants ainsi que ses sept petits-enfants, question de garder la magie des Fêtes toujours vivante.