DRUMMONDVILLE. Le conseil municipal de la Ville de Drummondville conteste férocement la décision que s’apprête à prendre le gouvernement du Québec de le forcer à maintenir les activités d’enfouissement dans le secteur Saint-Nicéphore.
Lors d’une rencontre s’étant déroulée jeudi dernier à Québec, la Ville de Drummondville a appris que le ministre de l’Environnement et des Changements climatiques, Benoit Charrette, souhaite que le site d’enfouissement appartenant à l’entreprise américaine Waste Management (WM) poursuive ses activités en sol drummondvillois, et ce, pour une période de dix ans, malgré le désaccord de la population.
«Le gouvernement du Québec va permettre à Waste Management de créer un autre dépotoir et d’enfouir 4,3 millions de tonnes de déchets durant les dix prochaines années. C’est l’équivalent de 3,5 millions de voitures, a imagé le maire par intérim de Drummondville, Yves Grondin. Pour le gouvernement du Québec, Drummondville est la solution aux problèmes d’enfouissement du Québec. Le ministre force le mariage entre Drummondville et Waste Management. Un mariage arrangé pour lequel nous n’avons même pas donné notre consentement».
Précisément, l’autorisation permettrait d’enfouir des tonnes de déchets supplémentaires dans la portion de la phase deux exploitée de 1996 à 2013, le sol s’étant affaissé, puis d’utiliser la phase 3B. C’est cette cellule dont Waste Management attend le feu vert du gouvernement pour l’exploiter.
«Le ministre donne son aval pour 10 ans, mais on sait très bien que ce que souhaite Waste Management, c’est pour plus de 20 ans. Il est probable que dans 7-8 ans, on nous dise que le site est encore nécessaire, et qu’une autre autorisation soit accordée. Assez, c’est assez! On semble faire la sourde oreille, ignorer totalement la population et favoriser une entreprise privée étrangère. Drummondville est la capitale du développement, pas de l’enfouissement des ordures», a-t-il déploré.
«Nous sommes consternés de voir que le gouvernement du Québec préfère accéder aux demandes d’une multinationale américaine plutôt que de respecter la volonté de la population qui a déjà exprimé sa vive opposition à tout projet d’agrandissement en 2013 dans un référendum et en 2014 dans un sondage», s’est-il désolé.
Recommandation «inacceptable» à plusieurs égards
Au dire du maire Yves Grondin, la décision du ministre Charette est «inacceptable» à plusieurs égards. D’abord, elle intervient à la veille d’un procès prévu les 21 et 22 septembre prochains. WM a de fait intenté une poursuite contre la Ville pour la forcer à modifier son règlement de zonage pour poursuivre l’exploitation du site.
«Il est exceptionnel de voir le législatif adopter une position qui pourrait influencer le judiciaire de telle sorte», a-t-il affirmé.
M. Grondin a d’ailleurs été questionné à savoir si cette annonce est une coïncidence avec l’élection municipale.
«On trouve particulier que cette décision tombe avant le procès et aussi avant l’élection municipale. Chose certaine, c’est à ce moment-ci que ça tombe. Vous en tirerez vos propres conclusions».
Toujours selon le maire par intérim, le projet d’agrandissement est en parfaite contradiction avec la volonté de réduire l’enfouissement du gouvernement Legault.
«Lors de l’étude des crédits, le ministre Charette a indiqué que tout ce qui est «enfouissement» sera de moins en moins avantageux. C’est pourquoi, disait-il, il y a deux semaines à peine, que le gouvernement appuiera des initiatives vertes et ne veut aucunement favoriser l’enfouissement. En juillet, le gouvernement a dévoilé une stratégie nationale pour la valorisation de la matière organique alors que ce qui entre ici est composé à 50 % de matières recyclables et organiques. Qu’est-ce que le ministre propose concrètement pour régler ce problème? Plus d’enfouissement. La seule solution qui nous propose, c’est l’enfouissement à ciel ouvert. Pour nous, ce comportement est inacceptable. Le gouvernement se positionnera contre l’environnement dans ce dossier s’il suit la recommandation du ministre. Il semblerait que les lobbyistes de Waste Management ont bien fait leur travail», a laissé entendre Yves Grondin.
Par ailleurs, les élus demandent à la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, André Laforest, et au ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, de valider si des recommandations régionales ont été formulées par leur ministère au MELCC relativement à ce dossier. Quant au ministre responsable de la région Centre-du-Québec, André Lamontagne, et au député de Drummond-Bois-Francs, Sébastien Schneeberger, il leur est demandé de faire preuve de solidarité avec la population de Drummondville afin de faire entendre raison au ministre Charette.
«Nos députés locaux, qui sont du bord du gouvernement, doivent convaincre le ministre de changer d’avis et de ne plus considérer Drummondville comme la poubelle du Grand Montréal. J’invite d’ailleurs les citoyens à leur faire part de leur mécontentement face à ce projet d’agrandissement du site d’enfouissement», a lancé M. Grondin.
Bref, la Ville de Drummondville n’entend pas à en rester là. Elle ira se présenter en cour, tel qu’il est prévu, les 21 et 22 septembre.
«Nous ne pouvons recevoir cette décision sans broncher. Nous continuerons à nous battre contre ce projet d’une autre époque. Le procès sera un acte important dans tout ça même si on ne sait pas ce qui arrivera après», a-t-il laissé tomber.
Avec la collaboration de Lise Tremblay