CULTURE. Élan de créativité, apparition de nouvelles opportunités et vague de popularité : la période de confinement a eu un impact à différents niveaux sur les artistes en arts visuels de la région. Rencontre avec ceux qui n’ont pas eu peur de se renouveler pour affronter leur nouvelle réalité.
La pandémie a bouleversé le quotidien de Nathalie Dupont. En tant qu’enseignante en arts plastiques au Collège Saint-Bernard, la Wickhamoise a dû s’adapter aux cours à distance. «C’est sûr que de ne pas être en contact avec les 200 personnes que je voyais par jour, c’est tout un choc. Tu vois plein de monde tout le temps et subitement tu retournes chez toi. Au début, c’était étrange. Je pense que les chocs comme ça propulsent la création», raconte l’artiste peintre.
Avec l’arrivée du télétravail, Nathalie Dupont a réorganisé son horaire, ce qui lui a permis de consacrer plus de temps dans son atelier. «En tant qu’artiste, j’ai doublé le nombre d’œuvres que j’ai fait. De mars à juin, j’ai fait 46 tableaux à l’acrylique sur toile. En juillet, j’ai fait une douzaine de tableaux à l’encre sur papier.»
Durant le confinement, cette amoureuse de plein air a changé ses habitudes de vie, ce qui a influencé sa création. «Dans ma routine de santé, j’ai décidé d’accentuer les marches. Je fais de huit à dix kilomètres de marche par jour. Je me suis beaucoup imprégnée de mon territoire et de mon écosystème. Chaque jour, je trace et retrace les mêmes pas. J’ai vu la nature naître de mars à juillet. Ça s’inscrit dans mes tableaux», soutient-elle.
Quelques tendances artistiques sont apparues au fil des derniers mois. «Au début de la pandémie, il y avait beaucoup de couleurs. Après un mois ou deux, ça s’est calmé. C’est redevenu plus doux. Il y avait beaucoup d’espoir dans mes tableaux.»
Tous les deux jours, l’artiste partageait une nouvelle toile sur ses réseaux sociaux. «Même si je n’étais pas en galerie, j’ai eu plus de ventes», constate-t-elle, avec joie.
Événements en suspens
La plupart des événements artistiques ont été reportés ou annulés à cause de la crise sanitaire. La Guilde des artistes de la région de Drummondville n’a pas été épargnée. Si l’exposition Arôme est en suspend à la bibliothèque publique, celle au Village québécois d’antan a plutôt été annulée.
Sans visibilité, il est difficile pour les artistes de vendre leurs créations, mentionne Nathalie Dupont, qui est aussi présidente de l’association. Les vernissages sont des événements importants pour la survie des artistes qui exposent en galerie. «Ça commence à être grave pour un artiste. Le vernissage, c’est la rencontre du public avec l’artiste, indique-t-elle. Si la rencontre est manquée, tu as beau être en galerie, mais est-ce que les gens voient tes œuvres? Il faudrait qu’il y ait progressivement une belle ouverture pour qu’on puisse organiser ces événements.»
Dans tous les cas, Nathalie Dupont affirme que le fait d’être dans une association permet aux artistes de s’appuyer et se soutenir, malgré les temps difficiles. «Pour la Guilde, on est peu nombreux. On est environ quinze, ce qui fait en sorte qu’on est tissé serré. On se soutient entre nous et on s’écrit pour prendre des nouvelles.»
Être artiste indépendante
Pour sa part, l’artiste du verre Marylène Ménard a réussi à tirer son épingle du jeu en tant que créatrice indépendante. Après avoir vu tous ses projets disparaître, la Drummondvilloise a décidé de rebondir en inscrivant sa candidature sur la plateforme virtuelle de la Fabrique 1840, une initiative qui a été lancée par la Maison Simons en 2018.
Le but de ce projet est d’encourager les artisans canadiens en les aidant à se tailler une place à travers le commerce en ligne. Les créateurs affichent leurs œuvres sur le site web, attirant chaque mois 100 000 internautes.
«J’ai vraiment monté un super beau dossier. J’en ai mis plus que moins : biographie, démarches et photos. J’ai travaillé pendant un bon mois et demi pour monter ma candidature. Quand je l’ai envoyé, j’ai eu la réponse le soir même en me disant que j’étais acceptée», se remémore-t-elle, les yeux brillants.
Vitraux, plateaux en mosaïques de verres et bougeoirs : l’artiste a élaboré de nouvelles pièces pour l’occasion. Entre autres, ses créations ont trouvé des preneurs à Toronto, à Vancouver et au Québec. Marylène Ménard se réjouit d’avoir un rayonnement au niveau canadien. Dans son cas, l’audace s’est révélée gagnante.
Engouement pour les arts
Si une effervescence a habité certains artistes de la région, le sculpteur Pierre Tessier a remarqué que la population a aussi développé un intérêt pour les arts visuels. Le fondateur du Mouvement Essarts a observé une hausse d’achalandage à son parc de sculptures à Saint-Pie-de-Guire.
«Le parc est resté ouvert et on a eu plus de visiteurs qu’à l’habitude. Ça s’est fait graduellement, les visiteurs appelaient pour s’informer si c’était ouvert dès le mois de mars, explique Pierre Tessier. Les gens cherchaient des endroits pour prendre une marche à l’extérieur. On a accueilli beaucoup de familles.»
Rappelons que ce grand espace à ciel ouvert présente cinquante sculptures en grand format qui ont été réalisées par des artistes provenant de quatorze pays différents. «Certaines personnes visitaient le parc pendant quinze minutes et d’autres se sont promenés dans les sentiers pendant une heure et demie.»
Même si la pandémie a suspendu les événements extérieurs et la création d’un pavillon d’accueil, le site accueillera une nouvelle œuvre dès le mois d’août. L’artiste Jérôme Durand, originaire de la France, exposera une installation qui recrée une invasion de… crabes. «Il y a une centaine de crabes! Il y en a des petits, des moyens et des gros. Les petits vont être en forêt. Ce sont les plus gros qui vont être en avant, à la tête de la troupe», conclut Pierre Tessier.