Constat d’infraction pour attroupement à ma mère âgée de 82 ans (Tribune libre)

Constat d’infraction pour attroupement à ma mère âgée de 82 ans (Tribune libre)
Tribune libre (Photo : Photo Deposit)

TRIBUNE LIBRE. J’aimerais vous faire part de mon indignation à l’égard des policiers qui ont émis un constat d’infraction à ma mère pour attroupement illégal dans le cadre de la pandémie.

Ma mère est veuve et habite seule depuis 1989.  Elle est une personne âgée autonome vivant encore dans la maison familiale où mon frère et moi avons grandi soit à Drummondville.  Mon frère et moi habitons maintenant dans la région de Québec. Elle a un copain âgé maintenant de 86 depuis plus de 15 ans.

Dans le cadre de la pandémie, ma mère est isolée, loin de nous, car elle ne peut nous visiter à Québec et nous avons nous aussi, l’interdiction d’aller la voir. Elle ne voit plus ses amies au restaurant, lors de ses activités de bridge, et autres… Après deux mois de confinement, elle a peur d’être malade et d’être hospitalisée à Drummondville, sachant très bien qu’il nous sera impossible de la visiter à l’hôpital. La seule personne qu’elle côtoie est son copain. Ils se rendent service mutuellement. Lui aussi est extrêmement prudent et ne rencontre d’ailleurs aucune autre personne que ma mère. Ils sont nerveux actuellement vu la situation de la COVID-19 craignant de l’attraper et tomber malades. Ils respectent tous deux les consignes de la santé publique en restant confinés mutuellement. Étant en couple, ils se permettent de se voir occasionnellement mais toujours seulement les deux et sans attroupement.

Lors de la journée du 2 mai, il est venu comme il le fait régulièrement depuis 15 ans tel un couple, passer cette journée ensoleillée avec ma maman chez elle. Même s’ils sont en couple, ils gardent leur indépendance et monsieur vit seul en appartement. Il est donc plus facile pour les deux de passer la journée dans la cour arrière de notre maison familiale, ensemble en plein air. À l’heure du souper du 2 mai, alors que la température se rafraîchit, ils décident de manger à l’intérieur. Respectueux des consignes, ils s’installent chacun au bout de la table en conservant une certaine distance entre eux, tout comme pendant la journée sur leurs chaises de parterre.

Surprise!!! Des policiers cognent à la porte de la maison et demandent illico à son copain de quitter, avant même qu’il puisse finir son souper et reçoivent chacun, ma mère de 82 ans et son copain de 86 ans, une amende salée et plutôt injustifiée de 1546 $. Les policiers mentionnent qu’ils ont été dénoncés par des voisins et qu’ils doivent faire leur travail. Ils les menacent même en disant que s’ils recommençaient l’amende sera doublée.

À partir du 27 avril, le premier ministre Legault a débuté son programme de déconfinement. Ces deux personnes âgées autonomes sont des proches aidants naturels l’un pour l’autre et leur symbiose est indispensable, surtout dans ce temps de pandémie où l’on constate beaucoup de solitude, de désarroi voire même d’état dépressif. Grâce à son copain, ma mère peut continuer à vivre à Drummondville même si aucun autre membre de sa famille y demeure. Durant la pandémie, cette relation de couple est primordiale. Ma mère est en isolement et présente déjà de la détresse psychologique. Dans ce contexte, en regardant le tout avec objectivité et transparence, cette contravention touche pratiquement l’abus psychologique. Les policiers sont là, oui pour faire régner la loi, mais ce sont avant tout des êtres humains qui doivent être capable de discernement, de jugement et de compassion.

Par ce temps de pandémie où tous sont nerveux, désemparés et dans le néant, il ne fait aucun doute dans mon esprit que ces deux policiers ont manqué de discernement dans le contexte d’une situation exceptionnelle à laquelle ils ont fait face. Il est toujours permis pour un policier de réfléchir et d’évaluer un cas différemment selon la situation, tel un médecin devant un patient auquel il devra s’adapter selon la situation d’urgence. Un avertissement aurait été davantage approprié plutôt que leur tendre gentiment une amende de 1546 $.

À ce stade-ci, peu importe que ce soit une amende ou un avertissement, le dommage est fait :  ils sont condamnés à vivre seuls le reste de la quarantaine, sans aucun support de l’extérieur, car les deux n’ont aucune famille à Drummondville. Cela va de soi que ce geste est inhumain, disgracieux et cause des dommages collatéraux pour ma mère. Que va –t-il arriver maintenant, si les deux ne peuvent s’aider mutuellement?

Travaillant en milieu hospitalier justement dans le centre COVID-19 de la capitale nationale, je suis particulièrement sensibilisé par cette pandémie. Je constate quotidiennement le désarroi, le désespoir, la tristesse des personnes âgées hospitalisées avec aucun droit de visite.

J’espère sincèrement que rapidement des excuses seront faites à ma mère et son copain et que cette contravention sera retirée, annulée le plus tôt possible, et ce avec humanisme et dans le plus grand respect.

Bien à vous,

Jean Champagne

 

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