TÉMOIGNAGE. Roger et Rita Grisé étaient mariés depuis presque 60 ans. Ils ont mené plusieurs batailles ensemble, dont celle de la COVID-19. Malheureusement, le virus a enlevé la vie à Roger Grisé tandis que sa femme a reçu un tout autre diagnostic : elle est maintenant guérie.
Le téléphone ne dérougit pas chez Rita Grisé depuis quelques jours. Des proches appellent pour prendre des nouvelles de cette dame, âgée de 83 ans, qui a vaincu le coronavirus. Par le fait même, ils lui offrent leurs condoléances.
Le 31 mars dernier, le Germainois Roger Grisé a fait une mauvaise chute et il a été transporté à l’hôpital. Le 2 avril, il a reçu un diagnostic positif à la COVID-19 et il a été transféré au centre hospitalier de Trois-Rivières.
La même journée, Rita Grisé entrait à l’hôpital Sainte-Croix. Quelques jours plus tard, le résultat est tombé pour elle aussi, elle avait contracté le coronavirus. Pour sa part, elle a été transférée à Sherbrooke.
«On ne sait pas trop comment mes parents ont contracté le virus. En mars, ma mère a subi une chirurgie, mais on ne veut pas présumer que c’est là qu’elle l’a attrapé», fait savoir leur fils, Jean Grisé.
Un au revoir par vidéoconférence
Le 9 avril, la santé de Roger Grisé, âgé de 83 ans, s’est détériorée. Coronavirus oblige, ses enfants ne pouvaient pas lui rendre visite. Grâce à la technologie, ils ont tout de même eu l’occasion de l’accompagner jusqu’à son dernier souffle.
«À 9 h 30 le matin, le médecin a organisé une vidéoconférence avec notre père. Nous étions tous présents, ses enfants. On a tous pris le temps de lui dire un mot. On lui a tous dit quelque chose de beau», confie Jean Grisé.
À 10 h 47, soit à peine une heure plus tard, le médecin contacte à nouveau Jean Grisé : son père vivait ses derniers moments. «Le docteur nous a demandé de revenir en vidéoconférence, pour accompagner notre père jusqu’à la toute fin», souligne-t-il.
«Je n’étais pas certain de vouloir accompagner quelqu’un jusqu’à sa mort. Aujourd’hui, je peux dire que je suis très content de l’avoir fait. Je ne savais pas à quel point ça pouvait être bénéfique pour m’aider à faire mon deuil. Je suis heureux que l’hôpital nous ait permis de dire au revoir à notre père, même si on ne pouvait pas le visiter en personne», ajoute Jean Grisé.
Alors que Roger Grisé vivait ses dernières minutes, son fils a eu l’impression que celui-ci était en paix. «Il est parti et son visage avait l’air en paix et calme. On entend souvent : «Il a eu une belle mort». Aujourd’hui, je comprends tout le sens de cette phrase», fait-il savoir.
Pendant ce temps, Rita Grisé était hospitalisée à Sherbrooke. Elle n’a pas pu lui dire adieu.
«Personne souhaite perdre l’amour de sa vie sans pouvoir lui dire un dernier au revoir, mais ma mère comprenait et acceptait la situation. C’était difficile et elle avait parfois la larme à l’œil, mais elle comprenait aussi pourquoi on ne pouvait pas venir la visiter à l’hôpital», confie Jean Grisé.
«Mon père a toujours dit : “Dans la vie, on ne fait pas ce qu’on veut, on fait ce qu’on peut”», poursuit-il. C’est que Roger Grisé était fermier. Il vivait au gré des intempéries et de Dame nature.
Quand on demande à Rita Grisé de parler de son époux, elle raconte : «Il était impliqué à 150 % dans la ferme et il a déjà été conseiller municipal à Saint-Germain, dans les années 1970. On s’entendait bien, mon mari et moi. Le 15 août, on allait fêter nos 60 ans de mariage».
D’ailleurs, Rita Grisé aussi était une femme très impliquée. Elle adorait faire du bénévolat tant dans le milieu scolaire qu’auprès de sa communauté.
«La survivante»
Le 17 avril dernier, Rita Grisé a obtenu un résultat plus que positif : elle n’était plus atteinte par le coronavirus. Elle a donc pu quitter l’hôpital et retourner dans sa maison, à Saint-Germain-de-Grantham.
«On m’appelle la survivante. Ce n’est pas la première fois que j’échappe à la mort. Ça m’est arrivé lors d’un accident d’auto et lors d’un accouchement. Il faut dire que je suis une battante», lance-t-elle en riant.
Comme Jean Grisé a l’opportunité de faire du télétravail présentement, il prend soin de sa mère. «J’aurais pu broyer du noir, mais je n’ai pas eu le temps de tomber dans le négatif, car ma mère avait besoin de nous, ses enfants, souligne M. Grisé.
Les quatre enfants ne voulaient pas que leur mère se retrouve dans une résidence de personnes âgées, particulièrement en ces temps difficiles. «Je ne suis pas heureux de ce qui se passe, mais cette crise me permet à tout le moins de me rapprocher de ma mère. On réapprend à se connaître et à cuisiner ensemble», soutient Jean Grisé.
«On est heureux ensemble», lance Rita Grisé, à propos de la présence de son fils au quotidien.
Dans les prochaines semaines, voire les prochains mois, la famille Grisé organisera les funérailles de Roger Grisé.
«Quand la tempête va être tombée, on va choisir une date pour ses funérailles. Il n’y a pas de presse. Par définition, des funérailles, c’est toujours organisé à la va-vite. J’essaie de voir du positif : on va avoir l’occasion de lui organiser une cérémonie à son image, plus réfléchie et avec un certain recul», conclut Jean Grisé.