SANTÉ MENTALE. La pandémie mondiale de coronavirus amplifie la solitude et les problèmes de santé mentale chez les personnes âgées. À Drummondville, la gérontopsychiatre Maryse Turcotte s’efforce de venir en aide à ceux qui sont considérés comme les principales victimes du confinement.
Afin d’éviter de se déplacer dans les milieux de vie pour aînés, Maryse Turcotte s’est tournée vers la télémédecine depuis le début de cette crise. L’une des rares psychiatres surspécialisées en gériatrie au Québec parvient ainsi à soutenir le personnel médical et ses patients à distance.
«Le téléphone ou la visioconférence, ce n’est pas parfait, mais ça me permet d’offrir un soutien, explique Maryse Turcotte. Cette façon de travailler nécessite une grande confiance envers les équipes médicales sur place. On doit s’entendre sur le vocabulaire utilisé pour décrire l’état du patient. Ce sont des situations parfois complexes. C’est important de choisir les bons mots pour que je puisse avoir un portrait juste. Je questionne beaucoup avant de poser un diagnostic et de prescrire un traitement. Heureusement, les équipes avec qui je travaille sont très fiables.»
L’olympienne en haltérophilie devenue médecin spécialiste porte une attention particulière aux effets du confinement et de la solitude chez ses patients. «Certains sont habitués comme ça et ils continuent leur petite routine. C’est plus difficile pour les personnes âgées qui sont autonomes. Elles trouvent ça difficile d’être confinées non seulement dans leur résidence, mais aussi à l’intérieur de leur chambre. Certains n’ont plus le droit de sortir : ils reçoivent leur médication et leurs repas au pied de la porte», fait remarquer Maryse Turcotte.
«Chez certains, cette situation peut créer beaucoup d’anxiété et de l’angoisse. La peur de la maladie peut même entraîner un état de psychose», ajoute-t-elle, en rappelant que les personnes âgées ont souvent traversé des épreuves difficiles telles que la guerre ou des maladies.
Les bienfaits d’une marche
Pour pallier les effets du confinement, Maryse Turcotte suggère à ses patients de garder une routine de vie saine. «On leur conseille de dormir et de manger à des heures régulières, mais aussi de varier leurs activités. Ça peut être des activités cognitives comme la lecture, les mots croisés ou encore regarder la télévision. Je leur rappelle aussi de garder un contact social en téléphonant à leurs proches», indique-t-elle.
Lorsque c’est possible, Maryse Turcotte suggère aux personnes âgées d’aller marcher dehors, tout en respectant les règles de distanciation physique prescrites par le gouvernement. «Le soleil et l’air frais, je crois beaucoup à ça. En tant qu’ancienne athlète, je sais à quel point c’est bénéfique de bouger, que ce soit à l’extérieur ou à l’intérieur.»
Dernièrement, Maryse Turcotte a tout simplement prescrit à une dame très anxieuse de se limiter à un seul bulletin de nouvelles télévisées par jour. «Le discours souvent négatif et dramatique des médias ne faisait qu’amplifier son anxiété. Bien sûr, il faut être prudent et limiter les risques d’attraper la COVID, mais à un moment donné, si la peur d’être malade provoque trop d’anxiété, on n’est pas plus avancés. Il faut éviter de penser à ça toute la journée», explique-t-elle.
Une histoire d’amour avec les aînés
Après avoir participé aux Jeux olympiques de Sydney et d’Athènes, Maryse Turcotte s’est lancée dans d’exigeantes études en médecine vers la fin de sa carrière sportive. Aujourd’hui âgée de 45 ans, la Drummondvilloise originaire de Sherbrooke pratique sa carrière médicale au département de psychiatrie de l’hôpital Sainte-Croix et au centre d’expertise gériatrique du centre d’hébergement Frederick-George-Heriot.
«La psychiatrie me fait vivre beaucoup d’étonnement. On est en contact avec l’humain, des gens qui ont chacun leur histoire. Une pneumonie, ça reste une pneumonie, mais la santé mentale, c’est un contexte complètement différent. J’apprécie les entrevues avec mes patients et la relation que je développe avec eux», relate la mère de trois enfants, qui a étudié aux universités de Montréal et Laval.
Ayant perdu son père à l’âge de cinq ans, Maryse Turcotte dit avoir beaucoup reçu de ses grands-parents durant sa jeunesse. «Les aînés, je les aime! Ils ont connu toutes sortes d’époques. Ils ont vécu des hauts et des bas. Certains se sont assagis au fil des ans tandis que d’autres se sont émancipés. Chacun a sa propre histoire», conclut la médaillée d’or aux Jeux panaméricains et du Commonwealth.
Une surspécialité médicale
La gérontopsychiatrie est une surspécialité de la psychiatrie qui s’intéresse à l’évaluation, au diagnostic et au traitement des troubles mentaux complexes qui se manifestent chez les aînés. Elle est axée sur la prestation de soins à des patients aux besoins multiples, à une période où l’on observe conjointement de nombreux problèmes complexes de santé physique et mentale.
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