CORONAVIRUS. Pendant qu’une bonne partie de l’humanité est cloîtrée pour éviter la propagation du coronavirus, des professionnels de la santé sont au front pour soigner les patients grièvement atteints de la COVID-19. Experts des soins du système cardiorespiratoire, les inhalothérapeutes sont parmi les spécialistes les plus sollicités en ces temps de pandémie.
À l’hôpital Sainte-Croix de Drummondville, ils sont une trentaine d’inhalothérapeutes qui œuvrent nuit et jour pour aider les patients à mieux respirer. Leur expertise est mise à profit dans plusieurs départements, de l’urgence jusqu’au bloc opératoire en passant par les soins intensifs ou la néonatalogie. Certains effectuent des tests de fonctions respiratoires ou travaillent en rééducation respiratoire avec des patients souffrant de maladies pulmonaires chroniques tandis que d’autres œuvrent en CLSC.
C’est justement cette grande diversité de tâches qui a séduit deux inhalothérapeutes avec qui L’Express s’est entretenu. Après avoir amorcé sa carrière dans le domaine des soins infirmiers, Alexandra Bond s’est réorientée vers l’inhalothérapie il y a six ans.
«C’est très varié. On n’est jamais sur le même étage, explique la femme de 30 ans. Ça demande une grande capacité d’adaptation et beaucoup de débrouillardise. Il faut être capable de se revirer sur un dix cennes rapidement. Ce qu’on apprend à l’école, c’est tellement différent une fois qu’on est rendu sur le terrain.»
«Ça demande aussi beaucoup d’initiative, ajoute-t-elle. En l’absence du médecin, on est parfois appelé à prendre de grosses décisions. La confiance se développe avec les années.»
Même son de cloche du côté de Mylène Lefebvre, une ancienne préposée aux bénéficiaires devenue inhalothérapeute. «C’est un champ d’expertise plus pointu que les soins infirmiers, affirme la mère de famille de 40 ans. J’aime ce côté plus spécialisé. On est beaucoup dans l’action. Pour moi qui n’aime pas la routine, c’est idéal. On ne sait jamais à quoi notre journée va ressembler. Nos services sont requis un peu partout.»
«Il faut avoir un bon sens de l’observation et être curieux, car il y a toujours quelque chose à apprendre. Il faut aimer aider, enseigner et travailler en équipe. De plus en plus, les médecins nous font confiance.»
Le sourire toujours accroché aux lèvres derrière son masque, Alexandra Bond se présente comme un véritable rayon de soleil auprès de ses patients dont les conditions de vie sont parfois difficiles. «J’essaie de les faire sourire et de faire une différence dans leur journée. J’aime répandre du bonheur autour de moi, que ce soit avec les patients ou le personnel de l’hôpital», confie-t-elle.
Pénurie de personnel
Dans le contexte de la pandémie de coronavirus, l’expertise des inhalothérapeutes est plus que jamais cruciale pour soigner ceux qui sont affectés par cette nouvelle maladie.
«Jusqu’à présent, il n’y a pas trop de cas à Drummondville, alors on a le temps de bien faire les choses. Mais comme quelques collègues sont en dépistage pour la COVID-19, il y a un manque de personnel», précise Alexandra Bond, en précisant que tous les tests de ses collègues se sont révélés négatifs jusqu’à maintenant.
Alors que des inhalothérapeutes aux études ou à la retraite pourraient être appelés en renfort, d’autres en fin de carrière ont choisi de quitter le travail de bureau pour revenir sur le terrain. «Ils trouvent ça difficile, mais je veux souligner leur bon travail. Certains n’ont pas exercé depuis 10 ou 15 ans, alors on doit les reformer. Leur présence est importante pour nous. Pendant qu’ils vont s’occuper des patients plus stables, ça va permettre aux inhalothérapeutes d’expérience de se concentrer sur les cas de COVID», relate Alexandra Bond.
Au Québec, la profession exige un diplôme d’études collégiales en techniques d’inhalothérapie. «Il n’y a pas beaucoup de relève dans les écoles, soulève Mylène Lefebvre. Les besoins sont toujours là, alors ceux qui ont un intérêt pour ce domaine, ce serait le temps.»
En considérant cette pénurie d’inhalothérapeutes, le gouvernement québécois a même étudié la possibilité de faire appel à des vétérinaires pour faire fonctionner des respirateurs artificiels. «Ce n’est pas si simple, avertit Mylène Lefebvre. La technique pour s’occuper d’un respirateur change constamment. Il y a beaucoup de perfectionnement à faire. C’est sans compter que les patients atteints de la COVID sont très durs à ventiler. On doit sans cesse ajuster le respirateur. C’est complexe.»
Des risques bien réels
En temps de pandémie, dès qu’un patient se présente à l’hôpital avec des symptômes d’une grippe, il est considéré par le personnel soignant comme un éventuel porteur du coronavirus en attendant les résultats de son test. À Drummondville, lorsqu’un cas est déclaré positif, le patient est aussitôt transféré en ambulance au centre hospitalier de Sherbrooke ou de Trois-Rivières.
«Présentement, 80 % de ma clientèle est considérée comme ayant la COVID, souligne Alexandra Bond. Il y a toujours un fond de stress, car dans notre métier, on est très exposés au virus. Lors d’une intubation, on est ceux qui, avec le médecin, sont le plus en contact avec les gouttelettes et la propagation aérienne.»
De son côté, Mylène Lefebvre exerce son métier à l’hôpital Honoré-Mercier de Saint-Hyacinthe, où les cas confirmés sont transférés à Longueuil. «Il y a une urgence propre et une autre pour la COVID, précise la Drummondvilloise. Ça demande beaucoup de préparation, mais on s’adapte. On est prudent lorsqu’on est en contact avec des cas suspectés. On a eu des inquiétudes au début, quand six inhalothérapeutes ont été en contact avec un cas suspecté qui s’est ensuite révélé négatif. Si on avait été infectés tous les six, ça aurait été problématique puisqu’on n’est pas si nombreux.»
Consciente des risques reliés à son métier, Alexandra Bond s’est d’ailleurs placée en isolement volontaire pour la durée de la pandémie. Depuis quelques semaines, cette mère de famille demeure dans une roulotte située près de la maison familiale à Saint-Edmond-de-Grantham.
«On fait vraiment attention à l’hôpital, mais on pourrait attraper la maladie en touchant une poignée de porte. Je ne veux pas courir le risque de contaminer mon chum et mon enfant à la maison. C’est pourquoi j’ai choisi de m’isoler, mais je suis consciente qu’une mère monoparentale n’aurait pas cette chance.»