COVID-19. Le Tremplin, un réseau d’aide psychosociale, n’est pas reconnu comme un service essentiel, mais devrait l’être, selon sa directrice générale Suzie Jean. Pourquoi? Parce qu’elle appréhende une hausse des cas de détresse en marge de la crise de la pandémie de Covid-19 qui chamboule nos vies.
Suzie Jean n’est pas née de la dernière pluie, elle travaille dans le milieu depuis une vingtaine d’années et n’a pas l’habitude d’adopter des postures alarmistes. Mais, ce qui se passe présentement, alors que notre civilisation est brutalement confrontée à des pertes d’emploi, des diminutions de revenus et des confinements à la maison, surtout pour des personnes vivant seules, a de quoi semer des inquiétudes. Dans ces circonstances, il est normal d’avoir peur, comme l’a si bien dit le premier ministre François Legault.
En conséquence, il faut appeler les choses par leur nom et c’est ni plus ni moins qu’un boom qui est attendu dans ce qui est convenu de reconnaître comme des besoins d’aide en santé mentale.
«On connaît notre clientèle, celle à qui nous prodiguons des soins psychologiques, ça concerne environ 140 personnes par semaine. Ces personnes-là , comme celles qui habitent dans notre immeuble de 14 logements au coin de Saint-Jean et Bérol, ne comprennent pas toujours les enjeux de la crise actuelle. Certains avaient pris l’habitude d’aller à la bibliothèque, mais ce n’est plus possible. Il y a un monsieur qui était habitué à se rendre dans un commerce le mardi matin. Là , il ne peut plus faire ça. Il n’est pas conscient de qu’il ne faut plus faire maintenant», met-elle en perspective.
La prochaine clientèle
Ça, c’est ce qui va pour la clientèle du Tremplin, dont la mission, rappelons-le, est d’offrir aux personnes vivant avec des problèmes de santé mentale des services d’accompagnement vers un rétablissement. Mais Suzie Jean et son équipe voient venir une augmentation du volume d’appels, particulièrement venant de ceux et celles qui vivent l’isolement. Parfois dans un tout petit logement.
«Ce ne sera pas facile de composer avec la situation actuelle. On voit déjà que des gens se sentent contrôlés lorsqu’ils se rendent en épicerie ou en pharmacie. D’autres ont tendance à développer une paranoïa face à ce qui se dit sur le web, notamment que la police va commencer à nous surveiller. Notre rôle est d’identifier les symptômes menant à l’anxiété et à la panique. Les gens ont besoin d’être rassurés. Dans leur vie, quelque chose ne va pas. On fait ce qu’on a à faire lors d’un appel téléphonique, comme le font les autres centres d’écoute comme le CEPS, mais il reste qu’on ne se voit pas. On est dans le minimum. On ferait un meilleur travail si on intervenait en direct avec une personne chez qui on décèle un besoin qui nécessite un contact humain. Car, il faut bien le dire, ce qui manque le plus présentement, c’est le contact humain».
Si un réseau d’aide comme Le Tremplin était reconnu comme un service essentiel, ses intervenants pourraient se déplacer. «Mais je crois que ça s’en vient. La période du 13 avril au 1er mai sera cruciale et je m’attends à ce que le premier ministre Legault, qui s’est dit préoccupé par la santé mentale, fasse un pas dans ce sens», a-t-elle évoqué.
À titre de professionnelle dans le domaine, la directrice générale anticipe un accroissement des problèmes lors du déconfinement. «Après la crise, que va-t-il se passer? Dans quel état serons-nous? Comme dans tout événement stressant, il faut se méfier de la suite où ce sont les nerfs qui lâchent. Lors de la reprise économique, je ne suis pas certaine que tous seront super contents de recommencer à travailler au même rythme qu’avant. Dans ce contexte, moi je dis à mon personnel de ne pas s’oublier. Ça devient intense à certains moments. Et, à mon avis, toutes les entreprises devraient songer à prendre conscience de l’importance de la santé mentale chez leurs employés et d’en prendre soin».
En raison des consignes, n’étant pas un service jugé essentiel, Le Tremplin est présentement fermé. Suzie Jean tient à préciser toutefois que le service téléphonique est assuré et qu’il est gratuit. Au numéro 819-474-1895.