ÉCONOMIE. Il n’y a pas de manuel d’instruction pour les gens d’affaires qui doivent fermer leur entreprise d’ici minuit ce soir, tel que l’a ordonné le gouvernement Legault pour enrayer la propagation du coronavirus, sinon de se replier sur le web.
Après avoir parlé à quelques entrepreneurs de Drummondville ce matin, il en ressort que chacun tentera d’improviser un quelconque moyen de garder la tête en dehors de l’eau, en espérant que cette période très difficile dure le moins longtemps possible.
Marc Tremblay, de la Bijouterie Lampron, située sur le boulevard Lemire, est l’un de ceux qui ont mis la clé dans la porte dès hier. «On a fermé hier à 17 heures, de toutes façons il n’y avait plus de clientèle. On comprend que nous œuvrons dans un secteur de luxe et ce ne sera pas une priorité quand il y aura reprise des activités. Dans notre cas, ça va repartir lentement. En attendant, on accommode ceux qui ont laissé ici des bijoux aux fins de réparation», a-t-il mis en contexte en se disant pas trop inquiet malgré tout.
«Évidemment, il ne faudrait pas que ça dure des mois. Mais, d’après moi, cette mauvaise période devrait dure entre six et huit semaines. Ça va dépendre de la volonté des gens de suivre les consignes. En général, je suis assez optimiste. Les gens semblent en majorité réceptifs, contrairement à nos voisins du sud qui vont connaître une crise de plus grande ampleur. Le pire, c’est de paniquer, comme on l’a vu avec le papier de toilette. Il faut prendre le temps de réfléchir, d’autant plus que c’est pas le temps qui nous manque pour réfléchir de ce temps-là».
Éric Lamoureux, de Sport Experts, est à l’autre bout du spectre. «Oui je suis inquiet. Qui sait comment tout ça va finir et surtout quand? Je ne veux pas que ça dure longtemps, mais mon scénario le plus pessimiste me dit que ça ne reprendra pas vraiment avant la fin de l’été. J’ai 51 employés dans mes deux magasins et j’ai dû les mettre à pied. C’est la première fois que je dois faire ça. Une des employées est partie en pleurant», a-t-il raconté.
«Ce n’est pas très rassurant quand on voit comment certains se comportent. J’ai vu une dame qui tentait d’entrer dans le centre commercial en essayant plusieurs portes qui étaient barrées. Sur quelle planète vit-elle? Je pense que Legault a pris de bonnes décisions, mais moi j’aurais été plus méchant que ça. Il faut que ça soit le plus court possible. Je sais qu’il y a la bonne foi des gens, mais il y a encore trop de monde qui ne font pas attention. Heureusement, il y a des endroits comme les pharmacies où c’est très sécuritaire à l’entrée des clients. C’est difficile, mais mon magasin, pour le moment, c’est secondaire. L’important c’est de se protéger et protéger les autres», a clamé Éric Lamoureux.
Chez Zone Course, de la rue Lindsay, la fermeture est prévue pour 18 heures. «Par la suite, on prendra du temps, peut-être une ou deux journées par semaine, pour prendre les appels et faire la livraison. Nous avons une clientèle fidèle, une page Facebook bien détaillée et nous allons magasiner ici pour eux. Après, on ira livrer dans la grande région de Drummond et si c’est trop loin on utilisera postes Canada. Heureusement, je pense que les gens n’arrêteront pas d’aller courir. Il faut au moins garder ça», ont raconté au journal Sylvie D’Amour et Martine Deschesne.
Chez Miss Jujube, de la rue Lindsay, Julie Chamberland s’attend à une grosse journée avant de mettre la clé dans la porte vers 21 heures. «Je prends les commandes et je suis justement en train d’analyser comment on va livrer. Mon commerce est dans la catégorie dépanneur mais on s’entend que les bonbons ce n’est pas un service essentiel. On regarde toutes les options. On va voir si le service en ligne en vaut la peine. Je suis présente sur Facebook et Instagram. Je souhaite que les gens suivent les consignes pour que ça dure le moins longtemps possible. Je serai capable de tenir un peu plus d’un mois mais pas trop longtemps quand même», a-t-elle indiqué.
Chez Céramique Pelchat, rue St-Pierre, il a fallu se mettre en deuxième vitesse pour satisfaire la clientèle. «Quand la nouvelle a tombé, nous avons dû se grouiller pour répondre aux commandes des clients qui avaient encore besoin de certains produits pour terminer leurs rénovations», ont expliqué Marie-Pier Hélie et Marie-Josée Leclair. «Pour le reste, on prendra les messages, ce sera du cas par cas. Heureusement, nous avons un certain coussin, c’est le même propriétaire pour l’entreprise que pour la bâtisse. Nous avons aussi une belle collaboration avec nos fournisseurs qui nous accommodent. Mais, maintenant, tout est bloqué à Montréal», ont-elles précisé.
Pour la musique, l’OBCD, sur le boulevard Mercure, continuera d’offrir ses disques en utilisant le web. «C’est sûr, dit Marc Gaucher, que les affaires seront au ralenti pendant la fermeture, mais j’ai une clientèle qui est à l’extérieur dans une proportion de 60 %. J’arriverai à me garder la tête en dehors de l’eau car j’ai un loyer pas trop élevé, mais je n’aurais pas été capable si l’incendie ne m’avait pas chassé de mon ancien local», a-t-il rappelé.
Dernier témoignage, celui de Pascal Allard, du restaurant La Bonne Vôtre : «Je suis ouvert et je suis seul dans le restaurant. Je fais des menus en table d’hôte format boîte à lunch. Je vais aussi m’ajuster selon la demande. On reçoit les produits frais régulièrement et les denrées gelées ne se perdront pas. Mon inventaire est bien géré. Je vais en profiter pour faire quelques rénovations dans l’auberge où j’ai trois chambres», a dit celui qui est propriétaire des lieux depuis 2003. Comme d’autres, il a reconnu qu’à moins que la crise dure un an, il devrait s’en sortir.