MAGAZINE. Étudiante à l’école Jean-Raimbault en secondaire 5, Joe-Any Beauregard a accepté de relever un défi pour le moins difficile en cette ère où la technologie est omniprésente : éteindre son téléphone intelligent durant dix jours consécutifs.
Alors que la très grande majorité des jeunes âgés entre 15 et 18 ans possèdent un téléphone intelligent, L’Express Magazine a lancé il y a quelques semaines un appel à tous sur sa page Facebook visant à trouver un adolescent prêt à vivre comme avant, c’est-à-dire avant que les gens… ne s’échangent de leurs nouvelles en composant un message texte.
L’annonce : «Nous recherchons un jeune qui serait prêt à relever un défi pour le moins déstabilisant! Si vous connaissez un jeune qui a de la difficulté à lâcher son téléphone cellulaire et qui serait prêt à… (attention, ça va cogner) le garder fermer durant 10 longues journées consécutives, dites-vous qu’on rêve de le connaître! Imaginez tout le temps qu’il aura pour faire sa chambre (blague plate) et jouer avec son petit frère!».
Une vingtaine de jeunes ont répondu à cet appel à tous, mais une seule courageuse a accepté d’aller jusqu’au bout. «J’ai 16 ans et je suis accro à mon cellulaire. Je trouve que c’est un beau défi pour moi, pour pouvoir décrocher à 100 % et me concentrer plus sur moi-même, sur l’école», a écrit la jeune femme, qui a même choisi de laisser son IPhone au journal, le temps de l’expérience.
Il faut dire qu’elle était vraiment « scotchée » à son portable, tout comme la majorité des jeunes de son âge.
«Dès que mon cellulaire sonne le matin, je le prends et je l’ouvre. Je vais sur Facebook, Snapchat et Instagram. Je passe environ 20 minutes devant l’écran avant de me lever et de me préparer. À l’école, durant les pauses, je suis toujours sur mon cellulaire. C’est comme un réflexe ou un trouble obsessif compulsif. Même si je n’ai besoin que de savoir l’heure, je m’assure que je n’ai pas manqué de message. Pour dire vrai, j’étais sur mon cell du matin au soir», a révélé Joe-Any, avec beaucoup de transparence et de sagesse.
Sa mère et sa grand-mère lui ont souvent fait remarquer qu’elle utilisait son téléphone d’une façon abusive. «Ma mère me dit souvent que j’aurais moins de difficultés à l’école si je l’utilisais moins… et si je me couchais plus tôt», ajoute celle qui souhaite étudier en mode au collégial.
Et qu’est-ce que tu regardes sur ton cellulaire?
«Je suis des influenceurs sur Instagram, je regarde des photos… et la vie des autres. Je me dis souvent que leur vie a l’air vraiment palpitante. Ils ont toujours du nouveau linge; ils ont l’air d’avoir de l’argent. On dirait qu’ils sont heureux. Mais je ne pense pas qu’ils le sont vraiment plus que moi…»
Joe-Any Beauregard a donc passé dix jours entiers sans cellulaire… ou presque. Au tout début, elle a contracté un vilain virus qui l’a considérablement amoché et qui l’a retenu à la maison quelques jours.
«Les 5 ou 6 premiers jours, j’ai été très bonne et j’ai pris ça relaxe, sans cellulaire. C’était ma décision et ma famille m’a appuyée. Un moment donné, je suis allée magasiner avec ma mère et j’ai réalisé que je n’avais pas besoin de mon téléphone pour ce genre d’activité. Je trouvais cependant que le temps ne passait pas vite, surtout quand j’ai été malade. J’ai fini par emprunter le téléphone de ma mère pour texter mes amis et leur dire. Je pense qu’il fallait que je leur dise, surtout que je ne connais pas leur numéro par cœur. Ensuite, j’ai l’ai aussi pris pour aller entretenir mes feux sur Snapchat (jeu), mais j’y allais au maximum une fois par jour», a-t-elle indiqué, en démontrant ainsi que le défi n’était pas si simple comme bonjour.
Maintenant qu’elle a recouvré la santé et son téléphone, Joe-Any affirme qu’elle a réalisé bien des choses.
«J’ai remarqué que je n’en avais pas vraiment besoin à l’école. Toutes mes amies sont sur leur cellulaire cependant. L’autre jour, on dirait que je me sentais seule, car elles étaient toutes sur leur écran», a-t-elle conclu.
Les jeunes et les cellulaires
Une étude en psychologie a été réalisée au cours de l’année à l’Université Sainte-Anne, en Nouvelle-Écosse, auprès de 40 000 élèves du secondaire répartis aux quatre coins du Canada. Elle a démontré que les jeunes qui passent plusieurs heures par jour devant les écrans obtiennent de moins bons résultats scolaires, sont moins engagés dans leur vie scolaire et ont une moins bonne estime de soi. Évidemment, ils font aussi moins d’activité physique. Selon l’Agence de la santé publique du Canada, les enfants de 5 à 17 ans devraient passer un maximum de 2 heures par jour devant un écran.