TÉMOIGNAGE. «C’est curieux à dire, mais la vie de Gabriel tenait à un clignotant».
Celle qui assène un tel verdict, c’est Marie-Pierre Bouchard, la mère de Gabriel Gélinas qui est décédé au volant de sa moto le 31 août dernier à la suite d’un accident survenu sur la route 122 à Saint-Germain-de-Grantham.
Ce matin-là , peu avant 8 heures, le jeune homme âgé de 20 ans circule direction nord sur la route 122 lorsqu’il s’apprête à dépasser une automobile conduite par un sexagénaire (accompagné de sa conjointe) qui, comme le démontrera le rapport du coroner Yvon Garneau, décide de tourner à gauche sans utiliser le clignotant et, apparemment, sans regarder dans son miroir. La collision est aussi violente qu’imparable. Le décès du motocycliste est constaté à l’Hôpital Sainte-Croix une heure plus tard.
Le coroner Garneau indique ceci : «Je peux émettre l’opinion que le conducteur de la Mercedes roulait en direction nord à une vitesse de 60 à 65 km/heure parce que son conducteur était à la recherche d’un garage de réparation d’automobile. Comme il n’arrivait pas à trouver un endroit, il a ralenti davantage et pris la décision de tourner à gauche dans le but d’entrer dans une cour de résidence privée afin de revenir en direction sud vers l’autoroute Jean-Lesage. Une fois l’automobile engagée dans la voie inverse séparée par une ligne pointillée, Gabriel Gélinas n’a pu éviter l’obstacle pour le heurter à l’arrière côté gauche. L’enquêteur de la SQ affirme que le clignotant arrière gauche n’a pas été mis en fonction mais en état d’être utilisé».
Le coroner estime que la moto roulait «probablement au-dessus de la vitesse permise», soulignant que le freinage a été effectué sur une distance de 31,80 m. L’alcoolémie était négative et aucune autre substance n’a été détectée.
Mme Bouchard a lu le rapport du coroner, mais elle a su bien avant ce qui s’était passé. Thanatologue de profession à la Coopérative funéraire de Sherbrooke où elle reprend progressivement le travail, elle a obtenu des réponses précises à ses questions posées au coroner Garneau dès leur première rencontre.
La mère de Gabriel n’entretient pas de colère, mais, si elle a accepté de se confier au journal en compagnie de son fils Sébastien, c’est qu’elle tient à dire à quel point c’est important de se responsabiliser au volant d’un véhicule.
«Ça peut sembler anodin, banal, de faire un petit geste comme actionner son clignotant. Mais, dans notre cas, la conséquence est qu’il y a eu un accident qui a mené à un décès. Gabriel nous manque, c’était le quatrième de mes cinq enfants. J’ai la chance d’être bien entourée. Je ne suis pas en colère. Ça me donnerait quoi? Nous avons à vivre avec ça et les personnes qui étaient dans la voiture doivent aussi vivre avec ça. C’est à l’individu qui s’assoit dans sa voiture de prendre conscience qu’il y a des gestes importants à poser pour conduire de façon responsable, même si c’est un simple clignotant», tient-elle à souligner.
Le matin même, Gabriel Gélinas avait confié à sa copine Dominique qu’il songeait à vendre son engin, secoué par une légère collision survenue quelques jours plus tôt. «C’est ma derrière ride», lui a-t-il dit.
Son grand frère Sébastien n’est pas non plus du genre à en vouloir à l’automobiliste. «Je sais bien que les motos ne sont pas toujours facilement visibles. On entend des campagnes pour dire qu’il faut rendre plus difficile l’accès au permis de moto, mais moi je pense qu’il faudrait aussi rendre plus difficile le permis de conduire. Certains conducteurs ne sont pas à l’aise au volant d’un véhicule», est-il d’avis.
Marie-Pierre Bouchard a appris que le programme de football de la Polyvalente Hyacinthe-Delorme, à Saint-Hyacinthe, dont son fils a porté les couleurs, a créé un prix reconnaissant le leadership, qui portera le nom de Gabriel Gélinas.
Petit baume au cœur de la mère qui a fait inscrire sur sa pierre tombale la citation d’André Malraux: «La plus belle sépulture, c’est la mémoire des hommes».